Quassine

(+)-Quassine
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Identification
Nom UICPA (3aS,6aR,7aS,8S,11aS,11bS,11cS)
1,3a,4,5,6a,7,7a,8,11,11a,11b,11c-
dodecahydro-2,
10dimethoxy-3,8,11a,11c-
tetramethyldibenzo[de,g]
chromene1,5,11-trione
Synonymes

Nigakilactone D

No CAS 76-78-8
No ECHA 100.000.897
No CE 200-985-9
PubChem 10971
FEMA 2971
Apparence Solide blanc
Propriétés chimiques
Formule C22H28O6  [Isomères]
Masse molaire[1] 388,454 1 ± 0,021 4 g/mol
C 68,02 %, H 7,27 %, O 24,71 %,
Propriétés physiques
fusion 222 °C[2]
ébullition 586 °C
Solubilité Soluble dans l'eau à température ambiante[3].
Pression de vapeur saturante 13 mmHg (25 °C)

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

La quassine est un composé blanc cristallin au goût très amer (effet désagréable perceptible au goût dès 10 ppm seulement, ce pourquoi elle est utilisée comme dénaturant pour certains alcools industriels, et dans certains cosmétiques).

Ce composé a été découvert dans l'écorce d'un petit arbre tropical de la famille des Simaroubaceae, le Quassia amara[4] dont elle est extraite[5].

Il est utilisé comme arôme alimentaire, mais intéresse beaucoup l'ethnopharmacologie pour ses propriétés insecticides et de répulsif anti-insectes utilisées dans certaines médecines traditionnelles[5]. Le bois dont la quassine est extraite est aussi utilisé en médecine traditionnelle, ainsi que ses jeunes feuilles contre le Plasmodium falciparum responsable du paludisme (même contre des souches devenues résistantes à la quinine) ; l'activité thérapeutique de ces feuilles (utilisées en thé) est due à deux composés quassinoides récemment découverts dits « simalikalactone E » (SkE)[6] et « simalikalactone D » (SkD), efficace, mais également plus toxique que le précédent (cytotoxique), qui ne devrait donc être utilisé qu'expérimentalement et sous surveillance médicale[7].

La quassine est présente essentiellement dans le bois du quassia de la famille des Simarubaceae, dont elle est extraite. L’écorce contient une autre matière active, la néoquassine. La quassine est obtenue principalement de l'écorce du Quassia amara mais aussi du Picrasma excelsa[8],[9].
Environ 0,65 g de quassine par kg de bois sont obtenus[3].

Propriétés

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Propriétés chimiques

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La quassine est un terpénoïde (triterpène lactone) découvert en 1835[10], qui fut isolée et partiellement purifiée plus de cent ans plus tard, en 1937[11].

Bien que la structure fût déterminée en 1960[12], sa synthèse totale a été réussie pour la première fois en 1980[4].

Sa formule chimique est C22H28O6 et sa masse molaire 388,45 g·mol-1.

Les composés naturels nommés proche de la structure de la quassine sont dénommés quassinoïdes : picrasmine (isoquassine), brucéantine, soulaméanone, simarolide, glaucarubinone, brucéine A, brucéine B, chaparrinone soulaméolide et simalicalactone D[13].

Propriétés physiques

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La quassine pure est soluble dans l'eau à température ambiante[3] et fond à 222 °C[2].

La quassine est la substance naturelle la plus amère connue. Elle est environ 50 fois plus amère que la quinine[8] avec un seuil de reconnaissance de l'amertume de 0,06 ppm et 1 670 fois plus amère que la caféine[14].

Utilisations

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L'extrait de quassia est reconnu comme GRAS (Generally Recognized As Safe (en)) sous le numéro fema 2971[15],[16].

Usage comme additif alimentaire aromatisant

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Dans l'Union européenne, l'extrait de quassia a été autorisé comme aromatisant[8].

Normalement les substances actives sur le plan biologique ne devraient pas être ajoutées telles quelles aux aliments et aux boissons ; seules la quinine et la quassine échappent à cette règle à condition qu'elles soient introduites comme préparations aromatisantes naturelles et à condition que les concentrations maximales mentionnées ne soient pas dépassées : selon le Codex alimentarius, son utilisation est autorisé à 5 ppm en général, 10 ppm dans les bonbons (pour la toux) et 50 ppm pour les boissons alcoolisées[17].

