Union du congrès pour le droit de vote des femmes

Congressional Union for Woman Suffrage
Histoire
Fondation
Dissolution
1917
Cadre
Siège
Pays
Organisation
Fondatrices

L'Union du congrès pour le droit de vote des femmes (Congressional Union for Woman Suffrage) est une organisation américaine fondée en 1913 et dirigée par les suffragettes Alice Paul et Lucy Burns pour faire campagne en faveur d'un amendement constitutionnel garantissant le droit de vote des femmes au niveau fédéral.

Ce mouvement s'inspire de celui des suffragettes du Royaume-Uni, et connait son apogée en lors du Suffrage Special  : une tournée de propagande en train dans onze États de l'Ouest américain, où les femmes bénéficiaient déjà du droit de vote contrairement à leurs consœurs du Sud et du Nord-Est.
La structure disparaît en , lorsqu'elle est incorporée au National Woman's Party, un nouveau parti politique également fondé par Alice Paul et Lucy Burns. Toutefois, l'idée d'une tournée de promotion en train sera réutilisée en 1919 par les suffragettes américaines pour faire campagne lors du vote du XIXe amendement et le nom Congressional Union réemployé par un mouvement féministe des années 1980, fondé par Sonia Johnson.

Fondation de l'organisation

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La suffragette Alice Paul est élue en 1912 à la direction du Comité du Congrès de la National American Woman Suffrage Association (NAWSA), comité dont le but est de promouvoir l'idée d'un amendement constitutionnel en faveur du suffrage féminin, à la manière du XVe amendement. Ce dernier garantit le droit de vote aux anciens esclaves noirs depuis 1870. Or l'idée de demander rapidement un amendement fédéral ne fait pas l'unanimité au niveau de la NAWSA : les tentatives de faire voter un tel amendement ont toutes échoué depuis la cession du Congrès de 1878, alors qu'entre 1910 et 1912, ce sont en 5 nouveaux États de l'Ouest qui accordent le droit de vote aux femmes. Le bureau de la NAWSA pense donc qu'il vaut mieux revendiquer le droit de vote État par État et attendre d'avoir une majorité d'États pro-suffrage, avant de lancer l'idée d'un amendement au niveau fédéral.

Par ailleurs, des féministes influentes des États du Sud sont fermement opposées à l'idée d'un amendement qui donneraient le droit de vote aux femmes noires. Ainsi, Laura Clay (en) est d'avis que pour convaincre les suprémacistes blancs d'accorder le droit de vote aux femmes des États du Sud, il faut que celui-ci soit réservé aux seules femmes blanches éduquées[1]. Auditrice du conseil d'administration de la NAWSA depuis [2], et présidente et fondatrice, en , d'un premier club en faveur du suffrage féminin dans un État du Sud (le Kentucky Equal Rights Association), elle a déjà remporté de nombreuses victoires au niveau du parlement de son État d'origine pour l'émancipation des femmes, notamment dans le cadre de l'accès à l'éducation supérieure et aux professions médicales dans les années 1890[2].

L'Union du Congrès a pour but d'aider le Comité du Congrès de la NAWSA et ses dirigeantes font partie de ce comité[3]. Durant les premiers mois de son existence, l'Union du Congrès se met au service de la NAWSA pour renforcer le Comité du Congrès, alors en déclin. En , après avoir pris conscience de la quantité de travail à accomplir, la structure devient autonome pour ses propres opérations et son financement, tout en restant affiliée à la NAWSA. À l'automne 1913, la féministe Carrie Chapman Catt accuse l'institution d'insubordination et d'irrégularités financières, allégations qu'elle rétractera plus tard[4]. Les stratégies et méthodes des deux organisations étant opposées, les dirigeantes de la NAWSA se sentent menacées[4]. En , la National American Woman Suffrage Association élit un nouveau Comité du Congrès et rompt définitivement ses liens avec l'Union du Congrès[3].

Une organisation activiste

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Une jeune femme à bord d'un avion biplace à côté d'un pilote saluant le photographe
Lucy Burns à bord d'un avion à Seattle.

