Robert Sarah, né le à Ourouss (région de Boké, nord de la Guinée), est un prélat catholique guinéen.
Archevêque de Conakry de 1979 à 2001, il est créé cardinal par Benoît XVI en 2010. Préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements de 2014 à 2021, il en reste préfet émérite et se voit nommé membre de la Congrégation pour les Églises orientales.
Il se distingue pour ses positions conservatrices, notamment sur l'homosexualité et l'immigration, ainsi que pour son engagement en faveur du célibat consacré et de la liturgie ad orientem.
Robert Sarah est né le en Guinée, en pays Coniaguis[1], dans une famille de cultivateurs animistes[2].
Il fréquente régulièrement une mission des pères spiritains dès l'âge de douze ans, et c'est parmi ces missionnaires qu'il découvre sa vocation. Dans sa biographie écrite par Nicolas Diat, il raconte que la réalisation de sa vocation semblait difficile en tant qu'Africain d'origine très modeste, et qu'il a fallu le lui proposer[3], tant cela paraissait alors improbable. Il étudie au petit séminaire Saint-Augustin à Bingerville, en Côte d'Ivoire[4].
Il revient à Conakry trois ans plus tard, où il passe son baccalauréat[5], avant de rejoindre la France pour étudier la théologie et la philosophie au Grand Séminaire de Nancy (1964-1967). Il y fait la rencontre du cardinal Eugène Tisserant[3].
Robert Sarah est ordonné prêtre le en la cathédrale Sainte-Marie de Conakry[3].
Souhaitant poursuivre des études d'exégèse, il se rend à Rome et y reste jusqu'en 1974. Son séjour est entrecoupé par une année à Jérusalem, en 1971.
Il retourne ensuite en Guinée comme curé de Boké, où il prend soin de visiter chaque village de sa paroisse, y compris les plus reculés qui étaient restés plusieurs années sans prêtre depuis l'expulsion des missionnaires européens par Ahmed Sékou Touré en 1967.
En 1976, il devient professeur puis directeur du petit séminaire de Conakry[6].
Robert Sarah est nommé archevêque de Conakry le par Jean-Paul II à l'âge de 34 ans, devenant ainsi l'un des plus jeunes évêques du monde[3],[7]. Il est consacré le suivant par le cardinal Giovanni Benelli, alors archevêque de Florence.
Il tient tête au régime marxiste de Sékou Touré[8],[9],[10].
À son départ en 2001, il dresse publiquement un réquisitoire contre le général Lansana Conté alors au pouvoir, qui sera qualifié de « prophétique »[11].
Il est appelé en par le pape Jean-Paul II à la Curie comme secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, qui gère et nomme les évêques pour les pays de mission, c'est-à-dire la majorité de l'Amérique latine, de l'Afrique et de l'Asie.
Le , le pape Benoît XVI le nomme président du Conseil pontifical Cor Unum[12], qui accompagne et coordonne les actions de charité des organismes catholiques dans le monde.
Quelques semaines plus tard, il est créé cardinal par Benoît XVI lors du consistoire du 20 novembre 2010. Il reçoit alors le titre de cardinal-diacre de S. Giovanni Bosco in via Tuscolana.
Il prend part au Conclave de 2013 qui voit l'élection du pape François.
Du 18 au , il entreprend un voyage au Guatemala pour rencontrer les associations caritatives de l'archidiocèse à la suite des catastrophes subies par le pays. Il en profite aussi pour inaugurer un ensemble de maisons et une chapelle, dont la construction a été rendue possible par le concours du pape François[13].
Le , comme l'ensemble des chefs de dicastère, il est nommé par François père synodal pour la troisième assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur la famille se déroulant du 5 au [14]. Trois jours plus tard, il est également nommé membre de la Congrégation pour la cause des saints[15].
Le , le pape le nomme préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements[16]. Le cardinal Sarah refuse à trois reprises cette promotion avant de finir par l'accepter sur l'insistance du pape François[10]. D'après le journaliste italien spécialiste des religions Sandro Magister, sa nomination à la tête de la Congrégation ne serait toutefois pas tant une promotion qu'un moyen de le « neutraliser », le privant de facto de toute autorité effective en l'entourant d'hommes qui lui seraient hostiles. De fait, le pape a renouvelé en le conseil d'administration de ce ministère sans consulter le cardinal Sarah, en y nommant certains prélats que Benoît XVI avait écartés du dossier liturgie[17].
Il rédige le puis promulgue le un décret pour la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements sur la demande de François, modifiant la cérémonie du lavement des pieds dans le rite romain. S'appuyant sur le chapitre 13 de l'évangile selon Jean, notamment sur la nécessité d'amour fraternel et du salut de la race humaine tout entière, le lavement des pieds jusque-là réservé à des hommes pris parmi le peuple de Dieu est étendu à l'ensemble du peuple dans sa diversité. Le cérémonial des évêques et le missel romain sont ainsi modifiés[18].