Insecticide

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La quassine est aussi autorisée dans certains pays comme insecticide naturel systémique (il a des effets larvicides contre les culex[18]), notamment contre les insectes suceurs (pucerons[3]) ; il est par exemple autorisé en Suisse sur les fruits à pépins et sur les pruniers, contre les hoplocampes et les pucerons, ou sur les plantes ornementales (contre les pucerons également). Son usage est interdit en France[3].

Au moment de son autorisation pour ces usages (ou comme dénaturant de certains alcools), on considérait qu'elle n'affecte pas l'homme, ni les insectes utiles (abeilles), mais la quassine (comme la brucine, le sulfate de brucine, le benzoate de dénatonium, aussi utilisés comme dénaturants) n'avait jamais fait l'objet d'études poussées de risque toxicologique (la quassine n'avait fait l'objet que d'étude de toxicité aiguë)[5]. Il existe aujourd'hui des doutes sur les risques toxicologiques engendrés par ce produit, seul ou en synergie avec d'autres produits, dont l'alcool (dont l'éthanol, lui-même très toxique, quand il est utilisé comme dénaturant).

Toxicologie

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Les premières études, superficielles, n'avaient pas mis en évidence d'effets toxiques aigus. Depuis, des effets importants ont été mis en évidence, en particulier, les expériences sur l'animal de laboratoire ont montré que la quassine est toxique pour le testicule[5], et un puissant perturbateur endocrinien[5].

  • Les premières études basées sur l'ingestion de fortes doses orales de quassine par des rats (jusqu'à 1 g/kg de poids corporel) avaient conclu à l'absence de toxicité aiguë et à court terme, mais avaient néanmoins mis en évidence quelques indices de toxicité : « des horripilations réversibles, une diminution de l'activité motrice et une perte partielle du réflexe de redressement » chez la souris à 500 mg/kg, et « la quassine administrée à 1000 mg/kg par voie intrapéritonéale (IP) a tué toutes les souris ayant reçu ce traitement en 24 heures »[5] ;
  • Des études sur rats (2000) ont montré des diminutions de fertilité et de production des gamètes mâles, dès 0,1 mg de quassine par kilogramme de la masse corporelle[3],[19] ;
  • De faibles doses (5 à 25 ng/ml) de quassine mise en contact avec des cellules de Leydig de rat, cultivées in vitro, avaient un effet perturbateur endocrinien (inhibition de l'hormone lutéinisante (LH) stimulée par la sécrétion de testostérone de façon dose-dépendante)[5] ;
    La quassine, à des doses allant jusqu'à 2,0 g/kg dans l'eau de boisson de rats, n'avait pas d'effet significatif sur leur poids corporel, mais elle réduisait par contre considérablement les poids moyens de leurs testicules, de leurs vésicules séminales et des épididymes, alors qu'au contraire le poids des glandes hypophysaires augmentait significativement. La production de sperme et les niveaux de LH et de l'hormone folliculo-stimulante (FSH), ainsi que de testostérone, étaient significativement plus faibles chez les groupes traités avec quassine que dans le groupe témoin[5].
  • En 2008, lors d'une évaluation toxicologique pour ses usages cosmétologiques, un groupe d'experts a conclu que les données disponibles ne permettent pas de garantir la sûreté toxicologique des alcools dénaturés avec la quassine (tout comme avec la brucine et/ou le sulfate de brucine[5].