L'Union du Congrès pour le suffrage des femmes fait appel à de jeunes femmes qui ont une nouvelle approche dans la lutte pour le suffrage des femmes, inspirée par les suffragettes britanniques[4]. Alice Paul est d'avis que les femmes ne devraient pas avoir à mendier pour leurs droits civiques[5]. Elle a présenté aux membres de l'organisation certaines des méthodes utilisées par les militantes de l'Union sociale et politique des femmes en Grande-Bretagne[6]. Il s’agit notamment d’organiser des manifestations massives non-violentes[7] et de tenir, à la manière de grévistes, un piquet quotidien devant la Maison Blanche[4],[6]. L'Union du Congrès pour le suffrage des femmes compte 4 500 membres et a collecté plus de 50 000 $ de fonds en 1914[6] Certaines de ces femmes seront arrêtées et emprisonnées pour leur activisme[3].

Le siège de l'Union du Congrès est implanté sur F Street à Washington, DC, non loin du luxueux hôtel Willard, dans un bureau bien situé, financé sur les fonds propres du mouvement[8],[3]. L'organisation organise des « écoles pour le droit de vote des femmes » afin de faire connaître leur cause et planifie plusieurs réunions chaque jour[8]. L'Union du congrès n'est pas organisée par États ou districts, mais il existe différentes branches de l'organisation dans un certain nombre d'États. Si le cœur de son travail est à Wahington D.C., la structure reste très mobile[3]. Elle publie un journal appelé The Suffragist[9], contenant des articles de membres éminents, dont Alice Paul, Lucy Burns et Inez Milholland. Le journal emploie Nina Allender comme dessinatrice principale et publie des dessins d'artistes tels que Cornelia Barns, le canadien Boardman Robinson et Marietta Minnigerode Andrews (en)[6].

Inez Milholland lors de la manifestation pour le droit de vote des femmes le 3 mars 1913.

L'Union du Congrès fait activement campagne pour un amendement constitutionnel garantissant le suffrage universel des femmes. À l'instar des suffragettes de Grande-Bretagne, l'organisation rejette sur le parti majoritaire au parlement (à l'époque le Parti démocrate, avec pour président Woodrow Wilson) l'absence d'avancée sur un amendement sur le suffrage féminin au niveau fédéral[3]. Les membres de l'organisation font dès lors systématiquement campagne contre les candidats démocrates dans l’espoir d’empêcher leur réélection, y compris lorsque les candidats en question sont favorables au droit de vote des femmes. Cette position extrême leur vaut les critiques de la National American Woman Suffrage Association[8].

Le Suffrage Special lors de la campagne électorale de 1916

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Carte des États-Unis découpée dans un article de journal, le train traverse les États de l'Ouest. En bas à gauche, en médaillon, la photo de la féministe Alice Paul.
La route suivie par le Suffrage Special au printemps 1916.
Photographie noir et blanc d'une groupe de femmes portant des drapeaux, devant un train à quai
Les suffragistes devant le Suffrage special à proximité de Washington DC, à leur retour en mai 2016.

Début 1916, les militantes de l'association planifient une tournée dans les clubs féminins des états de l'Ouest américains, états qui autorisent déjà le suffrage des femmes[10]. Leur idée est de demander le soutien de ces électrices pour obtenir le droit de vote pour l'ensemble du pays. Les femmes des 11 états concernés : Wyoming, Colorado, Utah, Idaho, Washington, Californie, Arizona, Kansas, Oregon, Montana et Nevada, et celles du territoire de l'Alaska, peuvent en tant qu'électrices peser sur le résultat des élections nationales[11]. Le , les militantes affrètent pour cela un train baptisé avec du jus de raisin californien, le Suffrage Special[12]. Le convoie quitte Washington le 9 avril 1916[13], pour une tournée de 5 semaines[11], au son d'un brass band qui joue La Marseillaise[14] puis le cantique Onward Christian Soldiers (en)[15],[14]. Chaque arrêt du train donne lieu à des événements largement médiatisés, où les militantes sont accueillies par des féministes mais aussi par les autorités locales. Des drapeaux aux couleurs de leur organisation sont accrochés aux fenêtres des maisons [14]. À San Francisco, le , les suffragettes sont reçues par le maire de la ville James Rolph et l'avocate Gail Laughlin, qui s'illustrera à la fin des années 1920 lors de l'Equal Rights Amendment[16], préside un meeting[17] et le , le train arrive à Seattle, où une réunion se tient dans le Théâtre Moore (en) devant 1 500 participants[18]. Dans cette ville, Lucy Burns est invitée par le pilote Terah Maroney, un pionnier américain de l'aviation[19], à prendre place à bord de son avion pour un vol au-dessus de la ville[20]. Les déclarations, pétitions et marques de soutien collectées durant le voyage sont remises au Congrès, en grande pompe, le , lorsque le train regagne la capitale[21].

