Les racines juives du christianisme sont un domaine auquel la recherche historique s'intéresse principalement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et, dans les milieux catholiques, plus particulièrement depuis les Dix points de Seelisberg (1947), suivis quelques années plus tard par la déclaration Nostra Ætate (1965).
Loin de se limiter à un rappel des croyances de l'Ancien Testament, le Nouveau Testament et les pratiques du christianisme qui en découlent depuis près de deux mille ans témoignent de l'influence et de l'importance du judaïsme aussi bien dans ses rites que dans son système de pensée.
Si la séparation des deux religions semble effective dès le IIe siècle, le processus d'émergence de l'identité chrétienne en tant que telle demeure difficile à cerner sur le plan temporel. La période comprise entre les années 40 et 90 apparaît comme une phase de transition qui se conclut, à la fin du Ier siècle, par la rédaction du corpus johannique comme de la Première épître de Clément et se caractérise par une exclusion mutuelle des deux communautés.
Au cours des dernières décennies, le dialogue tant « ad extra » que « ad intra » a porté à une prise de conscience de plus en plus claire que chrétiens et juifs sont irrévocablement interdépendants les uns des autres et que le dialogue entre eux n'est pas seulement un choix, mais un devoir, en particulier au niveau théologique. Juifs et chrétiens peuvent s'enrichir mutuellement dans ces rapports d'amitié. Sans ses racines juives, l'Église risquerait de perdre son ancrage sotériologique dans l'histoire du salut et tomberait dans une gnose qui serait en définitive anhistorique[2].
La foi des juifs attestée dans la Bible, que l'on trouve dans l'Ancien testament, n'est pas pour les chrétiens une autre religion, mais le fondement de leur propre foi, même s'il est clair que pour eux la figure de Jésus est la seule clé de lecture des Écritures de l'Ancien testament. La pierre d'angle de la foi chrétienne est Jésus (voir Ac 4,11 ; 1 P 2, 4-8). Le dialogue avec le judaïsme occupe donc une place à part pour les chrétiens. De par ses racines, le christianisme est lié au judaïsme comme il ne l'est à aucune autre religion. C'est pourquoi le dialogue juif-chrétien ne peut êtr qualifié qu'avec beaucoup de réserves de « dialogue interreligieux » au sens propre ; il faut parler plutôt d'un dialogue « intrareligieux » ou « intrafamilial » sui generis[3].
Simon Claude Mimouni et Bernard Pouderon, La Croisée des chemins revisitée : Quand l'"Église" et la "Synagogue" se sont-elles distinguées ?, Cerf, 2012
Simon Claude Mimouni, Le Judaïsme ancien et les origines du christianisme. Études épistémologiques et méthodologiques, Bayard, 2017
Père Jean-Baptiste Nadler (préface du grand-rabbinHaïm Korsia), Les Racines juives de la messe, éd. de l'Emmanuel, 2015
Pasteur Antoine Nouis, Nos racines juives, Bayard, 2018
Conférence des évêques de France, Service national pour les relations avec le judaïsme, Déconstruire l'antijudaïsme chrétien, éditions du Cerf, juin 2023, 160 pages, présentation en ligne, avec détail du sommaire en 20 chapitres sur le site du Service national pour les relations avec le judaïsme de la Conférence des évêques de France, chapitre 10 « Les racines du christianisme »
Bart D. Ehrman, Jésus avant les Évangiles : Comment les premiers chrétiens se sont rappelé, ont transformé et inventé leurs histoires du Sauveur, Bayard, 2017 (ISBN978-2-227-48913-4)
↑Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, Commission pour les relations avec le judaïsme, Les dons et l'appel de Diau sont irrévocables, 2015, n°13
↑Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, Commission pour les relations avec le judaïsme, Les dons et l'appel de Diau sont irrévocables, 2015, n°20