Adynomosaurus

Adynomosaurus arcanus

Adynomosaurus est un genre éteint de dinosaures Hadrosauridae, classé dans la sous-famille des Lambeosaurinae. Ses fossiles ont été découverts dans le nord-est de l’Espagne, dans les strates de la formation de Conques, datée du Maastrichtien inférieur (Crétacé supérieur), il y a environ 70 Ma. L’espèce type et seule espèce connue, Adynomosaurus arcanus, a été décrite et nommée en 2019 par Albert Prieto-Márquez (d), Víctor Fondevilla, Albert G. Sellés, Jonathan R. Wagner, et Ángel Galobart. L‘analyse phylogénétique conduite par ces auteurs a identifié Adynomosaurus comme un Lambeosaurinae basal exclu des tribus Parasaurolophini et Lambeosaurini, et formant une polytomie avec d’autres taxons basaux tels que Pararhabdodon, Tsintaosaurus, Canardia, Aralosaurus et Jaxartosaurus[1]. D’autres auteurs le classe dans le clade des Arenysaurini avec les autres Lambeosaurinae européens[2]. Adynomosaurus est le cinquième genre de Lambeosaurinae identifié en Europe et est le plus ancien d’entre eux[1]. Comme ces derniers, il vivait dans ce qui était à l’époque l'île Ibéro-Armoricaine, une terre émergée qui comprenait une grande partie de la France et de l’Espagne actuelle[3].

Étymologie

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Le nom de genre est un composé des mots Grecs adýnamos « faible », ómos « épaule », et sauros « lézard ». Il fait référence à la morphologie caractéristique de la lame scapulaire dont la partie postérieure est faiblement élargie chez cette espèce. L’épithète spécifique vient du Latin arcanus et signifie « secret » ou « occulte ». Il fait allusion à la difficulté de trouver des éléments squelettiques taxonomiquement informatifs chez cette espèce mais aussi chez les autres hadrosauridés de la partie sud-centrale des Pyrénées[1].

Reste fossile peut-être d'un Adynomosaurus arcanus
Reconstitution

Découverte

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Les fossiles d’Adynomosaurus proviennent du site de Costa de les Solanes, qui fut découvert en 2012 par un habitant du village de Basturs, près d’Isona i Conca Dellà dans la province de Lérida en Catalogne. En 2012 et 2013, des fouilles y ont été menées par des équipes de l’Institut Català de Paleontologia Miquel Crusafont et de l’Universidat Autònoma de Barcelona. 34 ossements d’Hadrosauridae ont ainsi été récupérés à la base d’une couche de mudstone gris riche en matière organique de la Formation de Conques. Tous les os ont été trouvés dans un seul horizon, désarticulés, mais présentant un certain degré d’association (par exemple, tibias, fémurs et éléments pelviens à proximité immédiate). Au moins deux individus (probablement immatures) sont présents dans l’échantillonnage sur la base de l’existence de deux tibias gauches. On ne sait pas quels os restants appartiennent à quel spécimen. Par conséquent, un seul os, la scapula gauche MCD 7125, a été sélectionné comme holotype pour Adynomosaurus arcanus car il présente les attributs diagnostiques de cette espèce. Les autres ossements découverts incluent un morceau de dentaire gauche ; un morceau de vertèbre cervicale ; trois centra de vertèbres sacrées fusionnées ; un centrum de vertèbre sacrée ; un centrum de vertèbre caudale antérieure ; une vertèbre moyenne de la queue ; une vertèbre caudale distale partielle ; un sternum gauche ; une côte partielle ; une extrémité distale d’un humérus gauche ; une extrémité proximale d’un radius gauche ; un fragment de processus acétabulaire d’un ilion droit ; une portion centrale d’un ilion gauche ; un ischion droit partiel ; un fémur gauche ; la diaphyse d’un autre fémur ; un fémur gauche partiel ; un tibia gauche ; un tibia droit partiel ; un tibia gauche partiel ; les extrémités supérieure et inférieure d’une fibula gauche ; un métatarsien III droit, et un morceau d’un métatarsien IV gauche[1].

Description

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Adynomosaurus est unique parmi les Hadrosauridae en ce qu’il possède une scapula avec une lame peu élargie distalement. La largeur maximale de l’extrémité distale de la lame scapulaire est en effet inférieure à 75 % de la largeur de l’extrémité proximale de la scapula (mesurée du bord dorsal du processus de l’acromion à l’apex ventral de la cavité glénoïde). Une lame scapulaire plus étroite implique une surface d’attache plus petite pour les muscles Musculus deltoideus scapularis et Musculus subscapularis. Le premier muscle tire l’humérus vers le haut, l’extérieur et l’arrière ; le second vers le haut, l’intérieur et l’arrière. Ces deux muscles étaient donc moins forts (et la poussée du membre antérieur moins puissante) que ceux des autres hadrosauridés. Selon Prieto-Márquez et des collègues, il ne s'agit pas d'un caractère juvénile, car chez les hadrosaures il a été démontré que les jeunes présentaient des lames scapulaires aux proportions similaires à celles des adultes[1].

