Charles de Lorraine (né le à Joinville et mort le à Avignon) fut duc de Chevreuse, archevêque de Reims de 1538 à 1574, évêque de Metz de 1550 à 1551. Il est nommé chancelier de l'ordre de Saint-Michel le 19 mai 1547 et devient cardinal la même année[1]. Il prend le nom de cardinal de Guise puis cardinal de Lorraine après la mort de son oncle Jean de Lorraine en 1550 qui le portait jusque là. C'est un homme politique et un intellectuel religieux qui joua un rôle important durant les guerres de religion (1562-1598).
Dans un premier temps ouvert à la discussion et à la réforme de l'Église, il soutint la politique du chancelier Michel de l'Hospital tout en s'illustrant comme le champion de la cause catholique. Avec son frère, le duc François de Guise, il dirigea la France sous le règne de François II (1559-1560), il participa au colloque de Poissy (1561), puis au concile de Trente (1563). Chef de la maison de Guise, il s'opposa durant le reste de sa carrière à la politique de Catherine de Médicis.
Sous le règne de Henri II, Charles professe des opinions gallicanes. Par ailleurs, contrairement au connétable Anne de Montmorency, le cardinal et son frère François sont d'ardents partisans de la guerre contre les Habsbourg.
Défenseur de l'Église catholique apostolique et romaine, le cardinal de Lorraine devient par la suite l'une des principales figures françaises de la Contre-Réforme en se faisant le défenseur des décrets du concile de Trente qu'il souhaite voir appliquer dans le royaume et qu'il commence par faire adopter dans son archevêché de Reims.
Selon Brantôme, « tout ecclésiastique qu’il était, il avait l’âme fort barbouillée ». Le cardinal est un homme très habile. Il est adroit, éloquent, plein de ressources et de séduction. Son talent fait de lui un rival de Catherine de Médicis. Prônant la lutte contre le calvinisme, il n’a de cesse de combattre la politique de tolérance civile de la reine mère. Ayant de hautes capacités intellectuelles, le cardinal est employé de nombreuses fois à des fins diplomatiques.
Le cardinal de Lorraine et son frère François réussissent à obtenir le pouvoir à l'avènement du jeune François II (1559). Le cardinal tient alors entièrement l’administration des finances. Il fait rendre les sceaux au chancelier François Olivier puis, à la mort de celui-ci (mars 1560), désigne Michel de l'Hospital (dont il a favorisé la carrière de magistrat) comme successeur au poste.
Cependant, Charles de Guise doit céder sa place après la mort du jeune roi (). Il quitte la cour deux mois plus tard, accompagnant sa nièce Marie Stuart à Joinville. Le cardinal assiste alors impuissant à l'introduction du protestantisme à la cour. Il continue cependant de jouer un rôle important lors du colloque de Poissy où il s'oppose à Théodore de Bèze, chef du parti protestant. L'intransigeance de ce dernier fait échouer la réconciliation des deux religions au grand dépit de la reine mère. Charles de Guise était, lui, prêt à une certaine conciliation, qui échoua[4].
À la suite de l'assassinat de son frère François (), Charles devient le chef de la famille des Guise et du parti catholique en France. Il prend sous sa tutelle les enfants de son frère décédé et cherche par tous les moyens à nuire aux Montmorency et plus particulièrement à l'amiral de Coligny qu'il considère comme responsable de la mort de son frère. Le , alors que la cour se trouve dans le Midi, il manque de peu de se faire tuer dans une rue parisienne par les troupes de François de Montmorency, gouverneur de Paris et fils du connétable Anne. Soucieuse d'établir la paix dans le royaume, la reine mère oblige le cardinal à se réconcilier avec le clan des Montmorency à Moulins en 1566. Il y embrasse publiquement l'amiral de Coligny, mais les deuxième et troisième guerres de religion lui permettent de poursuivre l'amiral de sa vindicte.
Plus tard, il négocie le mariage de Charles IX et d'Élisabeth d'Autriche (1569). En 1572, le pape Pie V meurt. Charles de Lorraine part pour Rome afin de participer au conclave qui doit élire un nouveau pape. Malgré son opposition au mariage entre la princesse Marguerite de Valois et Henri de Navarre, qui doit sceller l'union des catholiques et des protestants, il tente de convaincre le pape de donner son accord au mariage.
Il apprend la nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy qui est parvenue à Rome le . Il s'empresse alors de regagner Paris, où il cherche à reprendre sa place au conseil du roi. Mais Catherine de Médicis, qui craint son retour aux affaires, lui fait savoir qu’il n'est pas le bienvenu.
Néanmoins, la Couronne se sert régulièrement du cardinal de Lorraine pour ses négociations financières avec le clergé.
Grâce à la charge d’archevêque dont il dispose, il fait agrandir le palais du Tau et fait fondre le bourdon de la cathédrale de Reims. En plus de l'ouverture d'une université[5] à Reims[6] avec les mêmes droits et privilèges que l'université de Paris, d'un collège à Bar-le-duc, d'une Université à Pont-à-Mousson, il favorise l'implantation d'imprimeurs à Reims, Claude Chaudière en 1551, Nicolas Trumeau et Nicolas Bacquenois en 1553. Il accueille aussi Constantin Palaeocappa, copiste de manuscrits grecs. Parmi les livres de sa bibliothèque de ceux qu'il donnait au Chapitre cathédrale, le plus connu est l'Évangéliaire de Reims du XIe siècle et XIVe siècle. Le cardinal fonde, en 1567, le tout premier séminaire de Reims et de France pour assurer la formation des clercs. Il protégeait aussi des personnalités comme Michel de L'Hospital ou Pierre de Ronsard.
