Tin Hinan

Tin Hinan
La Reine Tin Hinan, œuvre de Hocine Ziani exposée au Musée national des Beaux-Arts d'Alger.
Titre de noblesse
Reine
Biographie
Décès
Date inconnueVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture

Tin Hinan (en tamasheq : ⵜⵏ ⵂⵏⵏ) est une reine berbère qui aurait vécu au IVe siècle[1] ou à une époque plus récente. Elle est considérée par les Touaregs nobles du Hoggar comme leur ancêtre originelle[2]. Elle est née et est morte dans l'actuel Sahara algérien.

La tradition orale touarègue la décrit comme « une femme d'une beauté irrésistible, grande, au visage sans défaut, au teint lumineux, aux yeux immenses et ardents, au nez fin, l'ensemble évoquant à la fois la beauté et l'autorité ». La légende de Tin Hinan est toutefois une création récente et étrangère au tombeau de Tin Hinan et au personnage qu'il contenait.

Étymologie

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Selon l'étymologie, Tin Hinan peut vouloir dire « celle des tentes », ou, dans une acception plus récente, « celle qui migre »[3], « celle qui se déplace » ou « celle qui vient de loin », en tamasheq[4].

Tin-Hinan est composé de 3 éléments en langue touarègue tamasheq. « Ti » est le pronom démonstratif du féminin singulier, cela correspond à « celle » en français. « N » est une préposition d’appartenance, en français c’est le « de ». « Ihinan » est un nom pluriel du verbe han et signifie « se déplacer en campement, migrer » (sans évocation d’une direction précise). Après la chute de la voyelle initiale de « i », du fait de l’état d’annexion (une forme grammaticale du changement du nom en langue touaregue) Tin-ihinan s’est transformé Tin-Hinan comme on le connaît aujourd’hui.

Ce qui est intéressant est que le prénom Tin-Hinan est toujours employé, de nos jours, pour prénommer des jeunes filles. Mais pour les habitants du Ahaggar, c’est différent. Tin-Hinan n’est pas attribué aux jeunes filles parce qu’ils ont une coutume qui consiste à éviter de prononcer le nom de ses ancêtres. Cette coutume s’appelle tribudar qui signifie « manque de pudeur envers les ancêtres ».

Maquette du tombeau de Tin Hinan, musée du Bardo, Alger.

A l'époque coloniale, le Père de Foucauld[5] émet l'hypothèse que Tin Hinan et sa servante Takamat (ou Takama) - avec laquelle elle traverse le désert du Sahara pour rejoindre Silet dans le Hoggar[6] - sont Brabers et plus précisément du Tafilalet. Tin Hinan est pour sa part donnée comme la mère des Touaregs plébéiens du Hoggar[7]. Cette version de Foucauld sera reprise ultérieurement par les ethnologues comme Nicolaisen[8]. Cette migration aurait eu lieu à l'époque islamique et est donc anachronique avec la datation du tombeau. En réalité cette princesse qui aurait existé au IVe siècle aurait été tardivement, par le biais des récits, faite musulmane et rattachée à une lignée chérifienne pour des raisons de prestige[9].

Tin Hinan aurait notamment porté le titre de « tamenokalt » qui est décerné au chef suprême d’une confédération de tribus chez les Touaregs. Elle aurait été plus particulièrement reine des Touaregs de l'Ahaggar[2]. Une interprétation erronée du titre d’amenokal qui est souvent avancée serait que « amenokal » signifie « propriétaire de terre », hors cela est démenti par les chercheurs Gast et Chaker[10]. D'après les chants et récits, Tin Hinan était une femme charismatique et d'une beauté irrésistible[2].

Le seul trait commun aux divers récits est la religion islamique de Tin Hinan et c'est précisément une interprétation inventée par les fouilles du monument[11]. Cette légende doit être confrontée à l'histoire des populations du Hoggar. La légende de Tin-Hinan est en effet une création récente, inventée par les Touaregs Kel Rela pour des raisons d'ordre politique, afin de conserver le pouvoir et leur suprématie. Elle est donc totalement étrangère au tombeau et au personnage qu'il contenait[12].

Il existe des contradictions et des convergences entre les données traditionnelles, qui sont sujettes à variations, mais qui s'accordent unanimement sur le haut rang tenu par Tin Hinan, et les données tangibles de l'archéologie[13]. Selon Gabriel Camps, une lointaine et vague tradition orale avait conservé le souvenir d'une princesse enterrée dans le grand monument d'Abalessa. Son nom avait été oublié et elle n'était plus connue que par un sobriquet, Tin Hinan, une expression pouvant recevoir plusieurs interprétations[13].

À une époque plus récente, lors du mariage de Kella, une princesse du XVIIe siècle, avec l'amenokal Sidi, les Kel Réla, le clan auquel appartenait Kella, s'approprièrent la tradition de Tin Hinan et la modifièrent à leur avantage. Cette princesse berbère, enterrée entre le IVe et le VIe siècle, fut transformée pour des raisons de prestige en une musulmane, fille de roi, venue du lointain Tafilalet, berceau de la dynastie chérifienne qui règne sur le Maroc, et placée à la tête de leur généalogie[13].

Sépulture de Tin Hinan (Musée du Bardo, Alger).

