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Rosemary Isabel Dickeson |
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Rosemary Isabel Brown, née Rosemary Dickeson le à Stockwell dans la banlieue sud-ouest de Londres[1] et morte le dans cette même ville[2], est une compositrice, pianiste et médium spiritualiste britannique qui, de son vivant, prétendait entrer en communication post mortem avec nombre de compositeurs décédés qui l’auraient expressément sollicitée depuis l’au-delà à dessein présomptif de prouver l’existence d’une vie après la mort. À cet effet, ils lui auraient demandé de retranscrire toute une série de nouvelles œuvres musicales de leur cru, à caractère inédit. Elle fait l’objet d’un certain buzz médiatique au cours des années 1970 en présentant publiquement des compositions qui, selon elle, lui auraient été dictées par Claude Debussy, Edvard Grieg, Franz Liszt, Franz Schubert, Frédéric Chopin, Igor Stravinsky, Jean-Sébastien Bach, Johannes Brahms, Ludwig van Beethoven, Robert Schumann et Sergueï Rachmaninov[3].
Rosemary Isabel Dickeson naît à Londres en 1916[R 1]. À l’âge de 15 ans, elle est d’abord embauchée par les services postaux britanniques avant de travailler pour une cantine scolaire[R 2]. En 1948, elle acquiert un piano droit d’occasion et prend des cours pendant trois ans[2]. En 1952, elle épouse Charles Philip Brown[H 1], un scientifique œuvrant pour le compte du gouvernement. L’union donne naissance à un fils — Tom Brown[R 3] — et une fille. En 1961, elle perd à tour de rôle sa mère, puis son mari[H 1],[2]. Elle commence dès lors à s’investir davantage dans le « spiritualisme » dont la pensée émergente tend désormais à prévaloir au sein de quelque mouvement assimilable au New Age[2].
Plusieurs membres de l’environnement familial de Rosemary Brown auraient développé des dispositions spiritualistes. Baignée de cette ambiance, c’est à partir de l’âge de sept ans que la jeune fille commence, elle aussi, à communiquer avec le monde des esprits et, plus particulièrement, ceux émanant de musiciens disparus. Elle raconte qu’un jour un être aux longs cheveux blancs affublé d’une longue soutane noire tombant en cascade lui apparaît en lui confiant être compositeur. Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard, relate-t-elle, qu’elle y reconnaîtra Franz Liszt à la faveur d’une photographie. Elle se remémore alors le fait que le compositeur lui avait confié, en son temps, qu’il ferait d’elle une musicienne accomplie[R 1].
En 1964, Liszt aurait repris contact avec Rosemary Brown pour lui demander de bien vouloir s’attacher à retranscrire le fruit de compositions originales qui lui seraient dictées par l’entremise post mortem émanant de célèbres musiciens disparus. Dans son livre Look beyond today, Rosemary Brown rapporte que Liszt lui aurait alors confié que le but desdits compositeurs viserait à lui insuffler — par voie de médiumnité — des œuvres musicales « à la signature stylistique aisément identifiable » à dessein d’attester l’existence d’une hypothétique vie après la mort[H 2]. C’est ainsi qu’au cours des six années suivantes, elle « retranscrit » plus de 400 pièces qu’elle prétend réceptionner d’outre-tombe[H 3]. Elle « restitue » dès lors par ce biais des œuvres inédites virtuellement signées par Johannes Brahms, Jean-Sébastien Bach, Sergueï Rachmaninov, Franz Schubert[H 4], Edvard Grieg, Claude Debussy, Frédéric Chopin, Robert Schumann, Ludwig van Beethoven[H 5], Wolfgang Amadeus Mozart et Franz Liszt[4]. Parmi ce florilège figurent notamment une sonate de 40 pages attribuée à Franz Schubert, une Fantaisie-Impromptu en trois mouvements imputée à Frédéric Chopin ainsi que 12 Lieder — qui lui auraient conjointement été insufflés par Schubert — auxquels s’ajoutent deux sonates et deux symphonies imparties à Ludwig van Beethoven.
