Rendement viticole

Déchargement à la coopérative de Vacqueyras d'une benne pleine de raisins vendangés. Les rapports entre le rendement et la qualité du vin font l'objet de débats.

Le rendement viticole est le rendement agronomique d'un vignoble, c'est-à-dire le rapport entre la production, exprimée soit en volume de vin soit en masse de raisin, et la surface du vignoble cultivé.

Ce rendement est considéré comme un des déterminants de la qualité d'un vin ; il conditionne aussi en partie le revenu du viticulteur.

Unités de mesure

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Plusieurs unités de mesure sont utilisées pour mesurer le rendement :

Exemples : un récoltant de la Marne déclare que sa production destinée à faire du champagne est de 12 000 kilogrammes par hectare ; un viticulteur bourguignon déclare avoir récolté un bourgogne rouge à 50 hectolitres par hectare.

La conversion entre les deux principales unités de mesure du rendement (les kg/ha et hℓ/ha) se fait en fonction du rendement en jus, qui varie notamment selon le cépage (les baies et les grappes sont plus ou moins grosses, le clone et le porte-greffe plus ou moins productifs), les pratiques viticoles (irrigation), l'année et le type de pressurage. Pour les rendements du champagne, la conversion est fixée par le cahier des charges de l'appellation[3] :

  • pour passer des kg/ha aux hℓ/ha, il faut multiplier par 0,006375 ;
  • pour passer des hℓ/ha aux kg/ha, il faut multiplier par 156,86.

Ces valeurs peuvent être utilisées pour le vin blanc ; en rouge, pour passer des hℓ/ha aux kg/ha, le multiplicateur varie d'environ 135 (pour les cépages à petites baies, tel que le cabernet sauvignon) à 115 (pour les cépages à grosses baies tel que l'aramon)[4].

Cep de vigne avec une charge importante, vignoble de la Barossa Valley.

Le rendement va dépendre du cépage (plus ou moins productif), du sol (fertilité, drainage, pente), de l'âge des vignes, des pratiques viticoles (densité de plantation[5], taille, engrais, enherbement, irrigation, surface foliaire, ébourgeonnage, vendange en vert, etc.), de l'année (sécheresse, grêle, gel, ensoleillement, maladies, pluies avant les vendanges, etc.), du type de vendange (systématique ou triée) et du pressurage.

Le potentiel de rendement d'une parcelle est estimable avant même la vendange, à partir de la densité (nombre de ceps par hectare), de la charge (c'est-à-dire le nombre d'yeux laissés lors de la taille), la fertilité (nombre de grappes par œil) et le poids moyen d'une grappe. Le viticulteur peut, grâce à cette estimation, agir ou non pour réduire sa production.

Jusqu'à la première moitié du XXe siècle, les rendements étaient relativement faibles : les champignons, les insectes et le climat détruisaient régulièrement une partie de la production. Les avancées technologiques permettent de pallier ces risques, essentiellement par l'emploi de produits chimiques. Les raisins qui pourrissaient lors des étés pluvieux sont désormais protégés par les fongicides ; les insectes ravageurs sont détruits par les insecticides, etc. « Les rendements ont augmenté et pratiquement doublé durant la seconde moitié du XXe siècle. Cela n'a rien d'étonnant, les méthodes de culture et de protection du vignoble s'étant beaucoup améliorées »[6]. L'usage des engrais, des produits phytosanitaires et la sélection de plants productifs ont ainsi permis une forte augmentation des rendements.

Influence sur la qualité

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Sur la question de savoir en quoi le rendement influe sur la qualité du vin, deux points de vue s'opposent. Le plus courant est de considérer que les bas rendements donnent des raisins plus mûrs (surtout lors des années fraîches)[7] et des vins plus concentrés, tandis que les hauts rendements ont tendance à diluer le goût. Il y a une relation entre le rendement et l'accumulation en sucres dans le jus[8].

« Le rendement des vignes, exprimé par leur production (kilos de raisins ou hectolitres de vin) à l'hectare, est un facteur clé de la qualité des raisins. Une récolte trop abondante n'arrive jamais à maturité, car les ceps s'épuisent inutilement à nourrir trop de grappes à la fois. Afin de protéger la qualité des vins et la longévité des vignes, l'appellation Margaux a fixé une limite qui est en général la plus restrictive du Médoc. »

— Argument de vente sur le site du château Margaux[9].

