De son véritable nom Jean Desvignes, Antoine Volodine est le fils de l'écrivaine Lucette Desvignes[1]. Il serait né, selon les sources, en 1950 à Chalon-sur-Saône[2] ou en 1949 à Lyon[3]. Après des études de lettres, il enseigne le russe pendant quinze ans et se consacre à l'écriture et à la traduction à partir de 1987. Il rejoint le groupe Limite en 1986 et participe au recueil collectif Malgré le monde en 1987 ; puis il commence à publier des romans dans la collection « Présence du futur » des éditions Denoël, tout en déclarant que ses livres n’appartiennent pas au registre de la science-fiction. Il publiera ensuite aux éditions de Minuit, puis chez Gallimard et au Seuil.
Dès ses premiers livres, il construit avec constance un édifice romanesque à plusieurs voix qu'il nomme « post-exotisme ». Il se place délibérément à l'écart des courants littéraires contemporains et se réclame à la fois du réalisme magique et d'une littérature internationaliste, engagée, où se croisent l'onirisme et la politique. Les thèmes de ses ouvrages sont marqués par une réflexion sur l'histoire du XXe siècle, sur les génocides et l'échec des révolutions. Dans un décor souvent ruiniforme ou carcéral, les personnages sont des rescapés hantés par le passé, cherchant à fuir leur misère affective en inventant des univers féeriques ou des espaces parallèles. Profondément attiré par les cultures asiatiques, et en particulier par le chamanisme et le bouddhisme, Antoine Volodine met volontiers en scène des hommes et des femmes qui errent dans le monde d'après la mort, dans le Bardo tibétain du Bardo Thödol, ou voyagent de rêve en rêve, à la recherche de l'âme sœur ou d'un territoire utopique.
L’originalité des écrits d’Antoine Volodine a souvent conduit la critique à le présenter comme inclassable. La catégorie littéraire nouvelle dont il se réclame, le « post-exotisme », permet toutefois d’aborder son œuvre sans se perdre dans des systèmes de classifications intenables. Ce terme, qui à l’origine se voulait une simple marque d’indépendance, correspond bien aujourd’hui à un projet concret : donner à lire « une littérature étrangère écrite en français », « une littérature de l’ailleurs qui va vers l’ailleurs ».
Antoine Volodine a signé une quinzaine de livres et s’est présenté comme « porte-parole » du post-exotisme et de ses « divers » écrivains. En effet, à la fin des années 1990, d’autres signatures sont venues s’ajouter à celle d’Antoine Volodine. Plusieurs — parmi celles qui sont citées dans Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, — ont publié des livres : Elli Kronauer et Manuela Draeger à l'École des Loisirs[4] et, en , Lutz Bassmann[5] aux éditions Verdier. Mais, à la façon de Fernando Pessoa, quoiqu'avec cette différence essentielle qu'est la collectivisation, absente du modèle lusitanien[6], il s'agit là d'une série d'hétéronymes, sous lesquels se cache un seul et même écrivain, d'abord connu sous le pseudonyme d'Antoine Volodine[7].
Volodine a également traduit du russe des œuvres des frères Strougatski, d'Alexandre Ikonnikov (Dernières nouvelles du bourbier et Lizka et ses hommes, éditions L'Olivier, respectivement en 2003 et 2004), de Victoria Tokareva, et de Maria Soudaïeva[8](Slogans, L’Olivier, 2004).
En 2022, il introduit une nouvelle signature avec Débrouille-toi avec ton violeur d'Infernus Iohannes (L'Olivier)[9], première signature collective, qui rassemble ici Miaki Ono, Molly Hurricane et Maria Soudaieva[10]. C'est sous cette signature collective que paraîtra l'ultime ouvrage du post-exotisme, Retour au goudron, composé de 343 brochures[11]. Un extrait de cet ouvrage à paraître est publié la même année par La Marelle[12].
En 2024, il publie son dernier récit sous le nom d'Antoine Volodine, Vivre dans le feu (Seuil)[13] et contribue sous ce même nom à un ouvrage collectif publié aux éditions La Fabrique, intitulé Contre la littérature politique, aux côtés de Nathalie Quintane, Tanguy Viel, Pierre Alferi, Leslie Kaplan et Louisa Yousfi[14].
Victoria Tokareva, Happy end, Paris, Flammarion, « Le vingtième siècle russe et soviétique », 1996.
Alexandre Ikonnikov, Dernières nouvelles du bourbier, traduit du russe par Antoine Volodine et de l'allemand par Dominique Petit, Paris, L’Olivier, 2003.
