Antoine de Chabannes | ||
Détail de l'enluminure de frontispice des Statuts de l'ordre de Saint-Michel, par Jean Fouquet, Paris, BnF, département des manuscrits, vers 1470 | ||
Naissance | Saint-Exupéry-les-Roches (Corrèze) |
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Décès | Paris |
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Allégeance | roi de France | |
Grade | Grand panetier de France Bailli de Troyes Grand maître de France Gouverneur militaire de Paris |
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Années de service | 1423 – 1485 | |
Conflits | Guerre de Cent Ans, conflit franco-bourguignon | |
Faits d'armes | Bataille de Cravant, bataille de Verneuil,Siège d'Orléans (1428-1429) bataille de la Birse, siège d'Amiens, siège de Beauvais | |
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Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, né en 1408 à Saint-Exupéry-les-Roches et mort le à Paris, est un militaire français ayant servi successivement sous les règnes de Charles VII, Louis XI et Charles VIII. Bien que sa mémoire fut parfois décriée par certains historiens, il reste l'un des plus brillants Compagnons d'armes de Jeanne d'Arc.
Simple chevalier né sans fortune et sans grade, Antoine de Chabannes cultiva toute sa vie une ambition prédatrice voir obsessionnelle, celle d'acquérir des titres afin de se constituer un patrimoine foncier digne de son rang. Cette impérieuse nécessité matérielle forgea toute l'existence de ce grand capitaine et serviteur royal[1], souvent exposé aux pires intrigues politiques. Au gré des circonstances, véritable et extraordinaire caméléon politique , après d'éprouvantes périodes de disgrâce au revers de plusieurs condamnations, procès, emprisonnements ou d'exil ; Dammartin devint à nouveau un conseiller et un confident incontournable , véritable éminence grise des rois Charles VII et Louis XI. L'habile et stratégique grand maître Antoine de Chabannes comte de Dammartin, devint un personnage central des plus redoutés, proche du pouvoir royal, il fut l'un des derniers plus grands féodaux ayant servi admirablement la Couronne de France durant la seconde moitié du XVe siècle.
Benjamin des trois fils de Robert de Chabannes, seigneur de Charlus-le-Pailloux, et d'Halix de Bort, dame de Peyrefitte, Antoine de Chabannes est âgé de sept ans à la mort de son père. Celui-ci, mort en 1415 à la bataille d'Azincourt, est un chevalier réputé maintes fois cité dans les œuvres d'Enguerrand de Monstrelet ou de Jean II Jouvenel des Ursins. Le seigneur de Charlus[2] teste le , faisant de son fils aîné, Étienne de Chabannes, son héritier universel. Capitaine d'une compagnie de gendarmes, ce dernier meurt à la bataille de Cravant le . Selon les dispositions testamentaires, l'aîné des fils disparaissant sans héritier, la majeure partie de l'héritage familial revient en seconde volonté au cadet, Jacques Ier de Chabannes : « conformément aux dispositions paternelles, c'est Jacques de Chabannes qui recueillit alors la grande partie de l'héritage ; lui et ses descendants devinrent seigneurs de Charlus. Antoine ne gagna donc rien »[3].
Antoine de Chabannes se maria, le 8 septembre 1439[4],où il conclut un contrat de mariage devant le Prévôt de Paris messire Ambroise de Loré et les notaires du Châtelet de Paris, avec Marguerite de Nanteuil, unique fille et orpheline de feu Renaud de Nanteuil (Nanteuil-le-Haudouin), seigneur d'Acy, et de défunte Marie de Fayel son épouse, comtesse de Dammartin et vicomtesse de Breteuil.
Nobliau déshérité et orphelin de père, la tutelle du jeune Antoine semble être confiée à la garde de son frère cadet Jacques de Chabannes de La Palice, qui lui dispense les premiers rudiments d'une éducation militaire. Dès lors, un puissant lien affectif unit les deux frères[7] et, des exploits ou des épreuves qui illustrent leurs vies chevaleresques respectives, leurs destinées militaires sont inséparables.
Après la disparition glorieuse de son père sur le champ de bataille d'Azincourt, Antoine devient à sept ans page du Vicomte de Ventadour, son parent, et entre à 13 ans comme page au service d'Étienne de Vignolles dit La Hire, qui l'initie au métier des armes. Ce rude guerrier devient son formateur et le prend sous sa protection. Au Moyen Âge, un page était l'intendant d'un chevalier pouvant devenir vers 14 ans écuyer d'écurie. Souvent issus de la haute noblesse, ces jeunes apprentis chevaliers, quelquefois sans titre et sans fortune, pouvaient espérer gravir peu à peu les échelons afin de s'assurer une destinée militaire et nobiliaire digne de leur extraction.
