Le jeu de la grande choule *
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Soule en Normandie en 1852. | ||
Domaines | Jeux Pratiques sportives |
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Lieu d'inventaire | Normandie | |
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La soule (ou chôle en picard, choule en normand) est un jeu traditionnel pratiqué en France du Nord-Ouest, ainsi que plus rarement dans le Sud-Ouest, ancêtre présumé du rugby.
Le manque de règles définies, d'organisation structurée et l'exode rural ont contribué à son déclin avant une résurrection récente, soit dans un cadre purement traditionnel en Picardie, soit avec des règles précises (avec ou sans crosses), avec compétitions scolaires ou non, en Normandie (coupe et championnat).
Les pratiques actuelles de la grande choule et de la choule crosse en Normandie ont été inscrites à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France en 2012[1].
De nos jours, ce jeu est aussi pratiqué par les scouts, mais nommé "sioule", elle se joue avec deux équipes et deux bases, et par les compagnies de reconstitution historique (notamment Normandie ducale).
Certaines pratiques contemporaines de la soule perdurent, notamment dans le sud de la France[2].
D'un mot bas francique de la famille du germ.[Quoi ?] *keula- « cavité, voûte ; objet rond »[3], se prononçant choule en Normandie septentrionale[4] (sur la base de règles modernisées) et en Picardie (pratique traditionnelle), la soule est de nouveau pratiquée très régulièrement dans ces deux régions, y compris avec des crosses surtout en Normandie, où les derniers témoignages oraux antérieurs à une résurrection depuis 2001, remontaient à la Seconde Guerre mondiale dans le Cotentin : 1943 à Bricquebec, 1945 ou après à Saint-Vaast[réf. souhaitée].
Ce sport était jadis essentiellement joué de Noël à la Saint-Jean et principalement lors des fêtes des saints patrons et à l'époque de carnaval[5],[6],[7].
En Bretagne la soule (l'objet qui a donné son nom au jeu) est une poche de cuir, une sorte de ballon assez difforme, emplie de son ou de paille, que l'« on jette en l'air, et que se disputent ensuite les joueurs, partagés en deux camps opposés. La victoire reste au parti qui a pu s'emparer de la soule sur une autre commune [ou paroisse] que celle où le jeu a commencé »[8]).
Les origines de ce jeu sont liées aux invasions franques et à la diffusion de l'harpastum romain, mais aussi, avec la crosse, la filiation se trouve plutôt du côté du Knattleikr "Islando-norvégien", et la filiation avec le Shinty écossais et le hurling irlandais est très probable compte tenu des liens historiques entre les pays scandinaves et les îles.
Des liens importants existent avec des sports anciens romains pour la soule/choule sans crosse (harpastum, puis calcio florentin en Italie du Quattrocento), scandinaves (knattleikr, cf. les sagas) ou avec le hurling (renaissance depuis le début du XXe siècle) et le football gaélique irlandais, le shinty écossais, et même un jeu traditionnel avec les crosses au Chili, mais aussi en Tunisie et en Croatie.
Ancêtre présumé du rugby (mais sans doute plutôt cousin du football, voire du handball), le lien avec le rugby se fait via l'évolution du football « over the country ». Il se rapproche de ces deux derniers, si ce n'est que les deux équipes ont souvent un même but (un lieu-dit, une mare), que leur composition n'a pas de limites définies (à l'origine les équipes étaient constituées de tous les hommes valides de deux ou plusieurs villages / mariés contre non mariés quand la choule était jetée par la dernière mariée de l'année) ; en outre la balle peut progresser en tout sens.
Des liens importants existent aussi avec d'autres sports modernes ou moins traditionnels : les footballs américain et australien, la crosse canadienne (jouée à l'origine par les Amérindiens mélangeant sans doute leur jeu avec celui des colons).
À l'origine, la soule est jouée par les classes basses (voir Chronologie du sport du Ve au XIIe siècle). C'est le pendant pour la piétaille du tournoi des chevaliers. Puis à la Renaissance elle est pratiquée par le clergé et les nobles entre eux ou avec le peuple. L'épicentre étant essentiellement le Nord-Ouest de la France et en particulier la Normandie, une conjonction des coutumes germano-romaine (via les Francs) et scandinave (peut être les Danois issus du Danelaw) est possible.
En 1066, Guillaume le Conquérant prend pied en Angleterre et c'est probablement l'introduction probable de la soule normando-picarde outre-Manche[réf. souhaitée].
