Soundtrack to a Coup d’Etat est un film documentaire réalisé par Johan Grimonprez(en) en 2024. Il relate l’épisode de la guerre froide qui a conduit les musiciens américains Abbey Lincoln et Max Roach à protester au Conseil de sécurité de l’ONU contre l’assassinat du dirigeant congolais Patrice Lumumba[1]. On y trouve des extraits de Mon pays, l’Afrique d’Andrée Blouin ; Congo Inc. par In Koli Jean Bofane ; To Katanga and Back par Conor Cruise O’Brien ; et des mémoires audio de Nikita Khrouchtchev.
Un matin de février 1961, la chanteuse Abbey Lincoln et le batteur Max Roach font irruption au Conseil de sécurité de l'ONU pour protester contre l'assassinat du premier ministre Patrice Lumumba du Congo nouvellement indépendant. Soixante manifestants hurlent et donnent des coups de poing, claquent leurs talons aiguilles et provoquent une escarmouche avec des gardes non préparés, et cela sous le regard choqué des diplomates.
Six mois plus tôt, seize pays africains nouvellement indépendants sont admis aux Nations Unies, basculant le vote majoritaire des anciennes puissances coloniales. Le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev s'oppose à la prise de pouvoir néocoloniale qui se déroule dans la République du Congo (Léopoldville) (RD Congo moderne). Dénonçant la politique de l'Amérique et la complicité de l'ONU dans le renversement de Lumumba, il exige une décolonisation immédiate dans le monde entier.
Pour garder le contrôle de l'industrie minière de la République démocratique du Congo, le roi Baudouin de Belgique trouve un allié dans l'administration Eisenhower, qui craint de perdre l'accès à l'une des plus grandes réserves connues d'uranium, un métal vital pour la fabrication de bombes atomiques. Le Congo occupe le devant de la scène à la fois de la guerre froide et du plan de contrôle de l'ONU. Le département d'État américain entre en action : l'ambassadeur du jazz Louis Armstrong est envoyé pour gagner les cœurs et les esprits de l'Afrique. Sans le vouloir, Armstrong devient un écran de fumée pour détourner l'attention du premier coup d'État postcolonial en Afrique, conduisant à l'assassinat du premier dirigeant démocratiquement élu du Congo. Malcolm X soutient ouvertement Lumumba et ses efforts pour créer des États-Unis d'Afrique. Il tente d’élargir la lutte pour la liberté des Afro-Américains à une lutte pour les droits de l'homme, dans le but de porter son cas devant l'ONU.
Alors que les ambassadeurs du jazz noir se produisent sans s'en rendre compte au milieu d'agents secrets de la CIA, des musiciens comme Armstrong, Nina Simone, Duke Ellington, Dizzy Gillespie et Melba Liston sont confrontés à un douloureux dilemme : comment représenter un pays où la ségrégation est toujours la loi du pays.
Le jazz et la décolonisation sont étroitement liés dans cet épisode oublié de la guerre froide, où les plus grands musiciens ont foulé la scène politique et où des activistes opprimés ont prêté leur voix par inadvertance à la politique de leur pays. Cette histoire de remise en cause de l'autodétermination africaine est racontée du point de vue de la militante des droits des femmes et politicienne de la République centrafricaine Andrée Blouin, du diplomate irlandais et enfant terrible Conor Cruise O'Brien, de l'écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane, et de Nikita Khrouchtchev lui-même[2].
↑Beatrice Verhoeven et Hilary Lewis, « DGA Awards: The Bear, Shogun and The Penguin Lead TV Nominations with Three Nods Each », The Hollywood Reporter, (lire en ligne, consulté le )