Le Taller de Gráfica Popular (traduisible par Atelier d'arts graphiques populaires) est un collectif d'artistes graveurs fondé au Mexique en 1937 par les artistes Leopoldo Méndez, Pablo O'Higgins et Luis Arenal Bastar. Le collectif a pour objectif principal d'utiliser l'art pour faire avancer les causes sociales révolutionnaires. L'imprimerie est devenue une base d'activité politique et de production artistique abondante, et a attiré de nombreux artistes étrangers comme collaborateurs.
Le Taller de Gráfica Popular (Atelier d'Arts graphiques Populaire) est fondé en 1937 par les graveurs mexicains Leopoldo Méndez, Pablo O'Higgins et Luis Arenal Bastar à la suite de la dissolution de la Liga de Escritores y Artistas Revolucionarios (es) (LEAR, Ligue des écrivains et des artistes révolutionnaires), un groupe d'artistes créé en 1933 qui a soutenu les objectifs de la Révolution mexicaine[1],[2]. Initialement appelé Taller Editorial de Gráfica Popular (Atelier éditorial d'arts graphiques populaires), ses fondateurs s'appuient sur une riche tradition de gravure au Mexique, notamment sur l'héritage de José Guadalupe Posada et Manuel Manilla ; il émerge aussi dans la foulée du succès du mouvement muraliste mexicain[1] et dans le contexte d'un pays en ébullition dans lequel se côtoient l'art et la révolution[3]. Plusieurs artistes rejoignent ce noyau original, dont Alberto Beltrán, Alfredo Zalce, Ángel Bracho (en), Gonzalo de la Paz-Pérez[a], Ignacio Aguirre, Isidoro Ocampo (en), Jean Charlot, Mariana Yampolsky, Raúl Anguiano, Francisco Mora (en) et Rufino Tamayo[1],[5].
L'Atelier est le premier atelier artistique autosuffisant du Mexique à créer et à publier ses propres œuvres, grâce à leur maison d'édition appelée La Estampa Mexicana. Leurs travaux ont des objectifs variés, certains ouvertement politiques, d'autres comiques et d'autres purement artistiques[5]. Leur première production est une série d'affiches pour la Confédération des travailleurs du Mexique, fondée une année avant. L'Atelier réalise aussi un calendrier comportant douze lithographies pour l'Université Ouvrière du Mexique (es)[1].
Le Taller de Gráfica Popular inscrit dans ses statuts dès mars 1938 l'intention du collectif de produire un art et des listes antifascistes et anti-réactionnaires. Parmi les vingt-trois clauses, il est demandé aux membres de participer à des réunions d'affaires hebdomadaires ainsi qu'à des critiques régulières du travail collectif[1].
Léopoldo Méndez est le premier directeur de l'Atelier et occupe ce poste jusqu'en 1952, tandis que l'architecte suisse Hannes Meyer, qui a vécu à Mexico de 1939 à 1949, dirige la maison d'édition du collectif, La Estampa Mexicana (L'estampe mexicaine)[1].
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Cárdenas and the Expropriation of Oil, de Pablo O'Higgins (1952, Cleveland Museum of Art). |
Pendant la présidence de Lázaro Cárdenas, les travaux du Taller soutiennent certaines politiques gouvernementales, notamment l'expropriation du pétrole (es).[réf. nécessaire]
En 1940, le muraliste David Alfaro Siqueiros, proche de Staline, lance une attaque armée contre la résidence du combattant révolutionnaire russe en exil Leon Trotsky, que le dirigeant russe a qualifié de contre-révolutionnaire. Il utilise pour cela le studio comme base d'opérations et certains des jeunes artistes du studio font partie de l'escadron ; Trotsky en ressort indemne. L'Atelier est brièvement fermé par les autorités et son directeur, Méndez, est emprisonné, bien que n'ayant pas été impliqué dans l'attaque. Méndez et Siqueiros sont restés dans de très mauvais termes après cela, et ce dernier a critiqué le manque d'engagement de l'Atelier pour la cause, qui est pourtant resté proche de l'Union soviétique dans les années 1940, critiquant le fascisme et le nazisme[3]. C'est aussi la période la plus prolifique et de meilleure qualité des œuvres produites dans l'Atelier[1],[3].
Des artistes étrangers vont aussi travailler et étudier au Taller, notamment Mariana Yampolsky, la première femme membre du Taller (1945-1960), et Elizabeth Catlett (1946-1966) ; toutes deux ont pris la nationalité mexicaine[6]. Pendant le mouvement américain des droits civiques, des artistes chicanos et afro-américains produisent des œuvres à l'Atelier. Celui-ci devient une source d'inspiration pour de nombreux artistes de gauche politiquement actifs ; par exemple, le peintre expressionniste américain Byron Randall fonde des collectifs d'artistes similaires, comme le Graphic Arts Workshop, après être devenu un membre associé[7],[8],[9].