Les historiens pensent que Tin Hinan et Takama ont effectué leur voyage en compagnie d'une monture et d'animaux domestiques, ce qui leur aurait permis de ne pas périr. Ils pensent notamment qu'elles connaissaient les principales étoiles et savaient décoder le tracé d'une route. La route qu'elles ont empruntée pourrait correspondre à une route ancienne dessinée sur les peintures rupestres du Sahara, et qui mentionne les points d'eau, rivières et oasis[2].

En 1925, à Abalessa, dans le Hoggar, des archéologues découvrent la tombe d'une femme dans lequel ils trouvent un squelette bien conservé, des pièces de monnaie à l'effigie de l'empereur romain Constantin, des bijoux en or et en argent, ainsi qu'un mobilier funéraire. La tombe, qui date du IVe siècle, est attribuée alors par des archéologues[Lesquels ?] à Tin Hinan[14], bien que les Touaregs eux-mêmes restent assez sceptiques sur ce point[15].

L'examen du squelette retrouvé dans le mausolée montre ainsi que la femme souffrait d'un lombarthrose, qui l'obligeait à boiter, ce qui rejoint les détails de l'historien Ibn Khaldoun au sujet de Tin Hinan, qui précisait que les Touaregs de l'Ahaggar se désignaient également comme « les enfants de Tiski », c'est-à-dire « les descendants de la femme qui boîte »[2].

Après avoir traversé le Sahara sans périr et une fois arrivée à Abalessa, dans le Hoggar, Tin Hinan y aurait instauré les conditions nécessaires à la survie humaine, organisé la vie sociale et développé des relations commerciales avec les personnes qui traversent le Sahara, comme l'indiquent le mobilier et les objets retrouvés dans son mausolée[2].

Le tombeau attribué à Tin Hinan est aujourd'hui une attraction touristique dans le Hoggar. Le corps et les bijoux retrouvés dans la tombe sont quant à eux conservés au musée du Bardo à Alger.

Littérature

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Exposition sur la reine des Touaregs Tin Hinan, musée du Bardo, Alger, 2021.

Filmographie

  • En 2009 sort Tin Hinan, un documentaire de 52 minutes réalisé par Rabie Ben Mokhtar.
  • En 2020, un film-documentaire A la découverte des merveilles du Hoggar, réalisé par Mina Kassar, est diffusé sur Canal Algérie.
  • En 2025 sortira le documentaire Tin Hinan, la dernière nomade de la réalisatrice Leïla Artese Benhadj qui retrace le voyage de la réalisatrice lorsqu’elle part à la recherche de Tin Hinan

Notes et références

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  1. E. F. Gautier, « Anciennes voies du Commerce transsaharien », Geografiska Annaler, vol. 17,‎ , p. 550–562 (ISSN 1651-3215, DOI 10.2307/519885, lire en ligne, consulté le ).
  2. a b c d e et f Osire Glacier, Femmes politiques au Algérie d'hier à aujourd'hui : La résistance et le pouvoir au féminin, Tarik Editions, , 184 p. (ISBN 978-9954-419-82-3, lire en ligne).
  3. Hélène Claudot-Hawad. ’Avoir de la cendre’ : ancrages nomades en territoire touareg. Techniques et culture, Éditions de la Maison des sciences de l’homme 2011, 1 (56), pp.78-97, ffhalshs-00722860f.
  4. Femmes de l’ombre : Tin-Hinan, reine des Touaregs, sur rfi.fr.
  5. Voir Charles de Foucauld, Dictionnaire touareg-français, 1951-1952, t.2, p. 535.
  6. Gabriel Camps, L’âge du Tombeau de Tin Hinan, Ancêtre des Touareg du Hoggar,
  7. Histoire générale de l’Afrique : Afrique ancienne p. 563.
  8. Paul Pandolfi, Les Touaregs de l'Ahaggar, Sahara algérien: parenté et résidence chez les Dag-Ghâli, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-86537-821-0, lire en ligne)
  9. Gabriel Camps, L'Afrique du Nord au féminin, Perrin (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-262-05743-5, lire en ligne)
  10. Marceau Gast et Salem Chaker, « Amenūkal, Amenoūkal », Encyclopédie berbère, no 4,‎ , p. 581-589 (lire en ligne)
  11. Gabriel Camps, L'âge du Tombeau de Tin Hinan, Ancêtre des Touareg du Hoggar, , 500 p. (ISSN 0514-7336, lire en ligne).
  12. Danilo Grébénart, « Le tombeau d'Abalessa (Hoggar, Algérie). [Contribution à l'étude du mobilier funéraire] », Antiquités africaines, vol. 30, no 1,‎ , p. 261–262 (DOI 10.3406/antaf.1994.1230, lire en ligne, consulté le ).
  13. a b et c Gabriel Camps, L'Afrique du Nord au féminin, Perrin (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-262-05743-5, lire en ligne)
  14. Camps, G., « Inhumation. (temps protohistoriques) », Encyclopédie berbère, no 24,‎ (ISSN 1015-7344, lire en ligne, consulté le ).
  15. Voir Marceau Gast, Témoignages nouveaux sur Tine Hinane, ancêtre légendaire des Ahaggar, Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée 13, 1973, pp. 395-400.
  16. « Une reine atlante vénérée par les Touaregs : Tin Hinan », sur artchives.samsara-fr.com.

Articles connexes

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Liens externes

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