Ulli Lust, de son vrai nom Ulli Schneider (Lust est en fait le nom de jeune fille de sa mère[1]), est née en 1967 à Vienne. Elle a grandi à Jetzelsdorf, un village tranquille de Basse-Autriche situé à la frontière avec la Tchéquie, à soixante-dix kilomètres de Vienne. À quinze ans, elle commence une formation en apprentissage dans une école professionnelle de design et de dessin de mode, à Vienne, où elle loge tout d'abord dans un couvent, puis en colocation. Devenue punk, renvoyée de l'école, elle part avec une amie deux mois en Italie, en 1984, l'année de ses dix-sept ans, de la mi-août à la mi-octobre, sur un coup de tête, sans bagages ni papier ni argent — expérience éprouvante, et même traumatisante, qui marquera fortement sa vie par la suite.
Revenue en Autriche, elle travaille cinq ans comme costumière et deux ans comme dessinatrice de mode. De 1993 à 1995, elle publie également trois livres pour enfants (les deux premiers comme illustratrice seulement).
En 1995, elle s'installe à Berlin, où elle reprend des études de graphisme. À partir de 1998, elle commence, sous le nom de Lust, à publier des bandes dessinées. Avec d'autres compagnons d'études, elle fonde en 1999 le groupe de dessinateurs de bande dessinée Monogatari, qui prône la primauté du fond sur la forme (le groupe se séparera en 2005).
Deux de ses genres de prédilections sont la bande dessinée érotico-mythologique (la série des Spring Poems, dont Airpussy) et la bande dessinée-reportage (Fashionvictims, Trendverächter, Alltagsspionage), souvent basée sur des recherches journalistiques minutieuses[2]. Elle publie des illustrations dans de nombreux journaux ou magazines, et participe à plusieurs ouvrages collectifs de bande dessinée (par exemple Alltagsspionage, Pommes d’amour).
En , Le Monde diplomatique publie un de ses reportages dessinés sur le Spreuerbrücke. Au même moment, elle lance avec Kai Pfeiffer le site d'édition de bandes dessinées en ligne electrocomics.
Mais c'est surtout avec la parution de sa bande dessinée Trop n'est pas assez (en allemand Heute ist der letzte Tag vom Rest deines Lebens, littéralement : « Aujourd'hui est le dernier jour du reste de ta vie »[Note 1]) qu'elle se fait plus largement connaître. Narrant l'épisode de son épopée italienne de deux mois de 1984, ce livre autobiographique, qui lui demandera en tout environ 1 380 jours de travail étalés sur quatre ans (sans compter les vacances et le temps consacré à d'autres travaux, ni les quelques mois perdus à devoir redessiner les premiers chapitres)[3], à raison d'une moyenne de trois jours de travail pour chacune des 463 pages du volume[1], lui vaut un gros succès public et critique, avec plusieurs récompenses prestigieuses, dont le Prix Révélation du festival d'Angoulême 2011.
Elle publie ensuite en 2013 Flughunde, une adaptation du roman du même nom par l'écrivain Marcel Beyer. Le personnage principal de cette histoire est un acousticien fictif utilisé par le régime nazi pour veiller à la diffusion sonore de sa propagande. Il devient ainsi proche de Joseph Goebbels et de ses enfants, dont il enregistre les derniers instants de vie après qu'ils ont été empoisonnés peu après la mort d'Hitler. Le roman graphique est traduit en français en 2014 aux éditions Çà et là sous le titre Voix de la nuit. Fin , pour le magazine Télérama, l'album fait partie des « 10 meilleures BD de l’année 2014[4]. »
Lust n'est pas tant dessinatrice que « conteuse[5],[6] ». Ses observations des scènes de la vie quotidienne nourrissent les portraits, reportages, et bandes dessinées qu'elle réalise. Le style et la technique de dessin et d'écriture sont adaptés au sujet, au cas par cas, selon ce qu’« exige l'histoire[5] ». L'histoire, le contenu, priment sur les mots et l'image[6],[Note 2].
