Dans le Pentateuque, Sinaï désigne à la fois le désert où pérégrinent les Hébreux et la montagne, appelée aussi Mont Horeb, où Moïse reçoit les Tables de la Loi.
Sinaï pourrait dériver de senèh. Dans le récit littéraire du buisson ardent, le rédacteur biblique du livre de l'Exode opère un procédé de style appelé paronomase, qui consiste en un rapprochement graphique et sonore entre le buisson (« senèh » en hébreu) et la montagne du Sinaï (« sny » en hébreu, lui-même issu de l'hébreu : סֶ֫נֶּה : Senneh). Il a ainsi pour but de relier la théophanie du buisson ardent (passage qui est un assemblage de sources littéraires élohiste et jahviste mettant en scène Dieu identifié au feu) à celle de la péricope du Sinaï (texte de traditions yahviste et élohiste mêlées à quelques éléments deutéronomistes mettant en scène l'alliance mosaïque (en) avec Dieu se manifestant sous forme de nuée)[1].
Les deux sens apparaissent en Ex 19,1 :
L'endroit est cité ensuite :
Les auteurs bibliques ne savent pas toujours où situer le Sinaï. Le livre des Juges suggère qu'il est dans le territoire d'Édom[2] et non pas dans la péninsule arabique où la tradition localise le Sinaï. D'autres passages évoquent Paran qui doit se trouver en direction de l’Égypte[3] : le livre des Rois[4] décrit une station sur le chemin de Madian vers l'Égypte et peut correspondre à l'oasis de Wadi Faran (en) dont l'étymologie se rapproche avec Paran. Faran est dominé par la montagne Jebel Serbal (en) qui pourrait correspondre au mont Sinaï[5]. Le Deutéronome identifie le Sinaï à un mont Paran situé à proximité de l’oasis de Qadesh (identifié avec l'oasis actuel d’ʿEn el-qederat)[6] mais l'auteur biblique se livre probablement à une spéculation savante sur la localisation du Sinaï et probablement pas à un souvenir ancien[7]. Le livre de Habacuc[8] affirme également une origine de Yahweh du mont Paran qui est mis en parallèle avec Téman (en), nom d’une personne ou d’un clan dans la généalogie d’Édom, voire d'un toponyme en territoire arabe[9]. La localisation du Sinaï primitif reste donc un mystère : les auteurs bibliques ne font pas œuvre d'historien mais donnent une théologie de l'histoire, rappelant que Yahweh a été à l'origine la divinité d'une ou de plusieurs montagnes dans le désert de la péninsule arabique[10].
Pour les Hébreux, l'Arabie est de l'autre côté du Golfe d'Aqaba. Pour les Romains, la péninsule arabique est divisée en trois parties :
« Il n'existait aucune tradition juive sur l'emplacement du Sinaï. Pas plus que sur l'itinéraire emprunté par les Hébreux à leur sortie d'Égypte. Voici donc le cas de figure où ce sont les seuls chrétiens qui ont identifié - et balisé - un ensemble de sites propres à l'Ancien Testament. De façon empirique, déductive, en s'appuyant sur la Septante, les «enquêteurs» ont fixé une route qui, certes, ne tenait guère compte des contradictions toponymiques entre le livre de l'Exode et le livre des Nombres. Mais qui, au fond, n'était pas moins vraisemblable qu'une autre.
En vérité, débats et divergences ont agité les concernés dès la naissance de cette tradition. Certains placeront la Sainte Montagne dans le djebel Serbal. Ou vers le djebel Chomer. Voire sur le volcan éteint de Hala el-Badr. À travers les siècles, au moins 25 « monts Moïse » seront ainsi revendiqués. Les dernières plaidoiries remontent à la fin des années 1990. Un archéologue anglais, Lawrence Kyle, militera bruyamment pour la montagne Blanche et l'Arabie saoudite. En écho, un historien italien, Emmanuel Anati, lui renverra le mont Safron et le Néguev, en Israël. Dans leur immense sagesse, les exégètes lucides admettent que toutes ces discussions n'ont aucun sens. Et qu'il n'est qu'un lieu saint, que l'on nomme Sinaï, Horeb ou Moïse : c'est ce mont sacralisé par la tradition monastique. » [11]