L'autre point de vue est de considérer qu'un producteur peut augmenter son rendement sans faire baisser la qualité de son vin, à condition d'avoir une forte densité à l'hectare[10]. Un rendement un peu élevé contrebalance l'excès de sucre et d'alcool[11] dû à un fort ensoleillement (dans un contexte de réchauffement climatique), ralentissant la vitesse de maturation, évitant d'avoir ultérieurement à acidifier le vin par ajout.

Limitations en France

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En France, les rendements sont le plus souvent limités, faisant l'objet d'une déclaration annuelle obligatoire du viticulteur qui peut être contrôlée par la DGDDI (douanes et droits indirects) et la DGCCRF (répression des fraudes).

Contraintes légales

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Pour les vins sous une appellation d'origine protégée (AOP, correspondant aux AOC), deux rendements viticoles sont indiqués dans chaque cahier des charges : le rendement maximal et le « rendement butoir ».

« Le rendement fixé dans le cahier des charges d'une appellation d'origine contrôlée correspond à la quantité maximale de raisins ou l'équivalent en volume de vin ou de moût récolté par hectare de vigne pour lequel l'appellation peut être revendiquée dans la déclaration de récolte. Il est exprimé soit en kilogrammes de raisins par hectare, soit en hectolitres de moût par hectare, soit en hectolitres de vin par hectare. Dans ces deux derniers cas, ce volume s'entend après séparation des lies et bourbes. »

— Article R645-7 du Code rural et de la pêche maritime[12].

Comme le rendement des différentes appellations peut être modifié (à la hausse comme à la baisse) chaque année par arrêté ministériel[13], les cahiers des charges mentionnent un « rendement butoir » qui sert de limite à ne pas dépasser[12].

Pour les vins bénéficiant d'une indication géographique protégée (IGP, les anciens vins de pays), le rendement est en général limité à un maximum de 90 à 120 hectolitres par hectare. Pour les vins sans indication géographique (VSIG, les anciens vins de table), le rendement n'est pas plafonné, mais il est estimé que 250 hℓ/ha est le rendement maximum permettant d'atteindre les 9 % vol. d'alcool minimum entrant dans la définition du vin[14]. Les volumes en dépassement de ces rendements sont envoyés à la distillation industrielle (pour en faire de l'éthanol servant de carburant).

Plafond limite de classement

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Un « plafond limite de classement » (PLC) est en France une autorisation de dépasser le rendement maximum fixé par le décret d'appellation. Ce plafond est exprimé en pourcentage, il est délivré annuellement par l'INAO sur demande des syndicats d'appellation et ne peut dépasser le rendement butoir[15]. Le dépassement du PLC entraîne la perte du droit à l'appellation pour ce vin, envoyé à la distillation.

Le PLC est créé en 1974, avec des taux de 10, 20 ou 30 %[16],[17] qui sont modifiés annuellement par décret, puis depuis 1991 par arrêté ministériel[18].

Par exemple, pour le millésime 2007, les plafonds limite de classement sont de[19] : 56 % pour le crémant de Bourgogne, 30 % pour le chambolle-musigny, 26,67 % pour le pauillac, 25 % pour le champagne, 20 % pour le richebourg, le saint-émilion et le floc-de-gascogne, 12,5 % pour le riesling d'Alsace, 10 % pour le bordeaux et le côte-rôtie, 8,33 % pour le muscadet, etc.

Volume complémentaire individuel

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Un « volume complémentaire individuel » (VCI) est un volume de production au-delà du rendement d'une appellation viticole française, dans la limite du rendement butoir, qui est conservé comme réserve pour être utilisé l'année suivante en cas de faible récolte, en complément ou en remplacement d'une partie de la production de cette année-là. Il s'agit donc d'assembler deux millésimes différents, et de vendre l'ensemble avec l'indication d'une seule année.

Cette possibilité a d'abord été expérimentée, à partir de 2005 dans le vignoble de Chablis (pour tous les chablis)[20], puis à partir de 2010 dans le vignoble de Bordeaux (pour presque tous les bordeaux rouges)[21], avant d'être autorisée pour tous les vins blancs (en dehors des effervescents, des vendanges tardives et des liquoreux) par un décret de [22].

Exemples de maximum

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Au château d'Yquem, le rendement est de seulement 9 hectolitres par hectare[23], alors que le maximum autorisé par l'appellation sauternes est de 25 hℓ/ha.