Devenu chevalier, Chabannes combat pour la première fois à 15 ans à la Bataille de Cravant le aux côtés de son frère aîné Étienne de Chabannes (Hugues II), capitaine d'une compagnie d'infanterie, qui meurt dans cette bataille.
L'année d'après, Antoine est de nouveau aux côtés de La Hire et de Jean Poton de Xaintrailles, à la bataille de Verneuil le , où il est capturé par les Anglais, selon la Cronique Martiniane : « Et fut prins prisonnier Anthoine de Chabannes, paige du Comte de Ventadour, lequel estoit monté sur ung courcier gris, nommé La Dame, qui estoit au Comte son maistre. » Lors de cette bataille, Antoine jeune chevalier qui a perdu Charles de Ventadour son premier tuteur, aurait déclaré à la suite de la déroute de l'armée française : « Ceux que j'ay l'honneur de porter le nom ne scavoient pas fuir, c'est chose que je ne veux point apprendre n'y commencer ma vie par là[8]. »
Après quoi, frappé par sa jeunesse et sa belle conduite, Jean de Lancastre, duc de Bedford, le remit à son frère Jacques sans exiger de rançon. Peu après sa libération, Antoine entra au service du duc Charles de Bourbon. En 1428, lorsque commença le siège d'Orléans, Antoine de Chabannes, alors âgé de 20 ans, entreprit de faire quelques incursions en pays beauceron, où les troupes anglaises le firent prisonnier au Château de Dourdan en Hurepoix, et d'où il s'évada avec la complicité du prévôt de Paris Simon Morhier.
À nouveau capturé par l'ennemi, puis libéré, il se distingua au siège d'Orléans en 1429 comme compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, et est présent sur de nombreux champs de bataille : Jargeau, Patay, Compiègne et Précy-sur-Oise.
Antoine de Chabannes quitta ensuite l'armée régulière pour s'enrôler dans une bande de routiers, c'est-à-dire de brigands, connus sous le nom d’écorcheurs, dont il devint en 1435 l'un des chefs[9]. Anthoine, capitaine mercenaire à la solde du roi, commandait le quotidien de ses soudards qui pratiquaient inlassablement rapines, sévices, meurtres et pillages qui étaient le lot ordinaire de ces hommes redoutés dans les campagnes, ravageant cruellement la Bourgogne, la Champagne et la Lorraine.
Au début du XVe siècle lors de la bataille de Montépilloy, les troupes anglaises dirigées Jean de Lancastre duc de Bedford qui s'étaient retranchées à Mitry s'étaient emparées en 1429 de Compiègne, de Crépy-en-Valois, de Dammartin-en-Goêle et d'une partie du Valois. Sous la conduite de la Pucelle d'Orléans, l'armée royale dirigée par Charles VII en personne, décida aussitôt d'en découdre militairement. Prêt à être confronté aux troupes anglaises, le roi de France disposé à chasser de ses terres le Godon, positionna son armée sur les hauteurs de Dammartin et s'empara de la cité.
À l'issue de ce conflit, la seigneurie de Dammartin, attribuée par le roi Henri VI, le au sire de Vergy, fut reprise en 1430 après la victoire française, et le roi de France Charles VII retransmit le comté de Dammartin, à Renaud de Nanteuil, l'un de ses plus proches serviteurs.
