Le petit Vieillard. – Ce n’est pas mal dessiné assurément ; mais si M. Guichard, que je crois un jeune homme, avait pu apprendre à dessiner chez M. David avec nous, il serait autrement élégant et correct. Tenez, si vous voulez voir le sentiment de notre école élevé à sa dernière puissance, voyez les Anges de Broc.
Le groupe fait quelque pas à gauche.
La Marquise. – Nous demandions tout à l’heure ce que signifiait la scène de M. Guichard ; c’est bien de ceci qu’on peut demander ce que cela veut dire.
Le Vieillard. – C’est Dieu, sous la figure de trois archanges : Gabriel, qui représente la prophétie ; Raphaël, qui représente la bienfaisance, et Michel la force. L’idée est très ingénieuse, comme vous voyez.
L’Homme aux lunettes. – Un peu trop subtile, pour être bien comprise.
L’Ultra-Romain. – La pensée ne me fait rien. Je vois en ces trois anges trois figures. Qu’ils marchent sur le terrain du paradis terrestre ou sur le tapis vert de Versailles, peu m’importe, ils sont sans pureté de forme, sans précision de silhouette, sans grandeur ; voila tout ce qui me frappe. Allez voir notre divin Raphaël !
Le Vieillard.- Monsieur est de l’école de Ingres, sans doute.
L’Ultra-Romain.- Mais, je m’en flatte.
Le Vieillard.- Oh ! alors il n’y a pas d’espoir de vous faire revenir.
L’Ultra-Romain.- Non, pas à propos de cette grande galette, toujours.
Le Vieillard- Un des plus beaux morceaux de l’école de David !
L’Ultra-Romain.- Tant pis pour elle.
Le Vieillard.- L’ouvrage d’un homme consciencieux qui le fait depuis dix ans peut-être.
(plus loin...)
Le petit Vieillard. – Mais, monsieur, savez-vous bien que Broc, dont vous traitez si cavalièrement une œuvre remarquable, a eu beaucoup de renommée ?
L’Ultra-romain. – J’irai chanter sous sa fenêtre : « Vous étiez ce que vous n’êtes plus ; vous n’étiez pas ce que vous êtes.
^Explication des ouvrages de peinture et de sculpture de l'école moderne de France dans le Musée Royal du Luxembourg destiné aux autistes vivants. (1828)