Elle précise que chaque compositeur adopte une manière de procéder qui lui est propre :
Rosemary Brown précise que chaque compositeur s’adresse à elle systématiquement en anglais[3].
Rosemary Brown est l’auteur de trois ouvrages parmi lesquels figure le titre Unfinished Symphonies, au sujet duquel l’évêque anglican de Southwark, en la personne d’Arthur Mervyn Stockwood (en), rédige une partie de son avant-propos comme suit :
« À une époque où l’esprit des hommes se retrouve prisonnier d’un matérialisme ambiant induit par l’environnement dans lequel il baigne, là même où l’Église peine tellement à les orienter vers la beauté d’une existence plus noble, les expériences de Rosemary Brown représentent à la fois un défi et un signe bienvenus destinés à celles et ceux qui réussiront à y entrevoir une ouverture vers d’autres hémisphères. Il existe en effet un monde invisible qui prévaut bien au-delà du nôtre. Si une telle certitude pouvait nous imprégner, notre vie sur terre s’écoulerait à l’aune d’une éternité radieuse[5],[V 2]. »
L’un des autres titres, Look beyond today, paru en 1982, rédigé en collaboration avec Sandra White, se voit annexé, quelques années plus tard, en 1989, de 5 cassette-audio distribuées par Kay Oakland. L’une d’entre elles se pare d’une chanson au demeurant inconnue du palmarès de John Lennon puisque revendiquée comme inédite par Rosemary Brown qui affirme avoir réussi à en capter la musique et les paroles depuis l’outre-tombe.
À ce jour, la majeure partie des centaines d’œuvres musicales « composées » par Rosemay Brown demeure à l’état latent de partitions manuscrites « retranscrites » mais jamais publiées[V 3]. Néanmoins, une vingtaine d’entre elles est éditée en Allemagne par Keturi Musikverlag[M 1] dont le catalogue inclut notamment la pièce pour piano solo intitulée Lyric que Rosemary Brown attribue à Sergueï Rachmaninov[M 2] et dont les premières mesures, interprétées par Howard Shelley, illustrent le préambule du film Music from the beyond?[V 4].
Des pianistes-concertistes tels que Peter Katin[6],[M 3], Mary Firth[7],[H 7], Claus Jørgensens[M 4], Philip Gammon, Howard Shelley, Cristina Ortiz (en), John Lill (en) et Leslie Howard ont enregistré quelques-unes des compositions de Brown pour le disque, et les programment, en outre, dans leurs récitals[1].
Les affirmations irrationnelles de Brown — au regard des facettes médiumniques qu’elle revendique et dont les alléguées facultés paranormales lui permettraient, selon elle, de réussir à entrer en communication avec des esprits désincarnés — se voient contestées par les sceptiques[8],[9].
En effet, après s’être davantage penché sur les fondements présidant à l’élaboration des « œuvres » concernées, nombre de musicologues et psychologues en arrivent à la conclusion commune selon laquelle les soi-disant « créations inédites » allusivement revendiquées par Rosemary Brown comme provenant, selon elle, d’un « autre monde » sont, en réalité, beaucoup plus vraisemblablement imputables à de simples imitations musicales issues des sphères inconscientes dont la compositrice en herbe ne réaliserait même pas formellement l’évidence.