Antoine de Chabannes, par son mariage avec Marguerite, fille de Renaud de Nanteuil d'Aci et de Marie de Fayel-Dammartin, reçut l'héritage de sa belle-mère. Selon les historiographes du temps, voici comment cette dernière se retrouva en possession de la seigneurie de Dammartin-en-Goële, récupérée par elle d'une bien curieuse façon :
« 1420 - Marie de Fayel, femme de Renaud de Nanteuil seigneur d'Aci et sœur de Jean de Fayel[10], devint l'héritière du Comté de Dammartin par la mort de son frère. Mais Renaud étant demeuré fidèle au roi Charles VII, le roi d'Angleterre (Henri V) donna le Comté à Antoine de Vergi (Antoine de Vergy) seigneur de Champlitte. Les Anglais ayant été depuis chassés de France, Marguerite, fille de Renaud de Nanteuil et de Marie de Fayel, rentra l'an 1436 dans ce Comté, ainsi que tous biens de la Maison de Châtillon[11]. »
« En 1430, Charles VII reprit ce château sur les Anglais et le donna à Marguerite de Nanteuil fille de Renaud de Nanteuil et de Marie de Fayel, laquelle porta le Comté de Dammartin à Antoine de Chabannes qu'elle épousa en 1439[12]. »
Ainsi, Antoine de Chabannes Écuyer d'écurie du roi, devenu nouveau Comte de Dammartin, comté reçu en dot à son mariage survenu le avec Marguerite de Nanteuil, est dissuadé à quitter définitivement fin 1439 la fréquentation aventureuse et hasardeuse des écorcheurs, véritables pillards et bandits de grands chemins. À la suite de son mariage avec Marguerite de Nanteuil (âgée de 17 ans) qui lui apporte sa première seigneurie, Antoine de Chabannes Comte de Dammartin (âgé de 31 ans) retrouve peu à peu la sphère royale, puisque celui-ci quelques semaines à peine après son mariage, rend foi et hommage auprès du roi des seigneuries d'Acy-en-Multien, de Try-le-Château,de Précy-sur-oise et d'Ormoy, hommage rendu par ledit chevalier le 28 septembre 1439.
En l'an 1440, Antoine se rapprocha du duc Charles Ier de Bourbon administrant le Duché de Bourbon province où son frère Jacques Ier de Chabannes possédait quelque seigneuries. Jeune noble sans seigneurie hormis celle de Dammartin apportée à son mariage par son épouse, Antoine de Chabannes introduit par son frère Jacques Ier auprès du duc de Bourbon, devint le seigneur engagiste de la Châtellenie ducale de Chaveroche (Chavroches) en Bourbonnais.
Deux jours avant le traité de Cusset qui mit fin à la Praguerie si familière au comte de Dammartin, celui-ci pourtant encore qu'un simple chevalier possédait déjà une relative aisance, puisqu'il négocia auprès du duc de Bourbonnais, un prêt de 10.000 écus d'or, en échange des revenus tirés de la capitainerie de la châtellenie ducale de Chaveroche (Chavroches), consenti par le duc :
« Antoine de Chabannes avait prêté, en 1440, 10 000 écus au duc de Bourbon, en échange celui-ci avait transporté au comte de Dammartin, la terre de Chaveroche jusqu'au remboursement de ladite somme à l'assignation d'une rente équivalente »[13]
Dorénavant placé au service de la Maison du Prince, l'acquisition de cette châtellenie (en Bourbonnais au nombre de dix-sept) du duché de Bourbon, qui à la fin du XIVe siècle relevait selon Michel de Marolles du Comté de Nevers[14], dut constituer pour Antoine de Chabannes un premier revenu foncier, seigneurial et domanial de très grande importance ? Ce fut cette même année que son frère Jacques Ier de Chabannes, sénéchal du Bourbonnais, devenait également le 2 août 1440, capitaine du château et de la châtellenie de Chantelle.
Antoine de Chabannes participa a plusieurs combats contre les Anglais mais il gagna la reconnaissance du roi en découvrant la conjuration de la Praguerie de 1440, fomentée par le dauphin Louis (futur Louis XI), le Comte de Clermont, Jehan IV d’Armagnac et le duc Jehan II d’Alençon.
Placé sous la direction du dauphin (le futur Louis XI), Antoine de Chabannes fut envoyé en Suisse où sous le commandement de Jean V de Bueil, il fit partie de l'avant-garde de l'armée française lors de la bataille de la Birse, localisée à Pratteln et livrée le . Lors de cette bataille contre les conférés helvétiques, son zèle militaire fut remarqué.
Lieutenant général dans l'armée royale, Antoine fit partie dès 1446 du Grand Conseil du roi, et s'attacha désormais au service de Charles VII, qui lui donna en 1447 la charge de grand panetier de France. Il participa également au procès de Jacques Cœur qui fut condamné le et bénéficia largement du dépeçage de ses biens, se voyant octroyer en fief une bonne partie de la Puisaye et le château de Saint-Fargeau.
En 1451, Charles VII qui venant d’apprendre que son fils Louis conspirait encore contre lui depuis le Dauphiné qu’il gouvernait, envoya Chabannes punir l’insolent. Antoine de Chabannes prit donc le commandement d’une armée qui marcha sur Grenoble contraignant le dauphin Louis à fuir le , en territoire bourguignon et à se placer sous la protection du duc de Bourgogne, Philippe le Bon.
