Amélie Castéra joue au tennis à haut niveau dès sa prime adolescence[12]. À 10 ans, elle est repérée par François Jauffret, directeur technique national, qui lance un système de formation sur-mesure confié à Jean-Luc Cotard, au stade Roland-Garros[12], avec scolarité aménagée, au lycée Victor-Duruy puis au lycée Jean-de-La-Fontaine. Son père, énarque, était capable d'« annuler un déjeuner pour venir la voir à l'entraînement à Roland-Garros »[3]. Elle s'illustre dans la catégorie des moins de quatorze ans en gagnant l'Orange Bowl en 1992. Chez les juniors, elle est demi-finaliste lors de l'US Open 1993, puis en 1994 à Roland-Garros et à Wimbledon. Elle détient également trois titres de championne de France dans les catégories jeunes[13].
Battue au troisième tour des qualifications de Roland-Garros en 1993, elle reçoit une invitation pour le tableau principal de l'édition suivante, s'inclinant au 1er tour face à la Belge Sabine Appelmans, 17e mondiale[12]. En , elle atteint son meilleur classement en simple en se hissant à la 251e place mondiale[3]. Elle met prématurément un terme à sa carrière sportive en , après avoir perdu un match de double en junior à Roland-Garros, avec Amélie Mauresmo comme partenaire[14].
Au milieu des années 2000, elle est repérée par Daniel Bouton, PDG de la Société générale (auquel son mari succédera en 2009)[22]. Par la suite : elle quitte alors la Cour des comptes pour rejoindre Henri de Castries, baron du capitalisme français des années 2000 et patron emblématique du groupe Axa[20],[23]. Elle est directrice marketing puis digital d'Axa France à partir de 2008[20],[2], tout en ayant été nommée en 2009 au conseil d'administration du Centre national pour le développement du sport[24],[20].
À la direction d'AXA, elle est aussi membre du conseil d'administration de Plastic Omnium à partir de 2014 et de la société d'investissement Eurazeo en 2018[25],[26],[27]. Elle est rémunérée 50 000 euros par Plastic Omnium en 2021 pour sa présence à huit réunions, puis 20 000 euros en 2022 pour trois réunions, parallèlement aux 500 000 euros perçus annuellement de la FFT[28].
Parallèlement, elle restera fonctionnaire en disponibilité, membre du corps des magistrats de la Cour des comptes, jusqu’à sa démission le [29][source secondaire nécessaire].
En 2018, elle cofonde[30] l'association « Rénovons le sport français »[31] et le futur premier ministre Jean Castex lui propose la direction de l'Agence nationale du sport, qu'il préside[20], mais elle décline[32],[33], préférant devenir administratrice et directrice e-commerce, data et transformation digitale du groupe d'hypermarchés Carrefour[34]. Sa rémunération y est de 1,4 million d'euros par an[35]. Elle y est recrutée par Alexandre Bompard[23], « le chouchou de l'establishment »[23], qui vante sa « culture du haut niveau, où la passion se vit avec l'exigence du résultat »[23].
Élu président en , Gilles Moretton la nomme le mois suivant directrice générale, en remplacement de Jean-François Vilotte[1],[36] même si elle a refusé cinq fois[3]. Il l'autorise à relever la rémunération de ce poste, à 35 000 euros nets par mois[37].
En , son nom circule pour entrer au gouvernement, comme ministre des Sports[39],[40] puis de nouveau en 2018, en remplacement de Laura Flessel[41]. Il réapparaît en 2022 après la réélection d'Emmanuel Macron[42],[43].
Les syndicats dénoncent le cumul de portefeuilles ministériels très importants, nécessitant, selon eux, chacun un ministre à temps plein[51].
Les polémiques autour de ses propos sur l’école publique et son conflit d'intérêts vis-à-vis du collège Stanislas la font chuter à la dernière place des personnalités politiques dans le baromètre mensuel Ipsos, avec seulement 6 % d'opinions favorables dans un sondage ayant eu lieu peu après sa nomination, du au [52]. Le , sous le feu de nombreuses critiques depuis sa nomination, elle accuse ses détracteurs de faire d'elle « le symbole d'une caste privilégiée à abattre »[53].
Ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques
Lors du remaniement ministériel du , elle perd le ministère de l'Éducation nationale mais conserve son portefeuille précédent[54] aux sports. Elle se fait remarquer en pour avoir envoyé une lettre à des sénateurs en les félicitant de leurs réélections, les confondant avec les députés[55].
