Le mot anglophobie vient d'anglo et du suffixe grec phobe (phobos signifiant peur, effroi). Il désigne la détestation, réelle ou présumée, pour tout ce qui est anglais ou britannique, voire anglo-saxon.
Elle n'est pas une simple critique ponctuelle de l'Anglais mais est une critique générale de ce qui est anglais. L'anglophobie s'apparente à une ethnophobie dans la mesure où elle considère l'Anglais comme appartenant à une ethnie anglaise ou anglo-saxonne. Elle s'oppose à l'anglophilie. Dans la mesure où il s'agit d'une généralisation péjorative employée à l'encontre de, et au détriment d'un individu, il peut s'agir d'une forme de racisme.
Le terme anglophobe désigne parfois, en informatique, le refus de l'emploi de néologismes anglais.
Il existe au moins deux types d'anglophobie : une politique et économique.
Il y a d'abord l'anglophobie politique des colonies et des anciennes possessions britanniques contre leur métropole. Très tôt, les Irlandais se distinguent par leur anglophobie pour obtenir leur indépendance. De même, aux États-Unis, les Américains se montrent très anglophobes. Au XIXe, après l'indépendance, cette anglophobie devient plus économique que politique dans le cadre d'une rivalité commerciale.
Il y a aussi l'anglophobie politique et économique des états européens voisins. Au nationalisme des États s’ajoute la concurrence pour obtenir de nouveaux acquis. Au cours des XIXe et XXe siècles, elle atteint des sommets dans la presse en Europe (Allemagne, France), sur fond de rivalités coloniales ou commerciales. En 1859, dans Quelques mots sur la non-intervention, John Stuart Mill met en garde ses compatriotes contre toute déclaration ou acte de politique étrangère qui tendrait à renforcer les préjugés des Européens percevant l'Angleterre comme une nation égoïste[1].
L'anglophobie en France comporte plusieurs degrés qui vont de la haine à la réaction spontanée[2]. Parfois exprimée à travers l'utilisation du terme « perfide Albion », elle est avant tout le résultat de l’antagonisme historique et des conflits d'intérêts avec l’Angleterre à travers les siècles dont les jalons principaux sont :
Bien que parfois de longue date, certains épisodes de ces conflits restent vivaces dans la mémoire collective française.
L'hostilité des Français à l’égard de leurs voisins d’Outre-Manche, contrairement à une traditionnelle francophobie britannique, se nourrit également d’éléments plus contemporains :
Hormis les situations conflictuelles en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, ou à l'occasion de débats dans le cadre de l'Union européenne, elle ne se trouve plus aujourd'hui qu'à l'état résiduel dans le monde, dans d'anciennes colonies, comme l'Inde, l'Égypte ou le Canada, voire dans le domaine sportif. Cette aversion a aujourd'hui perdu de sa spécificité face à l'effacement du Royaume-Uni, et est relayée par l'antiaméricanisme.
L'anglophobie en Argentine s'explique principalement par le conflit des îles Malouines et la guerre des Malouines en 1982 avec le Royaume-Uni. En conséquence, les protestations anti-anglais et des actes de vandalisme éclatèrent[8],[9].
Depuis l'époque de l'empire espagnol, les guerres contre le Royaume-Uni ont été fréquentes. Le terme perfide Albion est utilisé par les Espagnols en référence à l'Angleterre. La question de l'enclave de Gibraltar prise par les Anglais en 1704 et que l'Espagne demande, est une cause majeure de dissension dans les relations hispano-britanniques.
L'anglophobie a été décrite comme "profondément ancrée dans la culture iranienne"[10], et est signalée comme de plus en plus répandue en Iran. En , un conseiller de l'ayatollah Ali Khamenei a appelé le Royaume-Uni "pire que l'Amérique" pour sa prétendue ingérence dans les affaires post-électorales de l'Iran. Dans la première moitié du XXe siècle, l'Empire britannique a exercé une influence politique sur l'Iran (Perse) afin de contrôler les profits importants de la Anglo-Persian Oil Company. De plus l'influence anglaise a été largement connue pour avoir été à l'origine du renversement de la dynastie Qajar dans les années 1920, l'au trône de Reza Shah Pahlavi, et le coup d'État réussi pour renverser le Premier ministre Mohammad Mossadegh en 1953[11],[12],[13].
En Israël, l'anglophobie s'explique historiquement par la politique britannique à l'époque du mandat britannique, et dans les temps modernes par la position de la presse britannique perçue comme anti-Israël [14],[15],[16],[17].
L'anglophobie est évidente dans les grands médias d'Israël. Les responsables israéliens et les médias ont systématiquement tenté de prétendre que le Royaume-Uni est « antisémite »[17]. En 2010, un des principaux journaux d'Israël, Haaretz a affirmé que le Royaume-Uni était "antisémite" et a précisé que la Grande-Bretagne "n'avait pas un si beau patrimoine"[18]. Haaretz accuse "les Anglais" de contrôler l'Écosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord, et le journal rappelle que la Grande-Bretagne occupe toujours une partie de l'"île d'Irlande"[18]. Haaretz affirme enfin que la Grande-Bretagne est un excellent exemple de "l'hypocrisie européenne" au sujet d'Israël après avoir évoqué certains de ses "actes honteux"[18].
Michael Ben-Ari (un membre du parlement israélien) a qualifié les Britanniques de "chiens" et il a accusé la Grande-Bretagne d’être "antisémite"[19]. En effet à la suite de la décision du gouvernement du Royaume-Uni d'expulser un diplomate israélien à cause du vol et de l’utilisation frauduleuse de passeports britanniques lors de l’assassinat d’un militant palestinien à Dubaï, Aryeh Eldad (un autre membre du parlement israélien) a été cité comme disant: "Je pense que les Britanniques se comportent hypocritement et je ne veux pas offenser les chiens sur cette question, car certains chiens sont tout à fait fidèles"[20].
Dans la province canadienne du Québec, l'anglophobie par la population québécoise après la conquête de la Nouvelle-France par le Royaume-Uni en 1760 a une longue tradition. Au Québec, la population francophone est majoritaire et le français est la langue officielle. Le contexte historique, la menace de la population anglo-canadienne et de la langue anglaise, a donné lieu à l'anglophobie et a entraîné un fort mouvement sécessionniste au Canada pour l'indépendance du Québec.
Dans les romans de Jules Verne, L'Île mystérieuse et Vingt mille lieues sous les mers, le capitaine Nemo voue une haine féroce à une nation ressemblant fortement à la Grande-Bretagne, pour des motifs liés à l'histoire coloniale de ce pays.