Si presque chaque appellation a un rendement spécifique, ceux-ci sont systématiquement élevés pour les vins destinés à la distillation et pour les effervescents, plus bas pour les blancs, encore plus bas en rouge et très faibles pour les vins sucrés. Plus l'appellation est prestigieuse, plus le rendement plafond est bas :

Selon les déclarations annuelles[25], le rendement moyen en France pour l'ensemble des vins produits est de 61,01 hectolitres par hectare en 2002, 56,51 en 2003, 70,06 en 2004, 63,1 en 2005, 63,33 en 2006, 56,99 en 2007, 52,86 en 2008 et 58,35 hectolitres par hectare en 2009. Détail pour cette dernière année :

  • 23,42 hectolitres par hectare pour les VDN ;
  • 50,18 hectolitres par hectare pour les AOC y compris les VDN ;
  • 50,93 hectolitres par hectare pour les AOC autres que VDN ;
  • 60,76 hectolitres par hectare pour les VDQS ;
  • 101,42 hectolitres par hectare pour les vins destinés à être transformé en eaux-de-vie (essentiellement cognac et armagnac) ;
  • 60,96 hectolitres par hectare pour les autres vins (IGP et VSIG).

Moyennes par pays

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Seuls deux États ont établi des limites en termes de rendements : l'Italie et la France.

Statistiques pour la récolte 2009
Vignobles de cuve,
en ha[26],[27]
Productions de vin,
en hℓ[28]
Rendements moyens,
en hℓ/ha
Drapeau d'Afrique du Sud Afrique du Sud 105 500 9 986 000 94
Drapeau de l'Albanie Albanie ? 175 000 ?
Drapeau de l'Algérie Algérie ? 588 000 ?
Drapeau de l'Allemagne Allemagne 100 100 9 228 000 92
Drapeau de l'Argentine Argentine 211 700 12 135 000 57
Drapeau de l'Australie Australie 157 300 11 710 000 74
Drapeau de l'Autriche Autriche 45 100 2 352 000 52
Drapeau du Brésil Brésil 49 300 2 720 000 55
Drapeau de la Bulgarie Bulgarie ? 1 397 000 ?
Drapeau du Canada Canada 9 600 530 000 55
Drapeau du Chili Chili 120 300 10 093 000 83
Drapeau de la République populaire de Chine Chine ? 12 800 000 ?
Drapeau de Chypre Chypre 10 400 145 000 13
Drapeau de la Croatie Croatie ? 1 424 000 ?
Drapeau de l'Espagne Espagne 1 049 900 35 166 000 33
Drapeau des États-Unis États-Unis 255 200 21 965 000 86
Drapeau de la France France 786 600 46 269 000 58
Drapeau de la Géorgie Géorgie ? 900 000 ?
Drapeau de la Grèce Grèce 66 200 3 366 000 50
Drapeau de la Hongrie Hongrie ? 3 198 000 ?
Drapeau d’Israël Israël ? 230 000 ?
Drapeau de l'Italie Italie 686 400 47 314 000 68
Drapeau du Japon Japon ? 867 000 ?
Drapeau du Liban Liban ? 70 000 ?
Drapeau du Luxembourg Luxembourg 1 200 135 000 112
Drapeau de la Macédoine Macédoine ? 955 000 ?
Drapeau du Maroc Maroc 9 200 330 000 35
Drapeau du Mexique Mexique ? 369 000 ?
Drapeau de la Moldavie Moldavie ? 1 240 000 ?
Drapeau de la Nouvelle-Zélande Nouvelle-Zélande ? 2 050 000 ?
Drapeau du Pérou Pérou ? 515 000 ?
Drapeau du Portugal Portugal ? 5 868 000 ?
Drapeau de la Tchéquie République tchèque ? 570 000 ?
Drapeau de la Roumanie Roumanie 188 000 6 703 000 35
Drapeau de la Russie Russie ? 7 126 000 ?
Drapeau de la Serbie Serbie ? 2 392 000 ?
Drapeau de la Slovaquie Slovaquie 18 700 346 000 18
Drapeau de la Slovénie Slovénie ? 539 000 ?
Drapeau de la Suisse Suisse 13 600 1 112 000 81
Drapeau de la Tunisie Tunisie ? 245 000 ?
Drapeau de la Turquie Turquie ? 499 000 ?
Drapeau de l'Ukraine Ukraine ? 3 181 000 ?
Drapeau de l'Uruguay Uruguay 7 700 629 000 81
Monde ? 271 061 000 ?

