Yadh Ben Achour (arabe : عياض بن عاشور), né le à La Marsa, est un juriste et universitaire tunisien, spécialiste des théories politiques islamiques et de droit public.
Grâce à ces efforts, il est nommé professeur assistant à la faculté de droit de Tunis en octobre 1970[2]. Lauréat du concours d'agrégation en décembre 1974, il est élevé en avril 1975 au grade de maître de conférences puis en mars 1978 au grade de professeur des universités en droit à la même institution[2]. Il est également nommé, au sein de cette faculté, directeur du département de droit public entre 1974 et 1979 et directeur du Centre d'études, de recherches et de publications entre 1980 et 1987[2]. En novembre 1987, il est affecté à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis dont il devient le doyen entre 1993 et 1999[2].
Il juge avec sévérité l'évolution du régime politique de la Tunisie après la transition démocratique de 2011 : « Hélas, pour la liberté politique, le triomphe s'est transformé en cauchemar », écrit-il dans la revue Esprit en 2023[19].
Dans La deuxième Fâtiha et d'autres publications, Yadh Ben Achour étudie le lien entre la charia et les droits de l'homme pour expliquer le lien entre l'Orient musulman et l'Occident régi par les valeurs universelles[20] et reconnaît qu'il y a une rupture entre le principe de la suprématie laïque des droits de l'homme et la croyance islamique qui définit les droits de Dieu décrits dans le Coran et les hadiths comme supérieurs aux droits de l'homme[20] et que c'est cette opposition qui explique en grande partie la fermeture des musulmans sur eux-mêmes et le blocage du dialogue entre l'Orient et l'Occident, d'où la violence et le terrorisme[21].
Pour lui, ceci est absurde car l'islam est lui-même basé sur les valeurs universelles[22]. Il explique cette opposition par une mauvaise perception et une manipulation des textes du Coran par les musulmans[23]. Cette fausse lecture de l'islam est motivée par deux mécanismes : le manque de référence aux résultats évidents des sciences sociales[24] et l'utilisation de justifications biologiques, même contradictoires, lors de l'interprétation du Coran[25].
Par conséquent, il prône comme Mohammed Arkoun l'adoption d'une interprétation libérale, non influencée par les préjugés, rationnelle et humaine du Coran qui est concordante avec les valeurs universelles comme les droits de l'homme[26],[27].
Après des années de recherche scientifique en droit, il conclut que la communauté des chercheurs en sciences sociales qui existe de nos jours dans le monde arabe et particulièrement en Tunisie est exclusivement arabophone, fermée sur elle-même et ne cherche pas à s'enrichir à partir d'autres civilisations et écoles étrangères de sociologie[28] et qu'elle manque d'objectivité et tend à donner des interprétations politiquement et idéologiquement biaisées[28]. Par exemple, il trouve que l'arabisme a trop influencé la considération de la question linguistique dans le monde arabe, faisant d'elle une thématique primordiale et controversée[28]. Selon lui, la tendance de la communauté scientifique à ignorer le statut de l'arabe dialectal comme une langue vivante et couramment utilisée au Maghreb et à insister sur le fait que l'arabe standard moderne est la seule langue maternelle et vivante maîtrisée au Maghreb, alors qu'elle n'est utilisée que dans les institutions de l'État, n'est pas fondée scientifiquement et ne sert qu'à l'apaisement de l'amertume de la fin du rêve de l'unité arabe[25]. Malgré ce constat, il estime que cette situation des sciences sociales peut être ajustée sous l'influence des sociétés savantes étrangères actives dans le domaine[28].
Lors de sa longue carrière scientifique, il trouve qu'il existe une rupture entre les sciences juridiques et les autres sciences sociales, bien que les spécialistes en droit se réfèrent régulièrement à la sociologie, à l'anthropologie et à l'histoire lors de leurs travaux[28]. D'une part, ceci est dû au présupposé des sociologues que les juristes sont des hommes de texte qui se basent de manière systématique et normative sur les faits décontextualisés, abstraits et formels pour faire des jugements et que cette méthode positiviste ne tient pas compte de la nature pluridimensionnelle de la vérité sociologique[28]. D'autre part, ceci s'explique par le fait que les sociologues n'ont pas la notion de la norme qui existe dans les sciences juridiques et qui fait partie de la réalité sociologique[29].
Ben Achour estime que ceci est absurde car les juristes et les sociologues visent la quête de la vérité[28]. C'est pour cela qu'il encourage les efforts effectués pour le rapprochement entre le droit et les sciences sociales et appelle les sociétés savantes des sciences sociales à avoir plus d'intérêt pour les sciences juridiques[28].
L'État nouveau et la philosophie politique et juridique occidentale, éd. Bibliothèque de droit et de sciences politiques et économiques, Tunis, 1980
Droit administratif, éd. Université de Tunis, Tunis, 1982[41] (rééd. Centre d'études de publication universitaire, Tunis, 2010)
Politique, religion et droit dans le monde arabe, éd. Cérès, Tunis, 1992[42]
Normes, foi et loi en particulier dans l'islam, éd. Cérès, Tunis, 1993
Souveraineté étatique et protection internationale des minorités, éd. Collected Courses of the Hague Academy of International Law, Leyde, 1994
Contentieux administratif, éd. Cérès, Tunis, 1995
(ar) Conscience et droit : l'esprit civique et les droits modernes (الضمير و القانون : الروح المدنية و الحقوق الحديثة), éd. Centre culturel arabe, Beyrouth/Casablanca, 1998
Le rôle des civilisations dans le système international : droit et relations internationales, éd. Bruylant, Bruxelles, 2003
La Cour européenne des droits de l'homme et la liberté de religion, éd. Pedone, Paris, 2005
Aux fondements de l'orthodoxie sunnite, éd. Presses universitaires de France, coll. « Proche Orient », Paris, 2008 (réédité Cérès, Tunis, 2008)[43]
(it) La tentazione democratica. Politica, religione e diritto nel mondo arabo, éd. Ombre Corte, Vérone, 2010 (traduit en italien par Orsetta Giolo)
La deuxième Fâtiha. L'islam et la pensée des droits de l'homme, éd. Presses universitaires de France, coll. « Proche Orient », Paris, 2011 (réédité Cérès, Tunis, 2011)[44]
Tunisie : une révolution en pays d'islam, éd. Cérès, Tunis, 2016[45] (réédité Labor et Fides, Genève, 2018[46] ; trad. arabe, Tunis, 2018[47])
La Révolution française et l'Orient (1789-1989), éd. Antélias, Paris, 1990
Sujet et citoyenneté : Maghreb-Europe, éd. Éditions de l'Aube, Paris, 1994
Politiques de la langue, éd. Association pour l'Édition et la Diffusion des Transeuropéennes, Paris, 1998
État de droit, droits fondamentaux et diversité culturelle, éd. L'Harmattan, Paris, 2000
Mélanges en l'honneur de Habib Ayadi, éd. Centre d'études de publication universitaire, Tunis, 2000
Droit communautaire et mondialisation, éd. Université de Tunis, Tunis, 2003
François Luchaire, un républicain au service de la République, éd. Éditions de la Sorbonne, Paris, 2005
Le débat juridique au Maghreb, de l'étatisme à l'État de droit : études en l'honneur de Ahmed Mahiou, éd. Publisud, Paris, 2009
Projet de constitution pour la République tunisienne, éd. Université de Tunis, Tunis, 2011
Droit et mutations sociales et politiques au Maroc et au Maghreb : mélanges offerts en l'honneur du Professeur Hassan Ouazzani Chahdi, éd. Publisud, Paris, 2012
↑Yadh Ben Achour, « Violence et politique en islam », Lignes, vol. 25, no 2, , p. 159-173 (ISSN0988-5226, lire en ligne).
↑« Yadh Ben Achour : peut-on être croyant et démocrate ? », dans Abdou Filali-Ansary, Réformer l'islam ?, Paris, La Découverte, (ISBN978-2-707-13712-8, lire en ligne), p. 159-166.
↑Yadh Ben Achour, « La réforme des mentalités : Bourguiba et le redressement moral », dans Michel Camau [sous la dir. de], Tunisie au présent. Une modernité au-dessus de tout soupçon ?, Aix-en-Provence, Éditions du CNRS, (ISBN978-2-222-04053-8, lire en ligne), p. 145-159.
↑ a et bHédi Dhoukar, « Yadh Ben Achour : Politique, religion et droit dans le monde arabe, (collection Enjeux), 1993 », Hommes et Migrations, vol. 1169, no 1, (lire en ligne, consulté le ).
↑Yadh Ben Achour, « Yadh Ben Achour, Droit administratif », Revue internationale de droit comparé, vol. 35, no 3, , p. 641-643 (ISSN0035-3337, lire en ligne).
↑Hédi Dhoukar, « Yadh Ben Achour : Politique, religion et droit dans le monde arabe (collection Enjeux), 1993 », Hommes et Migrations, vol. 1169, no 1, , p. 57-59 (lire en ligne).
↑Benoît Bourgine, « Yadh Ben Achour, Aux fondements de l'orthodoxie sunnite (coll. Proche Orient), 2008 », Revue théologique de Louvain, vol. 41, no 4, , p. 604 (lire en ligne).
↑(ar) « كتاب “حركيّة المجتمع التونسي في عشرية الثورة” » [« Le livre Dynamisme de la société tunisienne pendant la décennie révolutionnaire »], sur academiccooperation-rosalux.org, (consulté le ).