Dans leur livre Anomalistic Psychology : A Study of Magical Thinking publié en 1989, Leonard Zusne et Warren H. Jones relèvent que même si « Brown a écrit des centaines de pièces de musique soi-disant dictées par divers compositeurs, il ne s’agit en réalité que d’œuvres de modeste facture tout juste « passables » voire de qualité franchement « médiocres », certes élaborées peu ou prou dans le style desdits compositeurs, mais calquées et remaniées à la lumière de morceaux préexistants[10]. »
Dans le même ordre d’idée, le professeur de psychologie John Sloboda (en) argue que la musique de Brown offre « le cas le plus convaincant de composition inconsciente à grande échelle[11]. ». Il formule son diagnostic de la manière suivante :
« Le cas le plus convaincant de la « composition inconsciente » à grande échelle est celui de Rosemary Brown qui affirme recevoir sous forme de dictée des compositions émanant de compositeurs disparus. Les œuvres ainsi produites, principalement pour le piano, sont assurément cohérentes et caractéristiques des divers compositeurs qu’elle nomme. Bien qu’elle soit une pianiste raisonnablement compétente, coutumière du répertoire pianistique classique et romantique, elle ne possède aucune formation formelle à la composition. Ses récits oraux et sa technique d’écriture sont compatibles avec un processus de dictée littérale note par note. Aussi, à moins qu’elle ne soit l’auteur d’un canular élaboré qui perdure depuis plusieurs années, ses compositions fournissent-elles la preuve irréfutable de la possibilité de composer inconsciemment à large spectre[12]. »
Le musicologue Denis Matthews (en) compare la musique de Brown à de « sympathiques pastiches » tout en laissant implicitement entendre que Rosemary Brown se borne à « recréer » des compositions « à la manière de[13] ».
Alan Rich, critique musical au magazine New York, conclut, après écoute d’un enregistrement privé de pièces pour piano de Brown, qu’il s’agit tout bonnement de reprises — de niveau inférieur — puisées et remaniées à partir de compositions rendues publiques bien avant elle.
Le psychologue Robert Kastenbaum, après analyse des compositions musicales de Brown, en vient même à douter que leur contenu puisse être dicté à celle-ci par la moindre incarnation émanant de quelque compositeur reconnu :
« Il n’y a aucun thème fondateur, aucune structure complexe, aucune profondeur de sentiment et encore moins d’innovation harmonique, tonale ou rythmique. Au cours de leur séjour sur terre, les compositeurs ont non seulement écrit de la musique, mais ils ont en outre contribué au développement magistral d’innovations destinées à magnifier l’art du clavier. L’une des caractéristiques qui, de leur vivant, les rendaient remarquables résidait essentiellement dans leur imprévisibilité. En effet, chacune de leurs créations augurait un nouveau champ d’exploration encore inexploité dans le domaine de la sensibilité ou de la technique musicale dont ils offraient la démonstration. Inversement, dans le présent cas de figure, les talents originels qu’ils essaimaient jadis semblent s’être littéralement volatilisés dans le néant au risque de tomber en désuétude. Chez Rosemary Brown, rien de nouveau sous le soleil, rien d’inattendu qui, de près ou de loin, ne parviendrait, ne fût-ce que symboliquement, à enrichir le palmarès d’antan. En somme, rien de surprenant ne parvient à se greffer post-mortem sur la trame des génies de jadis, si ce n’est assurément le manque consternant de surprises dont les prétendues « compositions » de Rosemary Brown font état[14]. »
Le même Kastenbaum suggère en outre une hypothèse selon laquelle les compositeurs allusivement évoqués correspondraient plus vraisemblablement à des personnalités secondaires directement issues du subconscient de Rosemary Brown[14].
