Spécialité | Chirurgie vasculaire |
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CIM-10 | I71.0 |
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CIM-9 | 441.0 |
OMIM | 607086 |
DiseasesDB | 805 |
MedlinePlus | 000181 |
eMedicine | 756835 |
MeSH | D000784 |
GeneReviews | [1] |
Patient UK | Aortic-dissection |
La dissection aortique est une affection rare et grave caractérisée par l'irruption de sang à l'intérieur de la paroi de l'aorte. Elle constitue une déchirure ou porte d'entrée, par laquelle le sang sous pression entre et décolle les feuillets superposés qui constituent la paroi élastique de l'aorte. La dissection de ces feuillets peut s'étendre sur une longue portion de l'aorte ascendante, la crosse aortique et/ou l'aorte descendante. Elle constitue une urgence chirurgicale.
On utilise parfois le terme d'anévrisme disséquant.
Son incidence annuelle est d'environ 3 cas pour 100 000 personnes[1]. Elle semble augmenter[2]. Le principal facteur de risque est l'hypertension artérielle, surtout si elle n'est pas équilibrée[3].
Deux tiers des dissections sont de type A (concernant l'aorte ascendante) et un tiers de type B (aorte descendante)[4]. Outre l'HTA, la dilatation de l'aorte ascendante est un facteur de risque important, surtout pour les dissections de type A[5].
La mortalité en est élevée puisque près de la moitié des patients décèdent à la phase aiguë (20 % avant l'arrivée à l'hôpital)[6].
Plusieurs maladies génétiques prédisposent au risque de survenue d'une dissection aortique : maladie de Marfan, syndrome d'Ehlers-Danlos, syndrome de Loeys-Dietz, ainsi qu'une bicuspidie aortique. En dehors de ces syndromes, il existe également des formes familiales[7].
Elle survient le plus souvent en hiver, surtout lors d'une chute de température[8].
Le risque est augmenté en cas de prise de fluoroquinolones, un antibiotique[9]. Des cas ont été rapportés chez des athlètes dopés aux stéroïdes anabolisants[10].
Le terrain essentiel de la dissection est la présence d'une hypertension artérielle non stabilisée sous traitement. Elle peut survenir également chez des patients porteurs de maladie de la fibre élastique (contenues notamment dans l'aorte) comme la maladie de Marfan. La préexistence d'un anévrisme aortique est décrite dans un cinquième des cas[1].
La formation d'un hématome (collection de sang coagulé) de paroi aortique est une entité décrite depuis la fin des années 1990 et peut évoluer vers la dissection. Il n'est pas sûr que cela soit le seul mécanisme responsable mais la découverte d'une telle anomalie peut imposer un traitement chirurgical rapide.
La dissection débute par une « porte d'entrée », rupture de la paroi interne (intima) permettant le décollement de cette dernière en pleine media (partie moyenne de la paroi). Ce décollement s'étend le plus souvent d'amont en aval et forme une poche de sang circulant, le « faux chenal », séparé du « vrai chenal » (la lumière de l'artère) par un flap (constitué par la paroi décollée). Plus rarement, la progression se fait en rétrograde : d'aval en amont (un tiers des cas[11]). La porte d'entrée peut être multiple dans un quart des cas[12].
C'est une affection gravissime car elle peut progresser rapidement et provoquer en amont :
en aval :
En pratique, les complications les plus graves sont celles concernant le cœur et n'arrivent que si la dissection concerne l'aorte ascendante. Cette dernière constitue donc une urgence chirurgicale absolue. Les dissections de l'aorte descendante doivent être dans un premier temps traitées médicalement (par médicaments) et la chirurgie se discute alors cas par cas.
La classification de DeBakey est une classification anatomique des dissections de l'aorte en fonction de l'origine de la dissection et sur son extension vers l'aval (notamment l'extension de la dissection vers l'aorte ascendante, vers la crosse ou vers l'aorte descendante) :
De manière pratique, la classification de Stanford distingue[13] :
Le diagnostic a longtemps reposé sur l'angiographie. Cependant, cette méthode a été supplantée par l'avènement de l'échographie transœsophagienne pouvant être faite au lit du patient (seulement si le patient est stable hémodynamiquement) et l'angioscanner. L'imagerie par résonance magnétique permet également d'en faire le diagnostic.
Le diagnostic, bien qu'urgent en raison de la nécessité d'une prise en charge rapide, n'est parfois pas évident devant un tableau atypique et il peut être retardé jusque dans 40 % des cas[14].
La dissection aortique est une affection brutale dominée par la douleur thoracique. Cette dernière se caractérise par son caractère migrateur (sa position varie dans le temps). La douleur peut être absente dans un cas sur 10[15].
On recherche systématiquement un terrain favorisant : hypertension artérielle, syndrome de Marfan (se caractérisant principalement par une grande taille, avec de long bras et doigts, une déformation du thorax, parfois enfoncé, une souplesse articulaire importante témoignant d'une hyperlaxité des ligaments).