En 2009, David Girondin Moab et sa compagnie Pseudonymo créent le spectacle Glouchenko, adapté de Bardo or not Bardo, au Salmanazar d'Épernay où il est alors artiste associé, la pièce est jouée en Avignon la même année à la caserne des pompiers.
Joris Mathieu et sa Compagnie Haut et Court[20] ont créé un triptyque autour Des anges mineurs[21] au Théâtre de Vénissieux[22] où ils étaient artistes associés entre 2007 et 2009. La pièce est rejouée en 2010.
En 2008, Charles Tordjman monte Slogans[23] d'après la traduction du livre de Maria Soudaïeva et Vociférations[24], texte écrit par Volodine durant cette même traduction.
En 2009-2010, toujours Joris Mathieu et sa Compagnie Haut et Court : Le Bardo, installations visuelles et théâtrales.
En 2009-2010, Keti Irubetagoyena monte une adaptation de Haïkus de prison de Lutz Bassmann. La pièce est notamment jouée au CENTQUATRE lors de la Nuit Blanche 2009.
En 2014, Keti Irubetagoyena et le Théâtre Variable n°2[25] montent Ordonne tes restes, un montage de plusieurs textes signés Antoine Volodine, Lutz Bassmann et Maria Soudaïeva.
En 2019, Guillaume Lecamus, Kristina Dementeva et Éric Brochard, de la compagnie Morbus théâtre, font de Balbutiar XI, tiré de Nos animaux préférés, un concert théâtral.
En 2019, Joris Mathieu et sa compagnie Haut et Court montent au TNG à Lyon Frères Sorcières.
Denis Frajerman, Les Suites Volodine, CD, 1998 (Noise Museum/Naïve)
Denis Frajerman, Des Anges Mineurs, oratorio post-exotique, 2000 (La Cigale - Paris)
Antoine Volodine / Denis Frajerman, Vociférations[26], cantopéra, 2004, Ateliers de Création Radiophonique (ACR / France Culture), création de la version de concert au Lieu Unique, scène nationale de Nantes (2004).
Denis Frajerman, Herbes et golems, Psych. KG, 2018[27]
↑Ruffel, dans Volodine post-exotique (p. 278-279) compare l'hétéronymie de Volodine à celle de Pessoa.
↑Comme l'a expliqué son éditeur David Ruffel au micro des Mardis littéraires, le 20 mai 2008. À propos de ce premier pseudonyme, l'auteur a déclaré, dans un entretien radiophonique avec V. Richter à l'occasion du Salon du livre pragois 2007, l'avoir forgé à partir d'une double référence à Lénine et Maïakovski (tous deux prénommés Vladimir, dont un diminutif est Volodia), chiffrant ainsi « la liaison du politique et du poétique ».
↑Si Antoine Volodine n'a jamais remis en cause les hétéronymes cités ci-dessus, il a toujours affirmé aux journalistes que Maria Soudaïeva avait bel et bien existé, clôturant même tout entretien avec un journaliste affirmant le contraire (http://remue.net/spip.php?article2623 et aussi dans l'article Slogan de Katrine D, dans le Matricule des anges, no 57, octobre 2004 http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=20459).
Anaïs Oléron, L'ambiguïté des voix narratives dans le « post-exotisme » d'Antoine Volodine : choix d'écriture, monde fictionnel et stratégies de réception, Écrivains, Les Aigles puent, Onze rêves de suie, Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, mémoire de master 2, Lettres, Université Rennes 2, 2012 — Mémoire L'ambiguïté des voix narratives dans le « post-exotisme »... en ligne
Antoine Volodine, fictions du politique, textes réunis et présentés par Anne Roche en collaboration avec Dominique Viart, avec un entretien d'Antoine Volodine, « La Revue des lettres modernes - Écritures contemporaines » n° 8, 2006.
Lionel Ruffel, Volodine post-exotique, C. Defaut, 2007.
Défense et illustration du post-exotisme. Avec Antoine Volodine, sous la direction de Frédérik Détue et Pierre Ouellet, VLB Éditeur, 2008.
La Femelle du Requin n°19, 2002, Dossier avec un entretien d'Antoine Volodine, "L'Humour du désastre".
Alexandra Reuber, « À la recherche de l’identité dans Alto solo d’Antoine Volodine », Études françaises, vol. 46, no 2, , p. 137-152 (lire en ligne)
Philippe Savary, « Antoine Volodine : la parole des insurgés ad vitam æternam », Le Matricule des anges, n° 20, juillet-, p. 18-19. [Dossier Antoine Volodine]