Parti national des femmes

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L'Union du Congrès crée le Parti national des femmes lors d'une réunion à Chicago qui se tient les 5, 6 et 7 juin 1916[22],[23]. Ce parti regroupe des membres de l'Union du Congrès, et Alice Paul en est également la cheffe de file[8],[24]. Un comité de campagne est formé au sein du nouveau parti, avec la représentante du Nevada[25], Anne Martin, comme présidente[3]. En 1917, les deux organisations fusionnent pour former le National Woman's Party (NWP) et élisent Alice Paul comme présidente[24],[3].

À la suite de l'expérience du Suffrage Special, les suffragettes organisent une nouvelle tournée en train, en , pour promouvoir l'adoption du XIXe amendement et elles baptisent ce nouveau train le Prison Special (en). Parmi les personnalités qui embarquent à bord du Prison Special on trouve quelques vétérantes du Suffrage Special dont Abby Scott Baker (en), Lucy Gwynne Branham et Lucy Burns[26].

En 1981, un groupe de femmes, dont la célèbre féministe Sonia Johnson, forment une organisation qu'elles appellent Congressional Union, à New York, pour lutter en faveur de l'Equal Rights Amendment (ERA)[27]. Ces femmes ont été inspirées par les suffragettes de 1913, comme l'a noté Johnson dans son livre, Going Out of Our Minds: The Metaphysics of Liberation, « ... nous nous sommes appelées l'Union du Congrès et nous reprenons le nom et l'idéologie de l'organisation féministe créée en 1914 par Alice Paul et Lucy Burns... »[27]. Fin juin 1982, la nouvelle Union du Congrès organise une cérémonie funèbre ainsi qu'une « célébration de la renaissance » pour l'E.R.A. aux Archives nationales[28].

Cette organisation s'est ensuite scindée. Un groupe de femmes, dont Sonia Johnson, a formé une nouvelle organisation féministe connue sous le nom de A Group of women (en)[27].

Publications

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  • (en) Mary Ritter Beard et Florence Kelley, Congressional Union for Woman Suffrage (U.S.), Why women demand a federal suffrage amendment : difficulties in amending state constitutions, a study of the constitutions of non-suffrage states, Congressional Union for Woman Suffrage, (OCLC 43455255, lire en ligne), p. 4.
  • (en) National Woman's Party etc., The Suffragist Weekly organ of the Congressional union for women suffrage and of the National woman's party, 1913- (OCLC 867041808, lire en ligne).