L’ensemble de ces paramètres se voit cependant contredit par Wilhelm Tenhaeff, psychologue et professeur de parapsychologie à l’université d'Utrecht qui, ayant supervisé un protocole diagnostique et psychiatrique effectué sur la personne de Rosemary Brown, en arrive à la conclusion que le sujet examiné présente toutes les caractéristiques d’une personne mentalement saine et émotionnellement équilibrée[V 5]. Il déclare en outre :
« Quand bien même je ne suis pas quelqu’un que l’on pourrait qualifier de particulièrement compétent en matière de musique, les experts avec lesquels je me suis entretenu à cet égard suggèrent que les ébauches que Rosemary Brow retranscrirait ne résulteraient pas du fruit de son inconscient. D’autres musicologues postulent qu’il ne s’agirait non plus pas d’« imitations » et que, par extension, Mme Brown ne saurait donc avoir composé ces œuvres elle-même, leur teneur revêtant d’autant moins de chances de provenir de son propre chef que les caractéristiques qui en découlent ne reflètent en rien son individualité intrinsèque tout en fournissant paradoxalement un ensemble d’indices pluriels imputables à un florilège de personnalités toutes différentes les unes des autres. Un tel constat amène donc à s’interroger sur l’émergence d’hypothèses connexes[V 6]. »
« On est intrigués de voir une personne comme ça recevant des messages, mais on peut se demander ce qui se passe. Je crois qu’il ne s’agit pas de supercherie... c’est trop difficile à écrire... la musique[V 7]. [...] Le cas de Rosemary Brown, ça m’a conforté dans l’idée d’une inspiration qui est au-dessus de toutes les techniques, elle en apporte les témoignages, c’est plus ou moins convaincant, mais ça veut bien dire qu’il y a quand même quelque chose ailleurs[V 8]. »
« Eh bien moi, j’ai une autre hypothèse — et c’est peut-être le seul être humain à propos duquel on peut émettre cette hypothèse — et on va dire qu’elle est audacieuse, mais ça ne me pose pas problème, les hypothèses audacieuses, pour peu qu’on soit rigoureux quand on les étudie : ce n’est pas de la voyance, c’est peut-être une mutation de personnalité, c’est-à-dire qu’à certains moments, Madame Brown — Mrs. Brown — devenait Liszt, devenait Bach et donc, par conséquent, s’il y avait une mutation dans sa personnalité, si elle devenait Liszt, quoi d’étonnant à ce qu’elle ait écrit du Liszt ? Moi, je m’en tiens à cette hypothèse-là[R 6]. »
Quand bien même Brown aurait originellement affirmé n’avoir jamais bénéficié de la moindre formation musicale, hormis quelques leçons de piano, l’enquêteur voué au paranormal Harry Edwards récuse, lui, carrément de telles assertions en soutenant diamétralement leur contraire. Il émet en outre le constat suivant : « Ce n’est pas parce qu’une œuvre musicale est écrite et interprétée conformément au style d’un compositeur en particulier que celui-ci s’en avérerait pour autant à l’origine de sa création[15]. »
Idem pour la presse consacrée à Rosemary Brown qui met en exergue un certain nombre de renseignements contredisant son prétendu manque d’éducation musicale. À l’origine, elle déclare n’avoir bénéficié d’aucun enseignement à cet égard ; plus tard, on rapporte qu’elle n’aurait suivi que quelques années de cours de musique... puis elle reconnaît enfin appartenir à une lignée de musiciens qui ont fait d’elle une pianiste et musicienne relativement qualifiée.
Le psychologue Andrew Neher écrit qu’« enfant, elle appréciait la musique [et qu’]il y avait un piano dans la maison familiale. Sa mère jouait du piano et la petite Rosemary prenait elle-même des leçons en conséquence. Ces éléments contextuels — joint aux fréquents accroissements de facultés sensorielles développées par certains états modifiés de conscience — pourrait contribuer à mieux comprendre les fondements de son aptitude accrue envers la composition musicale[16] ».
Le Dr Keith Parsons — qui tente de décrypter la controverse par le biais d’une étude documentaire consacrée Rosemary Brown assortie de plusieurs extraits musicaux associés aux « compositions » en question — écrit :
« Rosemary, à la fois médium reconnue par les uns, contestée par les autres, voire l’une des femmes les plus étranges que le XXe siècle ait connu. Elle prétend canaliser la musique émanant de plus d’une douzaine de compositeurs classiques décédés et mondialement connus. Elle est l’auteur de plus de 1000 œuvres musicales qu’elle leur attribue à eux seuls et non à elle-même. Le but poursuivi par ces disparus viserait, selon elle, à prouver leur survivance dans une autre dimension, postulant ainsi qu’il existerait une alléguée vie après la mort. Plusieurs interrogations demeurent néanmoins en suspens : qui est véritablement à l’origine de cette musique ? l’a-elle vraiment composée elle-même ? »