Vers 1174 ou 1177[3], date la première mention écrite de la soule ou choule en France. Le jeu oppose deux équipes (hommes de la ville à ceux de la campagne, mariés du village contre célibataires, paysans contre marchands, deux corporations), qui se disputent un ballon (boule de bois, vessie de porcs remplie d'air, de paille, de son ou d'autres ingrédients) qu’il faut déposer dans un but (porche d'une église, ruine, mur, arbre, trou, poteau, entrée d'un bois)[9]. C’était certes viril, très viril même, mais tous les coups n’étaient pas permis, comme on le croit trop souvent. La soule, qui passe aujourd’hui pour brouillonne et violente, était en fait très codifiée et pas si barbare que les fameuses « lettres de rémission » le laissent entendre. Les cas évoqués par ces sources sont tous, par définition, des affaires judiciaires, avec leurs cohortes de blessés et même de morts donnant, à tort, l’image d’une mêlée ultra violente. Comme le signalent ainsi nombre de plaignants, « ce n’est comme cela qu’on pratique la Soule ».
Le jeu est évoqué dans le roman de Renart[10] : Li vilein qui sont à la çoule...
En 1174 est publiée en Angleterre La Vie de saint Thomas Becket de William Fitzstephen (en) qui mentionne la pratique courante des jeux de ballons outre-Manche (soule / football)[réf. souhaitée].
L'activité est souvent violente, car dénuée de règles, elle est à maintes reprises, sur ordres d'autorités locales, voire par édits royaux, compromise, puis interdite par Philippe V en 1319 et Charles V en 1369, qui menacent son succès[11].
Ce sport est très populaire à la Renaissance[12]. Lire le journal du Sire de Gouberville (gentilhomme du Cotentin)[réf. souhaitée]. La pratique semble diminuer ensuite régulièrement jusqu'au XIXe siècle.
Selon le capitaine Conrier[13], plus de 50 hommes se seraient noyés dans l'étang de Pont-l'Abbé en poursuivant la balle du jeu de soule à la fin du XVIIIe siècle.
Beaucoup de témoignages[réf. souhaitée] au XIXe siècle relatent sa pratique lors de fêtes patronales, mariages, départ de la dernière mariée de l'année, carnavals, etc. Malgré les interdictions au milieu du XIXe, le jeu perdurera assez fortement, en cachette, essentiellement en Picardie, Normandie, Bretagne (principalement dans la région de Pontivy et le Vannetais), (Normandie 1913 témoignages oraux) puis dans une moindre mesure ensuite pour s'éteindre à de rares exceptions près, dans le courant de la seconde guerre mondiale (témoignage pour la choule crosse en 1942 ou 43 dans la région de Bricquebec dans la Manche).
On assiste à une renaissance actuelle[Quand ?], essentiellement en Normandie et plus particulièrement dans le Cotentin, dans le Bessin, le Pays de Caux et dans l'Eure (2008 : 80 parties environ, avec ou sans crosses) championnat et coupe. Y compris au niveau scolaire et centres aérés[réf. nécessaire].
Aujourd'hui[Quand ?], il est toujours pratiqué de façon assez importante et en croissance régulière en Normandie (avec des règles précises, 7 équipes régulières et une ligue veillant à leur respect que ce soit avec ou sans crosse), un peu en Picardie et très sporadiquement ailleurs ; c'est aussi un jeu répandu chez les scouts lors de grands rassemblements[réf. souhaitée]. Il est pratiqué à l'École de Tersac (Lot-et-Garonne). Il est parfois nommé sioule.
La soule était très populaire et très pratiquée dans la région de Pontivy. Elle était dans cette ville organisée deux fois par an, le dimanche et le mardi gras (le dimanche, elle était organisée sur la colline de Barbinieu ; celle du mardi partait de la prairie de La Houssaye après une messe célébrée dans la chapelle) ; la soule était au départ lancée par le sénéchal. Les désordres et les nombreux accidents (y compris des morts) incitèrent les autorités à agir : le duc de Rohan-Chabot proposa en 1773 de remplacer les trente livres offerts par lui aux vainqueurs par une somme égale destinée à deux prix « d'émulation pour la filure[Note 1] ».Le le sous-préfet de Pontivy interdit les jeux de soule dans tout l'arrondissement de Pontivy, mais ces jeux continuent, faisant de plus en plus de blessés, ce qui incite le préfet du Morbihan à prononcer une nouvelle interdiction le , renouvelée le ; un nouvel arrêté d'interdiction est pris en 1857 (celle-ci semble avoir mis fin à ce terrible jeu[8]).
Émile Souvestre a écrit « Une soule à Stival » dans son livre Les derniers Bretons publié en 1835 : il décrit l'antagonisme violent entre François, de Pontivy, dit « le souleur » et Pierre Marker, dont le père, Yvon Marker, avait été tué lors d'une soule à Neuilliac en 1810 par le premier cité, qui parvient à se venger lors de la soule de Stival[14].