Notes et références

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  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. a et b (en) ChemIDplus, « Quassine - RN: 76-78-8 », sur chem.sis.nlm.nih.gov, U.S. National Library of Medicine (consulté le ).
  3. a b c d e et f AFPP, « Extrait de Quassia amara - Quassine », http://www.afpp.net, (consulté le ) [PDF].
  4. a et b (en) PA Grieco, S Ferriño & G Vidari, « Total Synthesis of dl-Quassin », J. Am. Chem. Soc., vol. 102,‎ , p. 7586-7588. (lire en ligne) [PDF]
  5. a b c d e f g h i et j Cosmetic Ingredient Review Expert Panel (2008) Final report of the safety assessment of Alcohol Denat., including SD Alcohol 3-A, SD Alcohol 30, SD Alcohol 39, SD Alcohol 39-B, SD Alcohol 39-C, SD Alcohol 40, SD Alcohol 40-B, and SD Alcohol 40-C, and the denaturants, Quassin, Brucine Sulfate/Brucine, and Denatonium Benzoate ; Int J Toxicol. ; 27 Suppl 1:1-43. doi: 10.1080/10915810802032388 (résumé)
  6. Cachet N et al.(2009) Antimalarial activity of simalikalactone E, a new quassinoid from Quassia amara L. (Simaroubaceae). Antimicrob Agents Chemother. 2009 Oct; 53(10):4393-8. Epub 2009-08-10 ([résumé])
  7. Houël E, Bertani S, Bourdy G, Deharo E, Jullian V, Valentin A, Chevalley S, Stien D. (2009) Quassinoid constituents of Quassia amara L. leaf herbal tea. Impact on its antimalarial activity and cytotoxicity ; J Ethnopharmacol. 2009 Oct 29;126(1):114-8. doi: 10.1016/j.jep.2009.07.037. Epub 2009 Aug 7 (résumé)
  8. a b et c (en) Scientific Committee on Food, « Opinion of the Scientific Committee on Food on quassin (expressed on 2 July 2002) SCF/CS/FLAV/FLAVOUR/29 Final », sur ec.europa.eu, CEE, (consulté le ), p. 1-10 [PDF].
  9. AFFSAPS, « RAPPORT D’EVALUATION DU RISQUE LIE A L’UTILISATION DE LA QUASSINE DANS LES PRODUITS COSMETIQUES » Accès libre [PDF], (consulté le ).
  10. (en) FL Winckler, Rep. Pharm. 1835, 4, 85.
  11. (en) EP Clark, J. Am. Chem. Soc. 1937, 59, 927, 2511.
  12. (en) Z Valenta, AH Gray, S Papadopoulos, C Podesva, « Structure of quassin. », Tetrahedron Lett., no 20,‎ , p. 25-33.
  13. A Odjo, J Piart, J Polonsky & M Roth, « Étude de l'effet insecticide de deux quassinoïdes sur des larves de Locusta migratoria migratorioides R et F (Orthoptera, Acrididae). : Parasitologie animale », C. R. Acad. Sc. Paris,, vol. 293, no Série III,‎ , p. 241-244 (lire en ligne)
  14. (en) YPS Bajaj, AH Scragg et EJ Allan, « Medicinal and Aromatic Plants : XXI Quassia amara (Surinam Quassia): In vitro culture and the production of quassin », Biotechnology in agriculture and forestry, Springer, vol. 26,‎ , p. 316-326 (ISBN 9783540563914)
  15. (en) J Wright, Flavor Création, Allured publishing, (ISBN 1-932633-01-4), « Chapter 1. Natural raw materials », p1-47
  16. (en) RL Hall & BL Oser, « Recent progress in the consideration of flavor ingredients under the Food Additives Amendment. 3 GRAS Substances. Part 2 », Food Technology, vol. 19, no 2,‎ , p. 151-197
  17. Codex Alimentarius, « Prescriptions générales pour les arômes naturels. », Codex Alimentarius, vol. CAC/GL, no 29,‎ , p. 1-7. (lire en ligne)
  18. Evans DA, Raj RK. (1991) Larvicidal efficacy of Quassin against Culex quinquefasciatus.Indian J Med Res. septembre 1991 ; 93:324-7
  19. (en) Y Raji & AF Bolarinwa, « Antifertility activity of Quassia amara in male rats - in vivo study. », Life sciences, no 11,‎ , p. 1067-74 (ISSN 0024-3205, DOI 10.1016/S0024-3205(97)00615-2).

Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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  • (en) Raji Y, Akinola A, Oyeyipo IP, Femi-Akinlosotu (2010) Reproductive activities of female albino rats treated with quassin, a bioactive triterpenoid from stem bark extract of Quassia amara ; Niger J Physiol Sci. 24;25(2):95-102.
  • (en) Raji Y. (2010) Effects of bioactive principles from stem bark extract of Quassia amara, Quassin and 2-methoxycanthine-6-one, on haematological parameters in albino rats ; Niger J Physiol Sci. 2010 Nov 28;25(2):103-6.
  • (en) Mishra K, Chakraborty D, Pal A, Dey (2010) Plasmodium falciparum: in vitro interaction of quassin and neo-quassin with artesunate, a hemisuccinate derivative of artemisinin ; Exp Parasitol. 2010 Apr;124(4):421-7. doi: 10.1016/j.exppara.2009.12.007. Epub 2009 Dec 29 (résumé)