Notes et références

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  1. La FAO utilise des hectogrammes par hectare (hg/ha).
  2. Conventions sur le symbole du litre.
  3. « Les vins de base destinés à l'élaboration des vins susceptibles de bénéficier de l'appellation d'origine contrôlée sont obtenus dans la limite de 102 litres de moûts débourbés pour 160 kilogrammes de raisins mis en œuvre. » « Décret no 2010-1441 du 22 novembre 2010 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Champagne » », JORF, no 0273,‎ , p. 21013.
  4. « Rendement », sur domainedupossible.free.fr.
  5. Une faible densité de plantation favorise de hauts rendements ; comme les appellations qui ont des vignes denses (avec parfois un minimum obligatoire montant jusqu'à 10 000 pieds par hectare), le rendement/cep y est plus faible que dans les vignes plantées à faible densité (à 3 000 ou 5 000 pieds/hectare).
  6. Jean-François Bazin (préf. Aubert de Villaine), Le vin de Bourgogne, Paris, Éditions Dunod, , 263 p. (ISBN 978-2-10-058518-2), p. 219.
  7. Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de l'Ontario, « Le rendement influe-t-il sur la qualité du vin? », sur omafra.gov.on.ca.
  8. « Gestion du rendement vers une recherche de la qualité » [PDF], sur vignevin-sudouest.com, , p. 9.
  9. « Rendement », sur chateau-margaux.com.
  10. « C'est quoi un rendement à l'hectare? », sur levinvudailleurs.blogspot.fr, .
  11. Le sucre du moût est transformé par les levures en alcool lors de la fermentation alcoolique à raison de 16,83 g de sucre pour un pour cent d'alcool volumique : on parle alors de « rendement alcoolique ».
  12. a et b « Article D645-7 du Code rural », sur Légifrance, remplaçant depuis le 22 novembre 2010 l'article D644-25 (créé le 23 septembre 2008).
  13. Exemple avec l'arrêté du 29 mars 2012 relatif au rendement à l'hectare de certains vins d'appellation d'origine contrôlée de la récolte 2011, publié au JORF no 0086 du 11 avril 2012 page 6565, qui augmente les rendements pour cette récolte.
  14. « L'IFV estime à 250 hl/ha le rendement maximum d'une vigne », sur reussir-vigne.com, .
  15. « Définition : Plafond limite de classement (PLC) », sur cavesa.ch.
  16. Décret no 74-872 du 19 octobre 1974 relatif au rendement des vignobles produisant des vins à appellation d'origine contrôlée.
  17. « Décret no 74-958 du 20 novembre 1974 relatif à la fixation du plafond limite de classement des vins à appellation d'origine contrôlée », JORF,‎ , p. 11710 (lire en ligne).
  18. « Arrêté du 20 décembre 1991 relatif à la fixation du plafond limite de classement de certains vins à appellation d'origine contrôlée pour la récolte 1991 », JORF, no 1,‎ , p. 38.
  19. « Arrêté du 14 février 2008 relatif au plafond limite de classement des vins à appellation d'origine contrôlée de la récolte 2007 », JORF, no 0048,‎ , p. 3297.
  20. « Décret du 20 octobre 2005 modifié portant expérimentation du volume complémentaire individuel pour les appellations d'origine contrôlées « Petit Chablis », « Chablis », « Chablis premier cru » et « Chablis grand cru » », JORF, no 248,‎ , p. 16820.
  21. « Décret no 2010-1440 du 23 novembre 2010 portant expérimentation du volume complémentaire individuel pour certains vins rouges d'appellation d'origine contrôlée de la région bordelaise », JORF, no 0272,‎ , p. 20941.
  22. « Décret no 2013-1051 du 22 novembre 2013 relatif au volume complémentaire individuel pour les vins blancs tranquilles bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée », JORF, no 0272,‎ , p. 19060.
  23. « Vendange ou cueillette », sur yquem.fr.
  24. Arrêté du 6 février 2015 relatif au rendement à l'hectare de certains vins d'appellation d'origine contrôlée de la récolte 2014 (lire en ligne)
  25. « Tableau des statistiques agricoles annuelles sur la production de vins en France (données provisoires pour 2009) », sur agreste.maapar.lbn.fr.
  26. (en) International Organisation of Vine and Wine, « Outlook 2008-2009 » [PDF], sur oiv.int, p. 46.
  27. La production de raisin n'est pas consacrée uniquement à la production de vin, mais aussi à celle de fruit frais, de jus et de raisins secs.
  28. (en) International Organisation of Vine and Wine, « Outlook 2008-2009 » [PDF], sur oiv.int, p. 69-70.