La Táin Bó Cúailnge [t̪ˠaːnʲ boː ˈkuəlʲɲə][1], que l’on traduit usuellement par la « Rafle (ou Razzia) des Vaches de Cooley » est le récit principal et le plus long du cycle d'Ulster qui, avec le cycle mythologique, le cycle fenian, et le cycle historique, constituent le corpus littéraire de la mythologie celtique irlandaise. La version manuscrite la plus ancienne date du tout début du XIe siècle, mais sa composition remonte à la période protohistorique.
Une coalition des royaumes d’Irlande, emmenée par les souverains du Connaught envahit le royaume d’Ulster pour la possession du taureau fabuleux, le Brun de Cúailnge. Ils doivent affronter le plus terrible des guerriers, Cúchulainn.
Il existe deux versions principales du récit :
Ces textes sont écrits en vieil irlandais, langue utilisée du VIIIe au XIe siècle, et en moyen irlandais, utilisé du XIe au XVe siècle. La forme narrative est la prose à l’exception de passages versifiés, qui soulignent l’intensité dramatique. Ces travaux de compilation littéraire ont été réalisés par des clercs, dans le cadre des monastères irlandais. Un vernis chrétien se superpose au substrat celtique[4].
En revanche, la datation de la matière est impossible. Le cadre est indubitablement préchrétien et nous décrit une société guerrière de l’âge du fer[5]. La transmission orale s’est faite sur plusieurs siècles. À titre anecdotique, une légende fait du roi Conchobar un contemporain du Christ.
La trame du récit est la guerre qui oppose l'Ulster aux quatre autres provinces d'Irlande coalisées contre lui.
Les souverains du Connaught, la reine Medb et le roi Ailill, sont dans leur résidence royale de Crúachan. La reine rappelle sa prestigieuse généalogie, elle énumère les nobles prétendants qu’elle a éconduits en précisant que son époux devait être un homme sans avarice, sans jalousie et sans peur, car elle-même est généreuse, ignore la jalousie et sait faire preuve de courage, l’égalité convient dans leur couple.
La conversation vient sur leurs patrimoines et Medb prétend avoir plus de biens, ce que conteste son époux. On apporte donc toutes leurs affaires et trésors, on compte bijoux, vaisselles, moutons, chevaux, porcs, vaches, mais leurs biens sont égaux en nombre et en valeur, à l’exception d’un veau (le Blanc Cornu) qui appartient au roi. Medb demande à Mac Roth où l’on peut se procurer un animal semblable et il répond qu’en Ulster, un homme du nom de Dáre possède un taureau, appelé le Brun de Cooley.
Mac Roth est dépêché sur place pour que Dáre loue l’animal pour une année, contre paiement de cinquante génisses et beaucoup plus si nécessaire (un autre domaine équivalent au sien, un char valant « trois fois sept esclaves » et « l’amitié de la cuisse de Medb »). Dans un premier temps, Dáre accepte la proposition, mais il apprend par l’indiscrétion d’un messager que s’il avait refusé, on lui aurait pris son taureau de force. Il se ravise et refuse de céder son animal.
Medb fait venir à Crúachan, les sept « Mane », les fils de Mága, ainsi que Cormac Cond Longas et Fergus Mac Roeg, tous avec leurs armées. Ils demeurent 15 jours à festoyer. Avant de lancer l’expédition, la reine va consulter son druide. Puis c’est une multitude de rois, de guerriers et de peuple qui se dirige vers l’Ulster. Cúchulainn et Sualtam découvrent les armées et vont donner l’alerte. Medb a été informée que Conchobar et les Ulates[6] sont dans l’incapacité de se battre[7], mais dans le camp irlandais un druide met en garde contre la puissance d’un guerrier royal.
Le premier affrontement a lieu à Ath Gabla (le Gué de la Fourche), Cúchulainn décapite les deux fils de Nera et leurs cochers, qui constituaient l’avant-garde des Irlandais et renvoie leurs cadavres. Fergus informe Ailill et Medb que cette tuerie ne peut être que le fait de Cúchulainn, le guerrier le plus redoutable et le plus sanguinaire. Il leur raconte alors l’enfance et les exploits de Setanta.
Le jour suivant, Cúchulainn va au-devant des armées des quatre grands royaumes d’Irlande, il coupe la tête d’Orlám et les trois fils d’Arach, venus l’affronter subissent le même sort. Le lendemain, ce sont cent guerriers qui succombent. La nuit venue, alors qu’il prépare ses armes, ce sont cent autres guerriers qui meurent d’effroi. Changement de stratégie, on décide de le dédommager et de le suborner à plusieurs reprises, mais le champion d’Ulster refuse et trouve plus glorieux de rester à la cour de Conchobar. Les massacres reprennent, chaque fois cent guerriers périssent. Puis il est convenu que chaque jour un guerrier ira combattre Cúchulainn, l’armée pourra avancer le temps du combat, puis s’arrêtera à la mort du guerrier. Suivent de nombreux combats à l’issue invariable.