En 2022, après les incidents et nombreux heurts au Stade de France en marge de la finale de la Ligue des champions, la gestion de l’événement par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et Amélie Oudéa-Castéra est mise en cause. La ministre des Sports attribue alors le problème à un très grand nombre de supporters venus sans billet, 30 000 à 40 000 selon elle[56], puis s'excuse pour ce chiffre disproportionné[57]. Le club de Liverpool demande notamment des explications aux autorités françaises[58],[59]. La presse anglaise voit dans cette thèse d'une fraude massive, une tentative maladroite « d'exonérer les autorités françaises d'une quelconque responsabilité dans le fiasco »[59]. Les ministres sont notamment visés par des banderoles des supporters de Liverpool pendant des matchs les traitant de « menteurs » pour une succession de commentaires sur ces derniers, après le fiasco[60],[61]. Le Liverpool Echo relève qu'Amélie Oudéa-Castera continue de « colporter le récit » d'un chaos provoqué par « les fans des Reds munis de faux tickets »[58]. Un an après, elle répond qu'elle n'a « jamais menti » au sens où elle ne s'est « jamais écartée des informations » dont elle disposait[62].
Rémunération et dysfonctionnements à la Fédération française de tennis
Élu président de la Fédération française de tennis (FFT) le , Gilles Moretton nomme dans la foulée, Amélie Oudéa-Castera au poste de directrice générale. Celle-ci avait appuyé sa candidature, et se sert de ce poste comme « tremplin » pour être nommée ministre un an après[63]. Le , Mediapart révèle qu'elle a perçu plus de 35 000 euros nets par mois à ce poste, ce qui apparait alors comme un montant excessif au regard des capacités de l’organisation[64]. Un décret du [65] la prive de tutelle sur la FFT, désormais placée sous l’autorité directe d'Élisabeth Borne[63].
Le , devant une commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements dans le sport, Gilles Moretton, par ailleurs visé par une enquête préliminaire du Parquet national financier pour « corruption » et « détournement de biens publics », a faussement indiqué devant les parlementaires qu'Amélie Oudéa-Castera a touché une rémunération « pas très éloignée » de celle de son prédécesseur Jean-François Vilotte[66]. Dans cette même audition, lorsqu’il est question de son salaire annuel de 500 000 euros, en tant que directrice générale de la Fédération française de tennis, elle déclare : « si je rapporte ma rémunération actuelle au volume d’heures que chaque semaine je m’enfourne, en bossant jour, nuit, week-ends, je ne suis pas bien payée »[67].
Interrogée le , la ministre explique à la même commission d'enquête avoir divisé par trois son salaire en passant de Carrefour à la FFT[68] et qu'« il n’y a pas d'argent du contribuable derrière [ma] rémunération », avant de reconnaître quelques heures plus tard, dans un courrier correctif adressé à la même commission que la FFT touchait bien des subventions publiques[69]. Le Monde souligne qu'elle venait de « tordre les faits » lors de son audition[69] et rappelle que son prédécesseur, Jean-François Vilotte (2018-2021), recevait 86 000E de moins par an, un salaire déjà estimé excessif[69],[70],[66]
Le comité d'éthique de la FFT « retient des griefs graves contre » sa direction[71] et de « nombreux conflits d'intérêts »[71]. Le comité social et économique (CSE) a lui lancé une alerte après deux signalements pour harcèlement moral visant la directrice générale[71]. Une dizaine de témoignages de salariés et d’élus de la FFT « décrivent une crise sociale majeure » depuis l’arrivée du duo Moretton-Oudéa, avec 110 départs, plus du quart des effectifs, en peu de temps[71],[63]. « Tout le monde a peur » et certains « font semblant d’aller bien pour ne pas risquer de perdre leur poste, car ils savent qu’ils peuvent être mis dehors en dix minutes », résume un cadre dans Le Monde[63].
Le , alors qu'Emmanuel Macron a pris la veille sa défense en conférence de presse[78], elle plaide la « bonne foi »[79], que Libération analyse comme une minimisation des faits[80]. Mediapart l'accuse même d'y avoir menti[81], car elle affirme que le rapport d'inspection sur Stanislas mentionne un seul cas d'homophobie[73]. Le rapport recense plusieurs cas de discours homophobes et sexistes de catéchistes[76] auxquels se sont ajoutées des humiliations visant une victime d'une agression sexuelle commise en dehors de l'établissement[76], ou encore des livrets de catéchèse écrivant que « l'avortement signifie […] toujours tuer volontairement une personne humaine innocente »[76]. De son côté, le chef d'établissement menace de « réagir devant la justice face à des accusations mensongères et diffamatoires »[82]. La Mairie de Paris suspend le son financement « obligatoire » de 1,3 million d'euros à Stanislas[83]. Des documents de 2011 attestant de cours homophobes sur l’homosexualité devant des classes de 1re, « disponibles sur le site de l’école jusqu’en 2013 » sont par la suite publiés dans la presse[b],[80].