Depuis le , date à laquelle le cardinal Leonardo Sandri a quitté l'ordre des cardinaux-diacres pour celui des cardinaux-prêtres, il est le premier des cardinaux-diacres électeurs (c'est-à-dire âgé de moins de 80 ans), et, à ce titre, il lui reviendrait de tenir le rôle de protodiacre, et notamment d'annoncer l'habemus papam au terme du conclave[19]. Le cardinal protodiacre en titre reste toutefois le cardinal Renato Raffaele Martino qui, étant âgé de plus 80 ans, ne peut plus prendre part au conclave.
Le , à plus de 75 ans, âge canonique de la retraite, il remet au pape François sa démission de préfet de la congrégation du Culte divin[20]. Le suivant, il est nommé cardinal-prêtre et perd donc de facto sa fonction de cardinal protodiacre en cas de conclave.
Robert Sarah est cité parmi les cardinaux papabile[2],[17]. Dans son livre Sodoma, l'écrivain Frédéric Martel affirme que cette hypothèse aurait été lancée par un réseau de droite radicale proche du cardinal alors que Sarah serait marginalisé au sein de l'Église[21].
Le cardinal Robert Sarah fait la une du journal Paris Match le 7 juillet 2022. Ce choix éditorial imposé par le nouvel actionnaire Vincent Bolloré cause ensuite l’éviction brutale de Bruno Jeudy, rédacteur en chef au service politique et économie, en raison de son désaccord [22]. Après deux assemblées générales début juillet, la Société des journalistes (SDJ) s’était indignée dans un communiqué de cette couverture sur un homme aux « positions très clivantes » et qui ne « correspond pas à la ligne éditoriale » du journal.
Robert Sarah tient des propos polémiques, tels que « Ce que le nazisme et le communisme étaient au XXe siècle, l’homosexualité occidentale et les idéologies abortives et le fanatisme islamique le sont aujourd’hui », déclare-t-il ainsi lors d’un synode en 2015. À partir de son expérience africaine, il refuse ce qu'il nomme une « occidentalisation » du monde sur ce sujet, déclarant que « l’Afrique et l’Asie doivent absolument protéger leurs cultures et leurs valeurs propres » ; il insiste également pour que l’Église ne se laisse pas imposer ce qu'il appelle « une vision occidentale de la famille ». Par conséquent, certains le considèrent comme clairement « homophobe »[Qui ?], alors que d'autres estiment qu'il suit juste la ligne réaffirmée durant le pontificat de Jean-Paul II[23],[24],[25].
Dans les années 2010, il est l’un des rares cardinaux à s’opposer publiquement à l’immigration en Europe, adoptant sur ce sujet une position différente de celle du pape François[26].
En 2016, il déclare au Figaro : « Les statistiques montrent qu'il y aura dans un avenir très proche un grave déséquilibre culturel, religieux et démographique en Occident. Décadent, sans enfants, sans familles, l’Occident disparaîtra, noyé et éliminé par une population d'origine islamique. L'Occident a renié ses racines chrétiennes. Mais un arbre sans racines meurt »[27].
Dans Le soir approche et déjà le jour baisse (2019), il écrit au sujet de la crise migratoire en Europe : « Certes, les flux migratoires ont toujours existé. Les mouvements actuels se distinguent en revanche par leur importance. […] Comment ces nations [africaines] vont-elles se développer si tant de travailleurs font le choix de l'exil ? Quelles sont ces étranges organisations humanitaires qui sillonnent l'Afrique pour pousser de jeunes hommes à la fuite en leur promettant des vies meilleures en Europe ? »[26]. Face à ce phénomène, il critique l’attitude de la plupart des pays européens : « L'Europe semble programmée pour s'autodétruire. […] Elle doute d'elle-même et a honte de son identité chrétienne. C'est ainsi qu'elle finit par attirer le mépris »[26]. Mais il relève une évolution positive en Pologne, Hongrie, Slovaquie, Autriche et Italie[26].
En 2013, lors d'un pèlerinage de séminaristes français à Rocamadour, il affirme qu'« on a trop discuté, ces dernières années, de la nature du prêtre, et trop peu prié. Or ce qui fait en premier le prêtre, c'est la prière et l'adoration »[3].
Le , il publie Dieu ou rien chez Fayard, un livre d'entretiens sur la foi réalisé en collaboration avec l'écrivain et éditeur Nicolas Diat. L'ouvrage connaît un succès international avec quatorze éditions[10].