Le Brun de Cooley et ses 50 vaches sont capturés par Buide, fils de Bain Blai. Quinze jours plus tard, les armées des quatre royaumes se rejoignent. Cúchulainn utilise pour la première fois la « gae bolga » contre Redg, le satiriste de Medb. Les combats se poursuivent, mais les volontaires pour affronter le champion d’Ulster ne sont pas nombreux ; la reine les attire par des promesses, les fait boire et les livre aux caresses de Findabair. Medb envoie 100 guerriers qui sont tués. Les armées des quatre royaumes s’installent dans la plaine de Murthemme et envoient butin et troupeau vers le sud.
Un guerrier invisible pour les ennemis des Ulates arrive au campement de Cúchulainn. C’est Lug, le dieu suprême, qui est aussi le père divin du héros. Avec des plantes du Sidh, il soigne les blessures de son fils qui dort pendant trois jours et trois nuits car il n’avait pris aucun repos entre Samain et Imbolc. À l’issue de ce repos, il fait atteler son char de combat et lance l’attaque, cet épisode est connu sous le nom de « massacre de Murthemme » : six épaisseurs de cadavres de guerriers ennemis s’entassent sur le champ de bataille, cent cinquante rois perdent la vie et un tiers des Irlandais est blessé.
Tous les combattants étant systématiquement décapités, Medb fait appel au plus valeureux guerrier, Ferdiad. Grâce à la magie de ses druides, à l’enivrement, aux promesses de trésor et la main de Findabair, elle le contraint à accepter le duel contre son ami. La rencontre a lieu sur le gué et après une longue discussion, l’assaut commence. Cela dure pendant trois jours, les nuits ils se soignent et se restaurent. Au dernier jour, le combat est si violent que la rivière change de cours ; Cúchulainn reçoit un coup d’épée dans la poitrine, alors il tue Ferdiad d’un coup de « gae bolga ». Des guerriers Ulates emmènent Cúchulainn pour le laver et le soigner, dans un torrent où les Tuatha Dé Danann ont déposé des herbes médicinales.
C’est alors qu’intervient Cethern Mac Fintan, il attaque et dévaste le camp des Irlandais, mais est lui-même blessé. Il est soigné par Fingen, le druide-médecin personnel du roi Conchobar Mac Nessa qui, à la vue des blessures, peut dire qui les a provoquées. Arrivée de Fintan avec « trois fois cinquante » guerriers, ils livrent trois batailles et tuent trois fois leur nombre avant de succomber.
Rochad Mac Fathemain vient prêter main-forte à Cúchulainn, Findabair est incitée par sa mère à passer la nuit avec lui et obtenir une trêve, avant la grande bataille de Gárech et Ilgárech, annoncée par les druides. Les princes de Munster à qui la main de la princesse avait été promise se révoltent et Findabair meurt de honte.
Sualtam, l’un des pères terrestres de Cúchulainn se rend près de son fils agonisant, qui lui demande d’aller chercher de l’aide chez les Ulates. Arrivé à Emain Macha, sa harangue reste sans réponse, car nul ne peut parler avant le roi qui ne peut lui-même parler avant ses druides. Pour avoir harangué le roi de la sorte, le druide Cathbad provoque la mort du messager, mais Conchobar décide de rameuter tous les guerriers d’Ulster. Conchobar et Celtchar, à la tête de « trois mille chefs de char » et de très nombreux cavaliers foncent sur le camp des Irlandais ; au premier assaut le roi tue huit cents guerriers.
Après avoir été observer le camp des Ulates, Mac Roth fait son rapport aux souverains du Connaught et Fergus explique quels sont les nobles qu’il a vus et quelle est leur valeur. Il prédit la défaite de la coalition. C’est alors que Morrigan vient exciter les hommes des deux camps. Cúchulainn, blessé, ne peut assister à la bataille finale, dont le déroulement lui est raconté par son cocher, Lóeg. Les Ulates sont vainqueurs, les vaincus retournent à Crúachan.
Le Brun de Cúailnge, pendant ce temps, était arrivé en Connaught. Il doit affronter le Blanc Cornu, le taureau d’Ailill, le combat les fait traverser toute l’Irlande. Après avoir massacré son adversaire, le Brun retourne à Cooley pour y mourir.