En Normandie et concernant la grande choule sans crosse ce sont d'abord les « événements » à la sortie des églises qui ont provoqué les premières interdictions notamment fin XVIIIe siècle. Ensuite ce sont les préfets qui dans la première partie du XIXe siècle combattent les « rassemblements » autour de l'éteuf !
Dans la seconde partie du XIXe siècle les parties se font beaucoup plus rares et il serait intéressant de faire une étude sur cette disparition et l'arrivée du "parti de l'ordre"...
Quelques témoignages (Bocage ornais et bocage virois) font état de personnes placées en haut des clochers pour prévenir de l'arrivée de la maréchaussée.
Après 1914 il n'y a plus de témoignages. Reprise en 2001.
Pour la choule crosse il n'y a jamais eu d'interdiction et la pratique a perduré en Nord Cotentin jusqu'en 1946 pour s'éteindre jusqu'à sa reprise en 2001.
En Normandie des règles ont été écrites depuis 2001 et sont suivies actuellement, que ce soit pour le jeu avec ou sans crosses (environ 70 à 100 parties par an avec ou sans crosses). La balle est à présent en mousse entourée de cuir avec une anse pour le lancer et pour ramasser la balle à terre pour le jeu sans crosse.
Grande Choule (sans crosse) :
le jeu se déroule en 2 phases.
Choule à la crosse :
Équipes actuelles :
Hors territoire normand, la règle, avec de nombreuses variantes est établie ainsi:
Le Calcio florentin (ou Calcio Storico), sport d'équipe et de combat encore pratiqué de nos jours à Florence en Italie, est une variante de la soule/Choule.
On assiste à sa renaissance actuelle en Normandie, sous le terme de "Grande Choule" et de "Choule crosse" sur la base de règles évitant la violence et mélangeant un jeu au pied et un jeu à la main. On joue également dans cette région à la "choule à la crosse". Les équipes sont mixtes et vont de 7 ans à 87 ans. C'est un sport spectaculaire également, mélangeant le jeu à la crosse (balle à terre, balle soulevée ou balle frappée en l'air) et au pied. La balle doit passer dans le but ou "viquet", par n'importe quel côté ou bien renverser celui-ci. Les joueurs peuvent se bousculer (se chouler). La Coupe de Normandie a lieu à La Haye-de-Routot dans l'Eure soit sous forme de défi contre l'équipe locale soit sous forme de tournoi (le principe étant d'ouvrir la ou les parties à tous y compris les spectateurs). Il existe également des compétitions scolaires (UNSS, et intra collèges), et une ligue officielle se met en place en 2013[15].
Palmarès récent :
Mais la survie de ce jeu ancestral est aussi due au scoutisme. Les différents mouvements du scoutisme français en ont fait leur sport quasi officiel. Il n'y a pas de règles officielles, mais l'esprit scout impose une non-violence et un respect de l'équipe adverse. Au son de la corne, les deux équipes (plus ou moins équilibrées) se disputent la balle (un ballon de rugby) afin de la loger, comme au rugby, dans les buts adverses (plus ou moins définis).
Une nouvelle forme de soule a été recréée dans le Sud de la France. Faite comme le jeu originel, elle est jouable partout car il suffit de deux cages et d'une balle de handball (ou apparentées) pour y jouer. Le terrain étant délimité par des obstacles naturels, elle peut donc être jouée dans la forêt, à condition de n'avoir un sous-bois que peu encombré. La balle ne se mène pas au pied, mais les joueurs peuvent la porter tout le long du terrain. Les plaquages sont autorisés uniquement sur le porteur de balle et l'on peut utiliser des ceintures flags lorsque l'on juge que le terrain est dangereux ou lorsqu'on ne cherche pas le contact. La partie se joue en deux mi-temps, pour ne donner l'avantage du terrain à aucune équipe, qui peuvent varier en longueur.
La soule normande, devenue soule royale, est un jeu pratiqué par les joueurs du jeu en ligne Les Royaumes renaissants. Elle fait s'affronter, sur forum, deux équipes de 11 joueurs devant pousser la soule dans le but adverse, avec possibilité de mettre KO les adversaires[16].
« Pierrot Bourrasch nous emmenait dans des terrains vagues et on faisait du sport avec lui et un de ses copains. Il nous avait appris la "soule" un ancêtre du rugby, on pouvait accrocher le type qui avait le ballon par où on voulait, par les cheveux même, ça nous allait bien à nous, bastonneurs comme on était. » Nan Aurousseau, Quartier charogne, 2012 Stock p. 162
Ce jeu est le sujet d'un film homonyme, La Soule, de Michel Sibra (1989), avec Richard Bohringer et Christophe Malavoy.