L'examen clinique recherche :
Suivant le niveau et l'extension de la dissection, le patient peut présenter des signes :
La rupture de l'aorte entraîne un décès rapide et ne pose donc guère de problème diagnostique.
Dès la suspicion de dissection, le patient doit être admis rapidement, et de manière médicalisée, dans un centre pouvant confirmer le diagnostic avant un éventuel transfert en chirurgie cardiaque.
Plusieurs examens permettent le diagnostic. Le choix de l'un ou l'autre dépend essentiellement de la disponibilité des appareils et du médecin l'effectuant en urgences.
L'échocardiographie "classique", dite transthoracique ne suffit pas à elle seule à éliminer le diagnostic de dissection, l'aorte thoracique étant une structure relativement profonde, mal visualisée par cette technique. Elle permet parfois de suspecter l'atteinte : dilatation de l'aorte ascendante ou horizontale, fuite aortique, parfois visualisation du flap intimal, épanchement péricardique...
De même, l'artériographie avec injection de produit de contraste intravasculaire est une technique abandonnée de nos jours, car la montée d'une sonde dans une artère disséquée peut aggraver la dissection.
Dans tous les cas, on effectue un bilan biologique préopératoire :
Appelé également « hématome intramural », il consiste en une collection de sang dans la paroi aortique, sans « flap » visible. Il évolue dans plus d'un quart des cas vers une dissection classique[20]. Il est situé essentiellement au niveau de l'aorte descendante[5].
Cliniquement, il n' y a habituellement pas d'asymétrie de la pression artérielle entre les deux bras et pas de signe d'ischémie.
Il est diagnostiqué lors d'un scanner ou lors d'une échographie transœsophagienne.
Sa prise en charge est calquée sur celle de la dissection classique : chirurgie urgente s'il concerne l'aorte thoracique ascendante, traitement médicamenteux s'il concerne l'aorte descendante.
La prise en charge des dissections aortiques a fait l'objet de la publication de recommandations. Celles, américaines, datent de 2022[21]. Celles de l' European Society of Cardiology datent de 2014[22].
Malgré une prise en charge adaptée, la mortalité hospitalière reste élevée, atteignant 30 % dans les formes graves[23]. Elle s’accroît particulièrement avec l'âge avec une mortalité opératoire atteignant 40 % chez l'octogénaire[24].
La première intervention, décrite en 1935, consistait à effectuer une brèche (fenestration) dans la paroi du faux chenal, permettant ainsi une issue de secours pour le sang vers le vrai chenal et diminuant la pression dans le faux chenal[25]. À la fin des années 1940, on tentait de renforcer l'aorte disséquée en la doublant d'un tissu de cellophane[26].
Ce n'est qu'en 1955 que le Dr DeBakey décrit l'intervention qui a toujours lieu, consistant en la pose d'une prothèse dans l'aorte ascendante[27].
L'intérêt d'une baisse de la pression artérielle n'a été décrit que tardivement (milieu des années 1960)[28].
Une hospitalisation urgente en milieu spécialisé est nécessaire.
Dans tous les cas, le traitement médical vise à faire baisser au maximum la pression artérielle et de manière rapide, avec un traitement intraveineux. Doit être associé un traitement antalgique.
Sauf complications, il s'agit du traitement de référence d'une dissection uniquement localisée au niveau de l'aorte descendante, une prise en charge chirurgicale systématique ayant un taux important de complication[29]. À distance, l'évolution se fait souvent vers la dilatation du vaisseau aboutissant à un anévrisme pouvant requérir une chirurgie.
En cas de dissection de l'aorte thoracique ascendante, le traitement est une urgence chirurgicale. Cela nécessite le transfert dans un centre de chirurgie cardiaque, la mise en place d'une circulation extracorporelle étant nécessaire. L'intervention consiste, après ouverture verticale du sternum, en la mise en place d'un tube dans l'aorte ascendante avec fermeture des portes d'entrée et de sortie. Suivant l'extension, le geste peut être associé à un remplacement de la valve aortique ou à une simple remise en place des cusps aortiques, à une réimplantation des artères coronaires ou des autres vaisseaux dans le tube.
En cas de dissection isolée de l'aorte abdominale, le traitement est essentiellement médicamenteux pour assurer un contrôle de la pression artérielle optimal. L'évolution n'en est pas pour autant bénigne, avec un risque de décès augmenté[30].
La mise en place d'une endo-prothèse (ou stent, « endo » signifiant que la prothèse est située à l'intérieur du vaisseau, ne remplaçant donc pas ce dernier) au cours d'un simple cathétérisme (par voie fémorale, et donc, sans chirurgie ni circulation extracorporelle) est une technique alternative de traitement des anévrismes de l'aorte.
Cette méthode a été utilisée également au cours de dissections aortiques, le stent permettant l'écrasement du faux chenal et facilitant ainsi son occlusion, soit par simple effet mécanique, soit par fermeture d'une porte d'entrée. Cette technique reste encore en cours d'évaluation[31].