L’armistice de Villa Giusti met fin aux combats de la Première Guerre mondiale entre l'empire austro-hongrois et les Alliés. Il est signé à la villa Giusti, située à Mandria près de Padoue en Italie, le à 15 heures, avec effet le à 15 heures, alors que les combats de la bataille de Vittorio Veneto faisaient encore rage. Comme tout armistice, il suspend les combats, mais l’état de guerre ne cessera qu'avec les traités de paix : Saint-Germain-en-Laye () avec la République autrichienne et de Trianon () avec la République hongroise. Il préfigure cependant ces traités car il met l'empire hors d'état de reprendre la lutte et place de facto les territoires que les Alliés revendiquaient sous leur contrôle.
Il ne prévoit pas la désintégration de l'empire, qui a déjà commencé avec la proclamation d'indépendance de plusieurs provinces fin octobre, mais qui n'était pas un but de guerre des Alliés. Ils s'adapteront en signant un armistice supplémentaire avec le représentant des Hongrois Mihály Károlyi, la convention de Belgrade (en), le .
L'armistice de Villa Giusti fait de l'Allemagne le dernier pays combattant encore les Alliés et de surcroit il prévoit notamment que ceux-ci pourront traverser le territoire autrichien pour ouvrir un nouveau front, ce qui aggrave la situation militaire déjà désespérée des Allemands. Dès le lendemain, , l'Allemagne demande à son tour un armistice qui sera celui du 11 novembre.
L’Autriche-Hongrie, comme l'Allemagne et tout l'est de l'Europe, souffre de la faim. Les écroulements russe et roumain ont libéré l'armée austro-hongroise des combats sur ces fronts, mais n'ont pas permis d'élargir les approvisionnements alimentaires de l'empire ; le « pain ukrainien » que la propagande fait espérer est en réalité absent des assiettes. Les pénuries alimentaires touchant les civils incitent les autorités de chaque région de l’Autriche-Hongrie à conserver sous leur autorité les stocks de nourriture disponibles, ce qui, en plus d’affaiblir l’armée, accélère la décomposition politique en constituant des régions économiquement autonomes de facto[1].
L'industrie militaire de l'empire est également insuffisante, de sorte que les troupes austro-hongroises, en plus de souffrir de sous-alimentation chronique, ne sont pas suffisamment ravitaillées en armes et en munitions. Et comme tous les belligérants, mais peut-être plus que les autres, l'empire manque de soldats, ce qui se traduit par trop peu de relève et de permissions. Cette situation affecte le moral et la combativité des soldats[2].
Sur le front italien, l’échec sur le Piave en [3], a démontré que depuis le désastre italien de Caporetto l'armée italienne s'est entièrement remise et même renforcée, pendant qu'au contraire les unités austro-hongroises ont décliné jusqu'à un très mauvais état. La marine austro-hongroise est bloquée dans ses ports et l'aviation militaire italienne domine au point de se permettre de lâcher des tracts sur Vienne.
Sur le front balkanique, les forces serbes et françaises commandées par Louis Franchet d'Espèrey ont percé et mis la Bulgarie hors de combat. Elles progressent désormais irrésistiblement, à une vitesse inconnue depuis 1914, vers Belgrade, le Danube et même Vienne[3].
Depuis le 14 septembre 1918, une offensive de rupture alliée dans les Balkans perce le front d'Orient, essentiellement tenu par les Bulgares. Le gouvernement bulgare demande l’armistice, signé à Thessalonique le 29 septembre 1918. Conformément aux clauses de cet accord, les Bulgares se retirent à l’intérieur de leurs frontières de 1913. Le front des puissances centrales en Macédoine ainsi que la participation ottomane au conflit[4] sont ainsi compromis. Dans l’urgence, une ligne de défense est mise en place en Serbie centrale à partir de la mi-octobre, mais l’armée austro-allemande, qui la tient, se montre incapable d’arrêter la progression des unités franco-serbes vers Belgrade[5].