Le , Mediapart dévoile qu'un certain nombre d'élèves de Stanislas, dont le fils aîné d'Amélie Oudéa-Castéra, ont bénéficié d'un système de cooptation leur permettant d'intégrer la classe préparatoire économique et commerciale de Stanislas en contournant le dispositif national public de Parcoursup[84] puis que la ministre a fait le choix de classes non mixtes[85], devenues très rares en France, existant seulement dans 0,07 % des 59 000 écoles[86],[87], alors que le Code de l’éducation donne mission à tous les établissements, publics comme privés, de « favoriser la mixité et l’égalité hommes-femmes »[85]. La ministre s'en défend, par la voix de la porte-parole du gouvernementPrisca Thevenot, en expliquant qu'il s'agit d'un souhait de ses enfants[88].
Le , Amélie Oudéa-Castéra justifie le choix de la scolarisation de ses trois fils dans l'école privée Stanislas en évoquant l'expérience de son aîné à l'école publique Littré où elle aurait observé des absences notables de professeurs[89],[90],[91], déclenchant une polémique nationale sur la concurrence entre enseignement public et privé, et le manque de mixité sociale à l'école[92],[93]. Libération révèle par la suite que l'aîné de la ministre n'a été que six mois à l'école Littré, en petite section de maternelle, son institutrice affirme par ailleurs n'y avoir jamais été absente[91] et plusieurs parents d'élèves de l'époque, sans lien avec la ministre, dont le reporter Nicolas Poincaré[94], confirment qu'il n'y a jamais eu d'absences non remplacées dans cette école[91]. Le motif réel du passage au privé se révèle être le refus de l'établissement de lui faire sauter une classe[95],[96],[91],[97]. La ministre maintient d'abord sa version[98] tout en regrettant ses propos, puis reconnaît que les statistiques du rectorat et la parole de cette enseignante lui « donnent tort »[79]. Elle visite alors cette école Littré, où elle présente ses excuses aux enseignants mais est « copieusement sifflée »[99],[100].
Estimant ses propos provocateurs[101], les syndicats d'enseignants dénoncent « une déstabilisation » et un « mépris » de l'école publique[102] et l'un d'eux, le Syndicat national des agents publics de l'Éducation nationale (SNAPEN)[103], porte plainte en diffamation« pour ses propos sur l'enseignement public »[104], mais celle-ci est classée sans suite[105]. Les oppositions l'accusent de mentir, et réclament sa démission[106],[107],[108],[109],[110],[111]. En réponse, plusieurs membres du gouvernement Attal prennent sa défense[112],[113] et une cinquantaine de dirigeants du monde sportif lui apportent également leur soutien dans une lettre ouverte publiée sur le site de La Tribune[114],[115].
Le , dans une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, interrogée sur les fermetures de classes en zone rurale, Amélie Oudéa-Castéra intègre dans son argumentation que « si le nombre d'enfants est trop réduit pour une classe donnée c'est toute l'émulation qui est remise en cause »[116].
Amie d'enfance membre du conseil d'administration de la Société générale
Selon Mediapart, lorsqu'elle était ministre des Sports, elle s'est impliquée activement pour appuyer l'école privée Diagonale, qui accueille parmi ses élèves des jeunes sportifs (de la primaire à la classe préparatoire) avec des frais de scolarité allant de 4 900 à 6 900 euros l'année. Contre l'avis des services spécialisés de l'Éducation nationale, elle a soutenu de façon répétée en 2023 les démarches de passage de cette école au statut sous contrat[118].
↑On y entend par exemple que « le désir homosexuel est le désir de viol », « les cercles lesbiens, c’est des harpies » ou « 80 % des personnes homos, c’est pas très profond, c’est plutôt une mode ».
↑ a et bDan Israel, Martine Orange, Anton Rouget et Mathias Thépot, « Le couple Oudéa-Castéra, parangon des élites françaises », Mediapart, 15 janvier 2024.
↑ abcd et eNicolas Lepeltier, « Amélie Oudéa-Castéra, une proche de Macron au ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑« Comment Amélie Oudéa-Castéra s’est immiscée dans une inspection indépendante à la Fédération française de football », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )