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D'un ton souvent incongru, faussement désinvolte, le style de Chevillard se plaît à détourner les conventions linguistiques et à faire jaillir, de situations apparemment anodines ou anecdotiques, les événements les plus absurdes afin de mettre en question les fausses évidences sur lesquelles repose notre rapport au monde et aux choses. Depuis 1987, il a publié une quinzaine de romans aux Éditions de Minuit, dont Un fantôme (1995), Les Absences du capitaine Cook (2001), Oreille rouge (2005), Démolir Nisard (2006), Sans l'orang-outan (2007) et Choir (2010).
En marge de son travail romanesque, il a aussi publié trois volumes de textes brefs ainsi qu'un essai poétique inspiré par la peinture de Gaston Chaissac[4].
À partir d', il relève, dans les pages du Monde des livres, la tradition du « feuilleton » tombée en désuétude. Il interrompt sa collaboration en .
Depuis le , Éric Chevillard a ouvert un blog nommé L'Autofictif dans lequel il écrit quotidiennement trois petits billets ou fragments de 2 à 8 lignes. Le blog est présenté sous la forme d'un journal extime fait d'éclats de littérature. Chevillard utilise Internet comme une occasion de renouvellement de formes et non comme contrainte. Quelque chose entre le fictif et l'autofictionnel. Éric Chevillard a rapidement pris goût à cette forme d'intervention dans le deuxième monde que constitue l'internet et à « ces petites écritures libres de toute injonction ».
Dans l'autofictif, sorte d'autoportrait sans pour autant être une autobiographie, un personnage ne parlant pas l'anglais, mal adapté au monde, ne conduisant pas de voiture est dessiné par le je de l'autofiction. Cependant, Chevillard en tant qu'auteur se fait basculer, lui le Chevillard personnage à travers un univers fictif (celui de ses romans) où se rencontre toutefois le réel. Ses univers de fiction sont créés à partir de trois fondements : celui de la méfiance envers la langue, l'angle inédit du monde et sans le moindre préjugé. Éric Chevillard devient un personnage parmi ses personnages, car l'autofiction ne décrit que les contours de son auteur.
En janvier 2009, les éditions L'Arbre vengeur publient le premier volume de ce journal (L'Autofictif, -). En , un second volume, sous le titre L'Autofictif voit une loutre (-), puis un troisième volume en , sous le titre L'Autofictif père et fils (-). Ces livres reprennent sans modification les textes publiés une première fois en ligne qui sont alors effacés du blog. L'entreprise éditoriale se poursuit depuis plus de dix ans.
Éric Chevillard en dit ceci :
« Ces pages publiées ici sans retouches, parce qu'un livre sera toujours le terme logique de mes entreprises, pourront être lues comme la chronique nerveuse ou énervée d'une vie dans la tension particulière de chaque jour. »
Dans ce livre, l'univers de Chevillard est bien présent : confrontation de l'esprit logique à des réalités absurdes voire impossibles, la question de l'actualité, référence à une œuvre passée, ou encore réflexions sur l'écriture du monde littéraire de manière ironique, mais aussi par autodérision. Cette expérience lui est plaisante, car l'impact et la résonance de ses fragments, de ses aphorismes diffèrent selon qu'ils sont lus sur le blog ou dans le livre.
Une partie de ces « brèves » a été publiée dans le magazine indépendant Le Tigre.
Dans la zone d'activité, Dissonances, graphisme par Fanette Mellier, 2007 ; réédition : publie.net, 2008 ; Éditions Fata Morgana, dessins de Philippe Favier, 2014[5]
En 2011-2012, des élèves du Laboratoire d'expérimentations graphiques de l'école Estienne ont réalisé des créations d'après des textes extraits de Dans la zone d'activité. Les ouvrages ont été conçus à partir d'un extrait de texte et réalisés par un ou plusieurs élèves, qui expérimentaient la sérigraphie, la lithographie et la typographie au plomb[8]
Pierre Jourde, Empailler le toréador. L’incongru dans la littérature française, de Charles Nodier à Éric Chevillard, Paris, José Corti, coll. « Les Essais », 1999.
Dominique Viart, Pierre Bayard, Bruno Blanckeman et Tiphaine Samoyault, Pour Éric Chevillard, Paris, Éditions de Minuit, 2014.
Marc Daniel, Éric Chevillard. L’art de La Contre-Attaque, Paris, Éditions Le Manuscrit, coll. « L’Esprit des Lettres », 2014.
Olivier Bessard-Banquy, Pierre Jourde (dir.), Éric Chevillard dans tous ses états, Paris, Classiques Garnier, Coll. « Rencontres », n° 140, 2015.