Les autres ossement montrent peu de caractères distinctifs. La mâchoire inférieure, dont il manque l’extrémité antérieure, une partie du processus coronoïde, et la quasi-totalité de la batterie dentaire, montre au moins trente positions alvéolaires. Les alvéoles de la moitié antérieure de la batterie dentaire sont légèrement inclinées vers l’arrière comme chez le dentaire de Les Llaus (qui constituait autrefois l’holotype du genre douteux Koutalisaurus), tandis que celles de la moitié postérieure sont verticales (comme c’est le cas chez toutes les alvéoles dentaires d’Arenysaurus et Blasisaurus). Quelques fragments de dents, conservées en section longitudinale, indiquent qu’elles étaient trois fois plus hautes que larges. Un ratio similaire, compris entre 2,8 et 3,3, est commun à de nombreux hadrosaures mais inférieur à celui d’Arenysausus et Blasisaurus chez lesquels il est supérieur à 3,3. Le lambéosauriné du site voisin de Basturs Poble, d’âge similaire avec Adynomosaurus, diffère par ses dents plus larges (ratio 2,6 à 2,7). Les vertèbres et les os des membres d’Adynomosaurus présentent une structure générale d’hadrosauridé, sans aucune particularité. L’ilion d’Adynomosaurus présente toutefois une crête supraacétabulaire asymétrique en forme de V s’étendant ventralement pour chevaucher une partie de la tubérosité ischiatique. Ce caractère est également présent chez les Lambeosaurinae Parasaurolophus cyrtocristatus, Hypacrosaurus altispinus, Magnapaulia et Tsintaosaurus[1].

Phylogénie

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Selon l‘analyse phylogénétique réalisée par Prieto-Márquez et des collègues, Adynomosaurus occupe une position basale au sein des Lambeosaurinae et forme une polytomie non résolue avec Aralosaurus, Canardia, Jaxartosaurus, Tsintaosaurus, Pararhabdodon et les tribus Parasaurolophini + Lambeosaurini[1]. Une classification très différente a été proposée en 2021 par Nicholas Longrich et des collègues, lesquels placent Adynomosaurus et tous les autres Lambeosaurinae européens dans le nouveau clade des Arenysaurini[2]


Ci-dessous le cladogramme proposé par Longrich et al. en 2021[2] :

Hadrosauridae

Saurolophinae


Lambeosaurinae

Aralosaurus




Jaxartosaurus




Nipponosaurus




Tsintaosaurus



Arenysaurini


Arenysaurus



Pararhabdodon





Koutalisaurus





Lambéosauriné de Basturs Poble



Canardia





Adynomosaurus




Lambéosauriné de Serrat del Rostiar




Blasisaurus



Ajnabia










Parasaurolophini



Lambeosaurini









Paléoécologie et datation

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Les fossiles d'Adynomosaurus proviennent de mudstones gris riches en matière organique associés à un corps de grès à grains fins. Ces sédiments suggèrent un environnement de dépôt correspondant à une zone d’eau stagnante, probablement le méandre abandonné d’une rivière. Des données magnétostratigraphiques ont placé le site de Costa de les Solanes dans le magnétochron C31r, lequel correspond à la partie supérieure du Maastrichtien inférieur, il y a environ 70 millions d’années. Ce site est donc plus ancien que les autres localités à hadrosaures du synclinal de Tremp, tels les gisements de Sant Romà d’Abella (d’où provient Pararhabdodon), et ceux de Blasi 1 et Blasi 3 (d’où proviennent respectivement Blasisaurus et Arenysaurus), qui sont toutes datées du Maastrichtien supérieur. Il est également plus ancien que le site de Fontllonga R du synclinal d’Àger (d’où provient l’Hadrosauroidea basal Fylax) qui est lui aussi daté du Maastrichtien supérieur[4]. Le site de Costa de les Solanes est en revanche (sub)contemporain d'autres localités de la formation de Conques comme Serrat del Rostiar 1, Basturs Poble, et El Nerets qui ont livré des Lambeosaurinae indéterminés[1]. D'autres dinosaures de la formation de Conques sont représentés par le Rhabdodontidae Pareisactus du site de Basturs Poble[5], et le titanosaure Abditosaurus du gisement d'Orcau-1[6].