Parallèlement, à partir du 24 octobre, une offensive italienne balaie les lignes austro-hongroises en Italie alors que les unités hongroises sont retirées du front italien pour être déployées dans les Balkans, et que l’Autriche-Hongrie entre dans la phase finale de sa dislocation[6],[7]. Après trois jours de résistance austro-hongroise, les unités alliées engagées en Italie établissent des têtes de pont sur la rive droite du Piave en exploitant la percée en profondeur du dispositif austro-hongrois en Italie[8].
Depuis juillet, les succès des Alliés et les échanges de notes diplomatiques avec l’Autriche-Hongrie qui s’ensuivent, accélèrent le processus de dislocation politique en faisant « sauter le cadre de la monarchie », selon Stephan Burián von Rajecz, alors ministre des affaires étrangères austro-hongrois[9]. Le président américain, Woodrow Wilson, reconnaît officiellement le 21 octobre le droit des peuples qui composent l’Autriche-Hongrie à organiser à leur guise leur cadre politique, et à la rentrée parlementaire, le Parti social-démocrate autrichien annonce reconnaître le droit des peuples à l'indépendance. Cela incite les représentants des peuples de l’Empire, regroupés à partir du en sept « conseils nationaux », à radicaliser leurs revendications en passant de l’autonomisme à l’indépendantisme[1].
Au nord, les trois premiers « conseils nationaux » à proclamer leur sécession sont ceux des sujets slaves de la partie autrichienne de la « double-monarchie » : Polonais de Galicie occidentale et Tchèques de Bohême-Moravie le 28 octobre, auxquels se joignent dès le lendemain les Slovaques, alors sujets de la partie hongroise de l’Empire : ainsi naît la première république tchécoslovaque, tandis que les Ruthènes de Galicie orientale y proclament le 1-er novembre une république populaire d'Ukraine occidentale. De son côté, le 16 novembre, le « Conseil national » des Magyars constitue, par la révolution des Asters, la toute nouvelle république démocratique hongroise désormais indépendante, qui s'oppose à la sécession des Slovaques et, à partir du 19 novembre, à celle des Ruthènes de Hongrie[10].
Les trois autres « conseils nationaux » en voie de sécession sont : à l’ouest, le 22 novembre, celui des Autrichiens germanophones qui souhaitent rejoindre la république de Weimar (à l’exception de ceux du Vorarlberg qui eux, souhaitent rejoindre la Suisse[11]) ; au sud, le 29 octobre, celui des Slaves méridionaux ou « Yougo-Slaves » souhaitant s’unir à la Serbie, et à l’est, le 28 novembre 1918, celui des Roumains transylvains alors sujets de la partie hongroise de l’Empire et bucoviniens alors sujets de la partie autrichienne de l’Empire, qui proclament le 1-er décembre 1918 leur union avec la Roumanie[10].
Le 31 octobre 1918, une délégation austro-hongroise est invitée à se présenter au haut-commandement italien pour négocier l'armistice avec les Alliés. Elle est formée par sept représentants de l’empereur Charles d’Autriche :
Propriété du comte Giusti, sénateur d’Italie, la villa Giusti, située aux environs de Padoue, servait de résidence et poste de commandement au roi Victor-Emmanuel III et à son état-major depuis 1917. Le roi était représenté par :
Ces quatorze officiers furent les signataires de l’armistice[12].
À mesure que l’armée austro-hongroise se retirait et était démobilisée, des désaccords apparurent entre l’État des Slovènes, Croates et Serbes et l’Italie au sujet de leur future frontière commune[12] :
La solution médiane qui sera finalement adoptée après la guerre ne satisfera ni les uns, ni les autres : l’Italie n’eut que trois îles dalmates (Cherso, Lussino, Lagosta et leurs petites « îles-satellites ») et la ville de Zara sans territoire adjacent ; le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes n’eut ni Trieste, ni la moitié slave (orientale) de l’Istrie, et dut même renoncer au quart occidental de la Slovénie au profit de l’Italie, qui finit aussi par annexer Fiume en 1924[13].