Édition française : Ulli Lust (trad. de l'allemand par Paul Derouet), Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien, Bussy-Saint-Georges, Çà et là, , 368 p. (ISBN978-2-36990-246-1).
Édition française : Ulli Lust (dessin et scénario) et Marcel Beyer (roman d'origine) (trad. de l'allemand par François Mathieu), Voix de la nuit, Bussy-Saint-Georges, Çà et là, , 364 p. (ISBN978-2-36990-203-4)
Édition française : Ulli Lust (trad. de l'allemand par Jörg Stickan), Trop n'est pas assez [« Heute ist der letzte Tag vom Rest deines Lebens[Note 1] »], Bussy-Saint-Georges, Çà et là, , 464 p., 17 × 23 cm, couverture souple avec rabats, pages dessinées en bichromie (ISBN978-2-916207-46-9).
(de) Ulli Lust, « Überflüssig », dans Collectif[Note 6], Pommes d'amour : 7 Geschichten über die Liebe, Leipzig, Die Biblyothek, , 160 p. (ISBN978-3-9810480-7-0) pour l'édition allemande.
(de) Ulli Lust, Spring Poems 01 bis 05, Berlin, Monogatari, 1998-2004.
(de) Ulli Lust, Berlin-Helmholtzplatz 1998 + 2004, Berlin, Popular books, observations du quotidien.
↑ a et bLe titre allemand n'a pas été traduit en français car « il y a en France un film populaire et une chanson de noms similaires » ((de) Quinze questions à Ulli Lust, Der Tagesspiegel, 18 novembre 2010).
↑À la question du Tagesspiegel : « Qu'est-ce qui vient en premier dans votre travail ? Les mots ou les images ? », Ulli Lust répond : « La plupart du temps c'est d'abord une histoire ou une scène forte qui me convainc. Ensuite j'essaye de trouver les images et les mots qui lui conviennent. Il arrive rarement qu'une image émerge, et que le scénario se développe à partir d'elle. »
↑(de) Un premier jet de la première moitié de l'histoire est d'abord paru en version électronique sur le site electocomics.com (disponible (contre rétribution laissée à la libre appréciation du lecteur) en plusieurs parties pour lecture et téléchargement ici : http://www.electrocomics.com/ebook_unterseiten/punked.htm (fichiers PDF accessibles directement ici : [PDF] Parties 1 et 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11)).
La version papier est relativement différente de la version électronique : elle est deux fois plus longue ; la technique de dessin a changé et les dessins sont passés en bichromie ; la mise en page a été modifiée en relation avec le support ; certaines parties de l'histoire ont même été redessinées, et le découpage de l'action modifié.
Certaines informations figurant dans cet article ou cette section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans les sections « Bibliographie », « Sources » ou « Liens externes » ().
Juliette Feyel, « Catel Muller et Ulli Lust, entre BD féminine et BD féministe », ALTERNATIVE FRANCOPHONE, vol. 1, no 9, , p. 141–154 (ISSN1916-8470, DOI10.29173/af27280, lire en ligne, consulté le )
Ulli Lust (interviewée) et Amandine Schmitt (intervieweuse), « Ulli Lust : "Les femmes doivent se mettre à dessiner le sexe" », Le Nouvel Obs, (lire en ligne)
Johanna Luyssen, « Ulli Lust, des hauts et des ébats », Libération,
PH. B., « Une artiste libre confrontée à la violence des hommes. Ulli Lust : l'autrice autrichienne renoue avec l'autobiographie pour exorciser une relation toxique », Sud Ouest,
(de) Intensive Grenzerfahrung. Ulli Lusts feministischer Punk-Comic, portrait télé, Allemagne, 2009, 5 min 24 s, réalisation : Lotar Schüler, production : 3sat, émission Kulturzeit, texte du reportage disponible sur le site de 3sat.
(de) Der dokumentarische Comic, deux reportages, Allemagne, 2009, réalisation : Andreas Platthaus, Andreas Brand, production : FAZ.