Sur le plan artistique, Charles est le prescripteur de la famille. Il influe certainement sur les choix de peintres ou d'émailleurs ayant travaillés pour la famille : Léonard Limosin (qui réalise son propre portrait, celui de son frère François et celui de sa famille dans l'allégorie "Le triomphe de la foi" aujourd'hui à la Frick collection de New York), Le Primatice (grotte du château de Meudon), Nicolò Del'Abate, Francesco Salviati, Girolamo Muziano ou Federico Zuccaro. Un portrait de lui longtemps attribué au Greco voit son attribution aujourd'hui discutée.
Il était également un grand amateur d'orfèvrerie. Et sur le plan musical, il a soutenu Jacques Arcadelt, sans doute l'un des compositeurs les plus importants des années 1550 et 1560, Fabrice Marin Caiétain et probablement Pierre Cléreau.
Jean Balsamo (dir.), Thomas Nicklas (dir.) et Bruno Restif (dir.), Un prélat français de la Renaissance : le cardinal de Lorraine, entre Reims et l’Europe, Genève, Droz, coll. « Travaux d'humanisme et Renaissance » (no 546), , 466 p. (ISBN978-2-600-01889-0, présentation en ligne).
Isabelle Balsamo, « Le cardinal de Lorraine et ses commandes artistiques à Reims », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4, présentation en ligne), p. 443-467.
(en) Philip Benedict, « From Polemics to Wars : The Curious Case of the House of Guise and the Outbreak of the French Wars of Religion », Historein, no 6, , p. 97-105 (lire en ligne).
Jacqueline Boucher, « Le cardinal de Lorraine, premier ministre de fait ou d'ambition (1559-1574) », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 295-310.
(en) Stuart Carroll, « The Compromise of Charles Cardinal de Lorraine : New Evidence », The Journal of Ecclesiastical History, vol. 54, no 3, , p. 469-483 (DOI10.1017/S0022046903007292).
Isabelle Conihout, Maxence Hermant, Sabine Maffre, commissaires de l'exposition : Le cardinal de Lorraine et ses livres : un fastueux mécène au XVIe siècle : exposition bibliothèque municipale de Reims, [du 12 septembre au 28 novembre 2013], bibliothèque de Reims, 2013.
Daniel Cuisiat, « La mort du cardinal Charles de Lorraine et son retentissement littéraire (Avignon, 26 décembre 1574) », dans Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, 1968, tome 83, p. 107-130(lire en ligne)
Colette Demaizière, « Le cardinal de Lorraine protecteur de Ramus », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 365-380.
Philippe Desan et Kate Van Orden, « De la chanson à l’ode : musique et poésie sous le mécénat du cardinal de Lorraine », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 469-494.
(en) Henry Outram Evennett, « The Cardinal of Lorraine and the Colloquy of Poissy », The Cambridge Historical Journal, vol. 2, no 2, , p. 133-150 (JSTOR3020695).
(en) Henry Outram Evennett, The Cardinal of Lorraine and the Council of Trent. A study in the counter-reformation, Cambridge, Cambridge University Press, .
Franco Giacone, « Les Lorraine et le Psautier de David », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 345-363.
Jean-Jacques Guillemin, Le Cardinal de Lorraine, son influence politique et religieuse au XVIe siècle, Paris, Chez Joubert, (lire en ligne).
Hermann Lindner, « Rhétorique, poésie, mécénat : « Le Procès » de Ronsard contre le cardinal de Lorraine », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 405-423.
(en) Donald G. Nugent, « The Cardinal of Lorraine and the Colloquy of Poissy », The Historical Journal, vol. 12, no 4, , p. 596-605 (JSTOR2638015).
Michel Pernot, « Le rôle du cardinal Charles de Lorraine dans la vie politique et religieuse de la France au troisième quart du XVIe siècle », Les Cahiers haut-marnais, nos 188-190, , p. 19-41.
Benoist Pierre, « Le cardinal-conseiller Charles de Lorraine, le roi et sa cour au temps des premières guerres de Religion », Parlement[s], Revue d'histoire politique, no hors série 6, , p. 14-28 (lire en ligne).
François Roudaut, « Le cardinal de Lorraine, François de Guise et Joachim du Bellay », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 425-442.
(en) Nicola Mary Sutherland, Princes, Politics and Religion, 1547-1589, Londres, Hambledon Press, coll. « History Series » (no 30), , 258 p. (ISBN0-907628-44-3), « The Cardinal of Lorraine and the colloque of Poissy, 1561 : a reassessment », p. 113-137.
Alain Tallon, « Le cardinal de Lorraine dans l’Église de France », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 331-343.
Jean-Claude Ternaux, « Les excès de la maison de Lorraine dans l’épitre et la satire du Tigre (1560-1561) », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 381-403.
Mario Turchetti, « Une question mal posée : La Confession d'Augsbourg, le cardinal de Lorraine et les Moyenneurs au Colloque de Poissy en 1561 », Zwingliana, vol. 20, , p. 53-101 (lire en ligne).
Marc Venard, « Le cardinal de Lorraine dans l’Église de France », dans Yvonne Bellenger (dir.), Le mécénat et l’influence des Guises : actes du Colloque organisé par le Centre de Recherche sur la Littérature de la Renaissance de l’Université de Reims et tenu à Joinville du 31 mai au 4 juin 1994 (et à Reims pour la journée du 2 juin), Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance » (no 9), (ISBN2-85203-689-4), p. 311-329.
Colloque Le Cardinal de Lorraine, Reims et l'Europe, Un grand prélat français à l'époque du concile de Trente, Université de Reims, 2013, [lire en ligne].