Le , il publie La Force du silence chez Fayard, un second livre d'entretiens, toujours réalisé en collaboration avec Nicolas Diat. Il y exprime une spiritualité radicale et remet au centre des préoccupations de l'homme une vie de prière, car il s'agit selon lui de la seule voie d'avenir pour l'Église[8]. À l'occasion de sa sortie, il confie : « J'ai été très marqué, dès l'enfance, par les prêtres français, des missionnaires spiritains de mon village. Ils se levaient très tôt pour l'oraison et priaient sans cesse. Si quelqu'un est consacré à Dieu, comment ne peut-il pas centrer sa vie sur la prière ? Sinon il se vide, se fissure et devient sans consistance. Dieu nous rend fort quand nous le fréquentons par l'eucharistie notamment. Le prêtre qui ne contemple pas une heure par jour le Saint-Sacrement ne peut pas résister comme temple de Dieu »[10].
À la sortie de l'édition allemande de La Force du silence en , le livre est agrémenté d'une préface du pape émérite Benoît XVI, qui sort ainsi pour la première fois de son silence depuis sa renonciation et y écrit : « Le cardinal Sarah est un maître spirituel qui parle en se fondant sur une profonde intimité avec le Seigneur dans le silence […]. Nous devons être reconnaissants au Pape François d'avoir placé un tel maître spirituel à la tête de la Congrégation qui est responsable de la célébration de la Liturgie dans l'Église. […] Avec le Cardinal, un maître du silence et de la prière intérieure, la Liturgie est en de bonnes mains »[17].
En , il affirme « voir à notre époque deux menaces inattendues situées sur des pôles opposés : d’une part, l’idolâtrie de l’Ouest pour la liberté ; de l’autre, l’intégrisme islamique ; (autrement dit) la laïcité athée contre le fanatisme religieux », lors du synode sur la famille. Pour répondre à ces problèmes, il recommande à l’Église d'encourager une « épiphanie de la famille », car la crise du mariage actuel a selon lui pour origine une crise de Dieu en plus d'une crise de la foi[28]. Le cardinal Sarah, qui a œuvré en Afrique pour instaurer le mariage monogame dans des sociétés polygames[2], affirme ainsi : « Nous devons proclamer la vérité sans crainte, à savoir le plan de Dieu, qui est la monogamie dans l’amour conjugal ouvert à la vie »[28].
Le , le cardinal Sarah, qui célèbre la messe selon le missel conciliaire de Paul VI[10], appelle une première fois les prêtres à célébrer ad orientem à partir de l'Avent suivant, c'est-à-dire tournés vers l'Orient, en étant « dos au peuple »[29],[30]. À la suite des réactions et des protestations, il réaffirme ce souhait lors d'une conférence à Londres le [8],[31]. Selon lui, l'enjeu est de remettre Dieu au cœur de la liturgie : « La liturgie de la Parole justifie le face-à-face du lecteur et des auditeurs, le dialogue et la pédagogie entre le prêtre et son peuple. Mais dès que nous arrivons au moment où l’on s’adresse à Dieu – à partir de l’offertoire –, il est essentiel que le prêtre et les fidèles se tournent ensemble vers l’Orient. »[30]. « Par cette manière de célébrer, nous expérimenterons, jusque dans nos corps, la primauté de Dieu et de l’adoration ». Le porte-parole du pape, Federico Lombardi, rappelle alors le qu'« il n’y a pas de nouvelles directives liturgiques à partir de l’Avent prochain », et que cette invitation à célébrer la messe ad orientem n'est pas la nouvelle norme. Il précise que la forme extraordinaire du rite romain « ne doit pas prendre la place de « l’ordinaire » »[32].
Dans un ouvrage intitulé Des Profondeurs de nos cœurs paru en , et qui contient un texte du pape émérite Benoît XVI, le cardinal Sarah défend vigoureusement le célibat des prêtres[33]. Cet ouvrage est publié alors que vient de s'achever le Synode sur l'Amazonie qui entrouvre la possibilité d'une ordination des hommes mariés[34]. Avant même sa publication, l'ouvrage est commenté par le Saint-Siège, qui rappelle notamment des propos du pape François concernant le célibat sacerdotal : « Je préfère donner ma vie que de changer la loi sur le célibat »[35],[36].
En juillet 2023, le cardinal Sarah fait partie des cinq cardinaux conservateurs provenant de 5 continents différents[37] (avec Brandmüller, Burke, Íñiguez et Zen) qui envoient 5 dubia (questions exprimant des "doutes") au pape François[38]. Les sujets en question sont l'intangibilité de la Révélation, les bénédictions d'unions homosexuelles, l'autorité du synode à venir, l'ordination sacerdotale des femmes, et l'importance du repentir pour la confession[38]. La première réponse du pape du 11 juillet ne leur semblant pas assez claire, ils adressent un nouveau courrier au pape le 21 août[38]. Sans nouvelle réponse du pape, ils publient leur second courrier le 2 octobre[38] et le même jour le Vatican rend publique la réponse du pape du 11 juillet[39],[40].