Après la mort subite de l'artiste José Clemente Orozco en 1949, l'Atelier se désunit peu à peu et perd de nombreux membres[1]. Peu avant de quitter lui aussi le collectif, Méndez reçoit en 1952 le prix international de la paix du Conseil mondial de la paix en reconnaissance de sa production artistique anti-guerre. L'artiste demande que le prix soit partagé avec l'ensemble du collectif Taller de Gráfica Popular[1].
L'Atelier souffre de l'instabilité économique et se voit fermer, rouvrir et être déplacé à plusieurs reprises[3]. Après que l'Atelier ferme et est abandonné au tournant des années 1960, Jesús Álvarez Amaya, devenu membre en 1955, ainsi que d'autres artistes décident de réactiver l'organisation en 1967, en obtenant les clés de l'installation, en la réhabilitant et en travaillant pour attirer de jeunes artistes[10]. Álvarez Amaya devient coordinateur général provisoire du Taller de 1967 à 1987, date à laquelle il s'autoproclame coordinateur à vie[11].
Pendant le soulèvement étudiant de 1968, Álvarez dirige le groupe dans la création de centaines d'affiches[12]. Cela conduit à la répression du groupe entier, mais il peut rouvrir en 1969, l'organisation comprenant des écrivains et des artistes tels que Jaime Sabines, Rubén Salazar Mallén (d), Efraín Huerta (es), Thelma Nava (es), Roberto López Moreno (d), Xorge del Campo (d), Dionicio Morales (en), Gerardo de la Torre (es), René Avilés Fabila (es) et Manuel Blanco Méndez (es). L'organisation connaît un nouveau déclin dans les années 1970 et doit déménager à plusieurs reprises[10].
Álvarez Amaya maintient les archives de l'Atelier, souvent avec son propre argent, jusqu'à ce que le maire de Mexico, Cuauhtémoc Cárdenas, fasse don du bâtiment où se trouve l'Atelier depuis 2000, au 46, Manuel Villada, à Mexico[3],[10],[13].
Quoiqu'ayant une activité désormais très réduite, l'Atelier et le collectif sont toujours actifs[1],[3],[13]. Il étend sa portée dans le pays en créant des ateliers associés à Uruapan et Pátzcuaro, ainsi qu'à l'international : aux États-Unis (New York et San Francisco), au Brésil et en Italie[1].
Dans un contexte où la fondation de l'Atelier se fait juste avant l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, les préoccupations politiques de ses membres portent aussi bien sur les sujets nationaux, tels que les réformes non réalisées de la Révolution mexicaine, qu'internationaux, prenant fait et cause des injustices et des atteintes aux droits humains produites en Europe et dans le reste du monde[1],[3].
La plupart des membres du Taller de Gráfica Popular appartiennent au Parti communiste mexicain et leur engagement politique se ressent fortement dans leur art, en adoptant une forme de réalisme social (es). Ils produisent des affiches, des brochures et des illustrations de magazines en faveur des syndicats ouvriers ou dont le contenu est clairement antifasciste et anti-réactionnaire[1].
Afin de rendre leurs contenus abordables et ainsi plus démocratiques, le collectif produit des œuvres à moindre coût ; c'est ainsi que les linogravures monochromes sont le média privilégié[1].
À son apogée, l'atelier se spécialise dans les estampes de linogravure et de gravure sur bois. Elle produit des affiches, des pamphlets, des brochures et des éditions de portfolio[14],[1]. L'art soutient des causes telles que l'antimilitarisme, l'union des travailleurs et l'antifascisme[1].
Les œuvres sont souvent réalisées en collaboration. En outre, l'atelier adopte la pratique anti-commerciale de ne pas numéroter les tirages[3],[b]. Malgré cela, elle vend des tirages tout au long de son existence[15]. Les sujets sont principalement des scènes très figuratives et narratives aux formes lourdes et très contrastées dans un espace comprimé[1].
Sous la marque La Estampa Mexicana, la maison d'édition qu'il a créée, le Taller de Gráfica Popular produit des affiches de héros et de la culture mexicaine et des mouvements de la gauche politique mexicaine et internationale. Fortement influencé par les tons esthétiques et politiques de l'œuvre de José Guadalupe Posada, il donne également naissance à une nouvelle génération de calaveras, une tradition mexicaine qui consiste à caricaturer les hommes politiques et autres personnalités populaires par le biais de rimes simples et de caricatures de ces personnages réduits à l'état de squelettes[1]. En plus des sujets directs linogravés, l'Atelier s'appuie sur la solide tradition de la lithographie du XIXe siècle du Mexique pour la diffusion des Penny Presses ainsi que le mouvement des affiches agitprop du début du XXe siècle en Union soviétique[1].
La Estampa Mexicana a aussi publié des ouvrages, parmi lesquels[1] :
En Espagne, le réseau de collectifs d'artistes Estampa Popular s'inspire notamment du Taller de Gráfica Popular pour l'utilisation des estampes comme moyen de résistance civile[17].
En 2005, Alain Buyse crée les Ateliers d'Éditions Populaires sur le modèle du Taller de Gráfica Popular.