Bien que Duni ne soit pas inclus parmi les meilleurs compositeurs d'opéras-comiques, il a son importance en tant que précurseur : il est le premier à obtenir un succès durable avec une musique nouvelle et originale sur des livrets français.
Egidio Duni est l'un des fils d'une famille nombreuse dont le père, Francesco, est maître de chapelle de Matera[1]. Son frère aîné, Antonio, est lui aussi musicien et fera carrière un peu partout en Europe, en Allemagne et en Russie. On ne sait rien de précis sur la formation d'Egidio, qui aurait fait ses études dès ses neuf ans, au Conservatoire de Santa Maria di Loreto de Naples, auprès de Francesco Durante[2],[3].
Son premier opéra, Nerone, est présenté à Rome au Teatro Tordinona, le 21 mai 1735 et remporte un grand succès public. Après un passage à Milan, en 1737, via Paris il se rend à Londres, où il fait exécuter Demofoonte au King's Theatre. L'année suivante, il part une année à Leyde aux Pays-Bas pour étudier, puis retourne à Florence, puis Naples, en 1739[1],[3].
Il est nommé maître de chapelle d'une église de province à San Nicolo di Bari en 1743. Vers 1748, il occupe un poste similaire à la cour du duc de Parme[3], où la duchesse (fille de Louis XV) l'incite à composer dans le goût français[4]. Instructeur de la jeune princesse Isabelle, il est accoutumé à la culture française dès cette époque, il met en musique La Chercheuse d'esprit (1741) de Charles-Simon Favart (d'après Daphnis et Chloé) et Le Caprice amoureux, ou Ninette à la cour, dans des versions italiennes (Ninette est lui-même une parodie par Favart d'un intermède italien Bertoldo in corte de Ciampi présenté à Paris en 1753). Ces opéras lui valurent « un franc succès »[5]. Dans ces pièces, la déclamation parlée remplaçait les récitatifs chantés « jugés trop pesant pour une intrigue légère »[6], mêlés d'ariettes et respectait ainsi également le privilège de l'opéra[7].
En 1756, il se rend à Paris où il rencontre le directeur de l'Opéra-Comique, Jean Monnet pour lequel il crée, le 26 juillet 1757, son premier opéra en français, respectueux de la prosodie, Le Peintre amoureux de son modèle sur un livret de Louis Anseaume. Le succès l'invite à se fixer dans la capitale française. Il contribue à perfectionner le genre de l'opéra-comique en mêlant au spectacle des éléments italiens et français[8]. Les encyclopédistes et Diderot lui-même, qui réfute la thèse de Rousseau sur la non-musicalité de la langue française[1] (dans les récits plus précisément), l'encouragent et il confère « une dignité artistique sans précédent » au genre comique[9], notamment en enrichissant d'une note sentimentale l'intrigue théâtrale, caractéristique développée ensuite par Monsigny, Grétry[1] et Dalayrac dans le drame sentimental.
Entre 1761 et 1768, grâce à l'appui de Charles-Simon Favart il est le directeur musical de la Comédie Italienne, pour qui il compose, cela en faisant appel aux librettistes les plus modernes de son temps, notamment Favart[4], vingt-deux opéras-comiques entre 1756 et 1770, qui presque tous ont eu du succès[3] et dont la plupart sont gravés, intégralement, ou sous forme d'extraits ou d'arrangements[8]. En 1763, est créé Le Milicien sur un livret d'Anseaume, où se retrouve pour la première fois un des personnages favoris de l'opéra-comique, le vieux soldat à la fois comique, bourru et au grand cœur[10].
« Si Duni ne doit pas être compté parmi les meilleurs compositeurs d'opéras-comiques, on ne peut lui contester son importance en tant que précurseur. Il fut le premier à obtenir un succès durable avec une musique entièrement nouvelle et originale sur des livrets français[10]. » En outre, « il a été l'un des premiers à définir clairement certains types et certains sujets d'opéra-comique, qui devaient être développées plus tard par d'autres compositeur : la comédie farce à l'intrigue amoureuse, très proche de l'opéra bouffe italien, la pastorale ou paysannerie […], le conte féerique […] et le drame sentimental qui devait connaître une si grande popularité à la fin du XVIIIe siècle[10]. »
Egidio Duni est l'auteur de près d'une quarantaine d'opéras bouffes ou comiques : une douzaine d'opéras italiens et de vingt-deux opéras-comiques français à partir de 1756, dont les principaux sont : Le Peintre amoureux de son modèle (1757), La Fée Urgèle (1765) et Les Moissonneurs (1768)[1]. Il a aussi composé de la musique religieuses, messes, litanies, psaumes… et un peu de la musique de chambre.
Giuseppe Riconosciuto - Nicola Sette, ténor ; Rossella Ressa, Maria Palmitesta, Antonella Rondinone et Marilena Notarstefano, sopranos ; Assia Polito, mezzo-soprano ; Orchestre Baroque du festival Duni de Matera, dir. Vito Paternoster (18 septembre 2001, 2 CD Bongiovanni) (OCLC51393561)
Les deux chasseurs et la laitière - Agnieszka Budzińska-Bennett, soprano (Perette) ; Maciej Straburzyński, baryton (Guillot) ; Łukasz Wilda, ténor (Colas) ; Accademia dell'Arcadia, dir. Roberto Balconi (13/16 juillet 2010, Estrada Poznańska) (OCLC894952986)
↑Marie-Claire Beltrando-Patier (préf. Marc Honegger), Histoire de la musique : La musique occidentale du Moyen Âge à nos jours, Paris, Bordas, coll. « Marc Honegger », , 630 p. (ISBN2-040-15303-9, OCLC9865081, BNF34724698), « L'opéra de 1720 à 1766 : Les novateurs », p. 280.
Jean Monnet, Supplément au Roman comique, ou Mémoires pour servir à la vie de Jean Monnet, ci-devant directeur de l'Opéra-Comique à Paris…, vol. 2, Paris, , 192 p. (BNF43162009, lire en ligne), p. 51–52.
Charles-Simon Favart, « Éloge de Duni », dans Nécrologue des hommes célèbres de France, Paris 1776
Marc Honegger, « Duni : 2. Egidio Romualdo », dans Dictionnaire de la musique : Les hommes et leurs œuvres, Éditions Bordas, coll. « Science de la Musique », , XV-597 p., Tome I (A-K) (ISBN2-04-010721-5, OCLC79735642), p. 297.
Gino Negri et Manola C. Steachi (trad. Sylviane Falcinelli, Dominique Férault et Mireille Zanutini Tansman), L'Opéra italien : histoire, traditions, répertoire [« L'Opera italiana »], Paris, Flammarion, , 347 p. (ISBN2-08-012059-X, OCLC319758592, BNF43175344), p. 183–184
Sylvie Mamy, « Duni, Egidio [Romualdo] », dans Marcelle Benoit (dir.), Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fayard, , xvi-811 (ISBN2-213-02824-9, OCLC409538325, BNF36660742), p. 254.
Encyclopédie de la musique (trad. de l'italien), Paris, Librairie générale française, coll. « Le Livre de poche/Pochothèque. Encyclopédies d'aujourd'hui », , 1 142 (ISBN2-253-05302-3, OCLC491213341), p. 234