Paléobiogéographie

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Adynomosaurus vivait sur l’île Ibéro-Armoricaine, une terre émergée qui comprenait une grande partie de la France et de l’Espagne[3]. Adynomosaurus et les spécimens des sites de Serrat del Rostiar 1[7],[1], Basturs Poble[8], et El Nerets[9], sont les plus anciens hadrosaures Lambeosaurinae connus en Europe avec un âge Maastrichtien inférieur. Ces gisements sont environ 3,85 millions d’années plus vieux que les sites du Maastrichtien supérieur ayant livré les autres Lambeosaurinae Ibéro-Armoricains (Pararhabdodon, Arenysaurus, Blasisaurus, et Canardia)[1]. Les scénarios paléobiogéographiques proposés dans les études précédentes suggéraient que les Lambeosaurinae étaient des immigrants arrivés sur l’île Ibéro-Armoricaine soit à la fin du Maastrichtien inférieur, soit au cours du Maastrichtien supérieur[7],[3]. La découverte d’Adynomosaurus s’ajoute aux découvertes faites dans d’autres sites espagnols qui confirme l’arrivée des Lambeosaurinae sur cette île durant la première partie du Maastrichtien[8],[1],[9].

Liens externes

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Notes et références

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Références

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  1. a b c d e f g h i j et k (en) A. Prieto-Marquez, V. Fondevila, A.G. Sellés, J.R. Wagner et A. Galobart, « Adynomosaurus arcanus, a new lambeosaurine dinosaur from the Late Cretaceous Ibero-Armorican Island of the European Archipelago », Cretaceous Research, vol. 96,‎ , p. 19-37 (DOI 10.1016/j.cretres.2018.12.002)
  2. a b et c (en) N.R. Longrich, X. Pereda Suberbiola, R.A. Pyron et N-E. Jalil, « The first duckbill dinosaur (Hadrosauridae : Lambeosaurinae) from Africa and the role of oceanic dispersal in dinosaur biogeography », Cretaceous Research, vol. 120,‎ , p. 104678 (DOI 10.1016/j.cretres.2020.104678)
  3. a b et c (en) Z. Csiki-Sava, E. Buffetaut, A. Ősi, X. Pereda-Suberbiola et S.L. Brusatte, « Island life in the Cretaceous-faunal composition, biostratigraphy, evolution, and extinction of land-living vertebrates on the Late Cretaceous European archipelago », ZooKeys, vol. 469,‎ , p. 1-161 (DOI 10.3897/zookeys.469.8439, lire en ligne)
  4. (en) A. Prieto-Márquez et M.Á. Carrera Farias, « A new late-surviving early diverging Ibero-Armorican duck-billed dinosaur and the role of the Late Cretaceous European Archipelago in hadrosauroid biogeography », Acta Paleontologica Polonica, vol. 66(2),‎ , p. 425-435 (DOI 10.4202/app.00821.2020)
  5. (en) J. Páraga et A. Prieto-Márquez, « Pareisactus evrostos, a new basal iguanodontian (Dinosauria: Ornithopoda) from the Upper Cretaceous of southwestern Europe », Zootaxa, vol. 4555, no 2,‎ , p. 247-258 (DOI 10.11646/zootaxa.4555.2.5)
  6. (en) B. Villa, A. Sellés, M. Moreno-Azanza, N.L. Razzolini, A. Gil-Delgadot, J.I. Canudo et A. Galobart, « A titanosaurian sauropod with Gondwanan affinities in the latest Cretaceous of Europe », Nature Ecology & Evolution, vol. 6,‎ , p. 288-296 (DOI 10.1038/s41559-021-01651-5)
  7. a et b (en) A. Prieto-Marquez, F.M. Dalla Vecchia, R. Gaete et A. Galobart, « Diversity, relationships, and biogeography of the lambeosaurine dinosaurs from the European Archipelago, with description of the new aralosaurin Canardia garonnensis », PLOS ONE, vol. 8(7),‎ , e69835 (PMID 23922815, PMCID 3724916, DOI 10.1371/journal.pone.0069835)
  8. a et b (en) V. Fondevilla, F.M. Dalla Vecchia, R. Gaete, À. Galobart, B. Moncunill-Solé et M. Köhler, « Ontogeny and taxonomy of the hadrosaur (Dinosauria, Ornithopoda) remains from Basturs Poble bonebed (late early Maastrichtian, tremp Syncline, Spain) », PLos ONE, vol. 13(10): e0206287,‎ , p. 1-33 (DOI 10.1371/journal.pone.0206287)
  9. a et b (en) S. Conti, B. Villa, A.G. Sellés, A. Galobart, M.J. Benton et A. Prieto-Marquez, « The oldest lambeosaurine dinosaur from Europe: insights into the arrival of Tsintaosaurini », Cretaceous Research, vol. 107,‎ , p. 104286 (DOI 10.1016/j.cretres.2019.104286)