Lorsqu’en 1461, Charles VII mourut, Antoine de Chabannes perdit son principal protecteur.
L'accession au trône de Louis XI en 1461 provoqua les premiers accrocs dans la carrière d'Antoine de Chabannes. N'ayant pas oublié le rôle joué par Chabannes dans l'affaire de la Praguerie, le roi promit pour châtier l'infâme traître, de « faire manger le cœur de son ventre par ses chiens »[15].
Il intenta plusieurs procès à l'ancien serviteur de son père qui vit ses biens confisqués et lui-même proscrit à Rhodes. Cet exil ne dura toutefois pas longtemps car, bénéficiant de complicités, Chabannes s'évada et rejoignit son ancien domaine, dont il expulsa le propriétaire, Geoffroy, fils de Jacques Cœur. Il rejoignit ensuite la Ligue du Bien public hostile au monarque, convaincu que la rigueur royale n'était pas près de s'atténuer. Louis XI conclut cependant avec les ligueurs le traité de Conflans, le .
La paix fut enfin signée entre les deux hommes : sur décision du roi, Antoine de Chabannes fut nommé, en 1467, grand maître de France et recouvra ses biens. De plus, Louis XI le nomma l'un des premiers chevaliers[16] de l'ordre de Saint-Michel par lettres patentes données à Amboise le [17].
En janvier 1471, il s'empara de la ville d'Amiens et la défendit lors du siège de la ville par Charles le Téméraire en mars-avril 1471[18] et 1472, il combattit lors du siège de Beauvais contre Charles le Téméraire.
À la fin du règne de Louis XI, il tomba une nouvelle fois en disgrâce mais l'arrivée au pouvoir de Charles VIII lui permit de reprendre sa place dans l'entourage du roi. Nommé gouverneur militaire de Paris en 1485, il mourut dans cette ville en son hôtel de Beautreillis[19] sis rue Saint-Antoine, le jour de Noël 1488. Veuf de Marguerite de Nanteuil depuis le , ce fut son unique fils, Jean de Chabannes, seigneur de Dammartin et de Montgé-en-Goële, qui procéda aux dernières volontés du grand maître Antoine de Chabannes. La vie chevaleresque d'Antoine de Chabannes, ancien chef des écorcheurs, au dévouement total à la cause royale, l'exposa toujours aux plus grands dangers et disgrâces. Guerrier invincible, son gisant qui se voit encore dans l'église Notre-Dame de Dammartin-en-Goêle, le représente en armure en pieux chevalier , les mains enserrant une bible, les pieds reposant sur les ailes d'un Phénix , oiseau mythique symbolisant ainsi son courage militaire, toujours prêt à renaître de ses cendres.
Au début du XVIIe siècle, Paul Ardier alors propriétaire du Château de Beauregard ancien relais de chasse du roi François Ier dans la Vallée de la Loire , fit placer dans la très célèbre Galerie des Illustres, parmi 327 portraits peints de personnages historiques, celui d'Antoine de Chabannes Grand maître de France. Une copie de ce portrait figure également dans les collections du château de Saint-Fargeau.
Au XVIIIe siècle, nommé Secrétaire perpétuel de l'Académie française et historien, Charles Pinot Duclos auteur d'une Histoire de Louis XI, ouvrage qui fit autorité dans les milieux littéraires et qui lui ouvrit en 1748 les portes de l'Académie française, évoque ainsi le téméraire tempérament d'Antoine de Chabannes : « C'était un caractère haut et difficile; d'ailleurs un des plus braves hommes de son temps, sincère, fidèle, naturellement emporté, ami vif, implacable ennemi. »
En 1847 sur la demande du roi Louis-Philippe Ier à la suite de la création du Musée de l'Histoire de France et afin d'illustrer les Galeries historiques du Musée de Versailles, fut placé le 14 février 1848, dans la galerie no 60 (Aile du Midi) le moulage en plâtre fait par François Henri Jacquet, du gisant d'Antoine Ier de Chabannes, Comte de Dammartin, Grand Maître de France & Gouverneur de Paris. (d'après son gisant à Dammartin-en-Goële).
Quelques lieux gardant la mémoire du Grand Maître Antoine de Chabannes :
Outre les nombreuses études parues sur Antoine de Chabannes , ce fameux capitaine du XVe siècle ressuscita sous la plume de Jacques Chabannes, qui fut l'objet en 1967 d'un roman historique intitulé "Le Galant Ecorcheur " .