Références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Congressional Union for Woman Suffrage » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Marjorie Spruill Wheeler, New Women of the New South: The Leaders of the Woman Suffrage Movement in the Southern States, Oxford University Press, , 279 p. (ISBN 978-0-19-535957-2, lire en ligne), p. 20 ; 100-133
  2. a et b « Laura Clay (1849-1941), Kentucky Suffragist and Voice of the South | H-Net », sur networks.h-net.org (consulté le )
  3. a b c d e f g et h (en) Paul Buhle et Mari Jo Buhle, The Concise History of Woman Suffrage: Selections From History of Woman Suffrage, Urbana, University of Illinois Press, (ISBN 0252006690), p. 424–429
  4. a b c et d (en) Rebecca Mead, How the Vote Was Won: Woman Suffrage in the Western United States, 1868–1914, New York, New York University Press, , 164–165 p. (ISBN 0814757227)
  5. (en) Aileen S. Kraditor, The Ideas of the Woman Suffrage Movement, 1890–1920, New York, Columbia University Press, , 231–233 (ISBN 0393014495, lire en ligne)
  6. a b c et d (en) Simpkin, « Congressional Union for Women Suffrage », Spartacus Educational, Spartacus Educational Publishers Ltd., (consulté le )
  7. (en) John Whiteclay Chambers (éd.), Paul Wehr : Non Violence dans The Oxford companion to American military history, Oxford University Press, coll. « Oxford reference online premium », (ISBN 978-0-19-507198-6 et 978-0-19-989106-1)
  8. a b c et d (en) Doris Weatherford, A History of the American Suffragist Movement, Santa Barbara, The Moschovitis Group, , 197–205 (ISBN 1576070654, lire en ligne Inscription nécessaire)
  9. (en) National Woman's Party etc., « The Suffragist Weekly organ of the Congressional union for women suffrage and of the National woman's party », sur search.worldcat.org, 1913- (OCLC 867041808, consulté le )
  10. (en) « To ask sister clubs to support suffrage », Evening star,‎ , p. 7 (lire en ligne, consulté le )
  11. a et b (en) « Traveling for Suffrage Part 4: Riding the rails | National Museum of American History », sur web.archive.org, (consulté le )
  12. (en) Hortense Mac Donald, « Suffrage Special off for the West this afternoon », Chattanooga Daily Times,‎ , p. 26 (lire en ligne, consulté le )
  13. (en) « Cameron House Garden to Bloom in color of suffrage workers. », The Washington Herald,‎ , p. 14 (lire en ligne, consulté le )
  14. a b et c Haynes Irwin 1921, p. 152.
  15. (en) Suffrage Special will stop in Reno, « Article clipped from Reno Gazette-Journal », Reno Gazette-Journal,‎ , p. 8 (lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Barbara Sicherman, Notable American women, Belknap Press, (ISBN 978-0-674-62733-8, lire en ligne), p. 410-411
  17. (en) « Suffrage Special delegation welcomed to Coast by Suffragists. », Oakland Tribune,‎ , p. 7 (lire en ligne, consulté le )
  18. (en-US) « A Centennial Celebration of Suffrage: Suffragists in Seattle uphold ‘proof of life’ — and a powerful fight for rights », sur The Seattle Times, (consulté le )
  19. (en) « Terah Maroney », sur earlyaviators.com (consulté le )
  20. Haynes Irwin 1921, p. 154.
  21. (en) « Suffrage Special arrives in Washington and Petition is presented. », Huntsville Weekly Democrat,‎ , p. 4 (lire en ligne, consulté le )
  22. Haynes Irwin 1921, p. 151.
  23. (en) Congressional Union for Woman Suffrage (U.S.), « Woman's Party convention : Chicago, June 5, 6, and 7 », open access [livre numérique], sur search.worldcat.org, 1916 ? (OCLC 605072739, consulté le )
  24. a et b (en) « National Woman's Party », Sewall-Belmont House & Museum (consulté le )
  25. (en) Anne Martin, Statement of Miss Anne Martin of Nevada, Washington, University of California Libraries, (lire en ligne)
  26. (en) « Tactics and Techniques of the National Womans Party Suffrage Campaign | Articles and Essays | Women of Protest: Photographs from the Records of the National Woman's Party | Digital Collections | Library of Congress », sur Library of Congress, Washington, D.C. 20540 USA (consulté le )
  27. a b et c (en) Sonia, Going out of our minds : the metaphysics of liberation, Freedom, Calif., Crossing Press, , 18 p. (ISBN 0-89594-239-9, OCLC 15550086, lire en ligne)
  28. (en) « ERA », Newspapers.com, (consulté le )

Bibliographie

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  • (en) Lynne E. Ford et Liz Sonneborn, Congressional Union for Woman Suffrage (CUWS) dans Encyclopedia of women and American politics, New York, Fact on File, , livre numérique (ISBN 9781646938216, OCLC 1262183114, lire en ligne).
  • (en) J. D. Zahniser, « The Fifteenth Star : Alice Paul and the National Woman’s Party in Minnesota », Minnesota History, vol. 67, no 3,‎ , p. 154–161 (ISSN 0026-5497, lire en ligne Inscription nécessaire, consulté le ).
  • (en) Susanna Kelly Engbers, « A Woman Both "New" and "True": Jane Campbell as Catholic Suffragist », American Catholic Studies, vol. 126, no 2,‎ , p. 23–45 (ISSN 2161-8542, lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Belinda A. Stillion Southard, « Militancy, Power, and Identity : The Silent Sentinels as Women Fighting for Political Voice », Rhetoric and Public Affairs, vol. 10, no 3,‎ , p. 399–417 (ISSN 1094-8392, lire en ligne Inscription nécessaire, consulté le ).
  • (en) Barbara Sicherman, Congressional Union for Woman Suffrage dans Notable American women, Belknap Press, (lire en ligne), p. 124, 711
  • (en) Inez Haynes Irwin, The story of the Woman's Party, New York : Harcourt, Brace, (lire en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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