Une fabrique de jardin est une construction à vocation ornementale prenant part à une composition paysagère au sein d'un parc ou d'un jardin. Elle sert généralement à ponctuer le parcours du promeneur ou à marquer un point de vue pittoresque[1]. Prenant les formes les plus diverses, voire extravagantes, les fabriques évoquent en général des éléments architecturaux inspirés de l'Antiquité, de l'Histoire, de contrées exotiques ou de la nature. Les premières fabriques apparaissent dans les jardins anglais au début du XVIIIe siècle et se répandent avec la mode des jardins paysagers. De véritables parcs à fabriques voient ainsi le jour au cours des xviiie et xixe siècles.
Selon Michel Baridon, l'une des premières fabriques de jardin serait les ruines d'un ancien manoir, le manoir de Woodstock, présent dans le parc du château de Blenheim. Alors que la duchesse de Marlborough demande à l'architecte John Vanbrugh de détruire ces vestiges, celui-ci parvient à la convaincre de les intégrer dans la composition paysagère du parc irrégulier[2]. Ces constructions sont alors désignées sous le terme anglais de folly. Dès le XVIIIe siècle, le terme « fabrique » est utilisé pour désigner ce type de construction : « Tous les bâtiments d'effet et toutes les constructions que l'industrie humaine ajoute à la nature, pour l'embellissement des jardins[3]. » C'est sans doute Claude-Henri Watelet qui utilise le terme de fabrique pour la première fois pour les jardins dans son Essai sur les jardins (1774). Il rédige d'ailleurs l'article « Fabrique » dans l’Encyclopédie : terme utilisé alors dans le domaine de la peinture. Watelet incite les architectes à utiliser ces compositions[4].
Par leur disposition et leur succession, elles assuraient l'articulation des points de vue et ponctuaient les circuits de promenade. L'implantation des fabriques dans le jardin pouvait répondre à une simple recherche du pittoresque, mais le romantisme de la fin du XVIIIe siècle enrichit leur disposition d'une dimension philosophique. La succession des fabriques sur le parcours du promeneur devenait alors un support à la réflexion : cénotaphe, temple de la philosophie[5], ermitage, grotte.
Au-delà de leur aspect décoratif, l’aspect utilitaire de ces édifices fut souvent oublié par le temps. Pour cette raison, les fabriques de jardin furent parfois qualifiées de « bâtiments incompris[6] ».
On regroupe couramment les fabriques de jardin en quatre typologies pittoresques principales :
les fabriques classiques : inspirées de l’antique, elles comportent les temples, rotondes ou colonnades à motifs antiquisants ;
les fabriques exotiques, qui s’inspirent des pays lointains. Ce sont les pagodes, portes chinoises, pyramides ;
les fabriques naturelles, qui reproduisent des dolmens, des grottes ou des rochers artificiels ;
les fabriques champêtres : chaumières, huttes, et reproductions d’architectures vernaculaires.
Selon l’importance des parcs, les quatre typologies cohabitent ou se succèdent dans le déroulement d’une promenade et la découverte du jardin. On peut y ajouter des bâtiments utilitaires mais traités avec un souci d'architecture soignée comme les audiences et les glacières.
Si les fabriques qui ont subsisté furent construites en dur, parfois pour sembler partiellement en ruine, la plupart d'entre elles ont disparu avec la réduction des parcs sous la pression urbaine[7].
Pour cette raison, et la légèreté de leur construction aidant, de nombreuses fabriques ont été déplacées. Ces changements de site ont malheureusement rompu la lecture du cheminement philosophique qui avait présidé à leur implantation.
Les restaurations des fabriques mettent en général l'accent sur la reconstitution de la construction, oubliant l'aspect essentiel de leur environnement naturel. Les fabriques font partie intégrante des constructions végétales d'un jardin, avec lesquelles elles ont été conçues. La restauration des édifices doit donc aller de pair avec la restitution des arrangements végétaux (écrans de buissons, coloris des feuillages, trouées ou points de vue ménagés dans la végétation. Sur ce plan, la récente restauration du jardin anglais du Petit Trianon de Versailles est en tout point exemplaire.
Méréville (Essonne) : dans le parc du château de Méréville furent édifiées plusieurs dizaines de fabriques (grottes, colonne rostrale, cénotaphe de Cook, laiterie, temple de la Piété filiale, cascade, ponts). La plupart d'entre elles ont été vendues à la fin du XIXe siècle et déplacées au parc de Jeurre.
L'Irlande se caractérise également par ce que l'on appelle les « fabriques de la famine ». Lors de la grande famine de 1845-1849, due à la maladie de la pomme de terre, un million de personnes trouvèrent la mort. Dans la mesure du possible, il fallut aider les familles les plus pauvres. Toutefois, la mentalité de l'époque excluait l'idée de dédommager sans contrepartie les agriculteurs ruinés. Or, parallèlement, il eût été impossible de leur fournir du travail, car cela eût privé les ouvriers de leurs revenus. On recourut alors à une solution originale qui consista à leur proposer un travail inutile pour lequel ils recevraient une rétribution. Ainsi naquirent les « fabriques de la famine », constructions absurdes et aménagements sans objet : routes pavées qui ne menaient nulle part, murs extérieurs d'édifices inexistants, appontements au milieu des tourbières[8].
Une cinquantaine d'années plus tard, la McCaig's Tower, en Écosse, dut sa création à des impératifs du même ordre.
Portmeirion : ensemble de constructions formant un « village ». Il s'agit du « Village » créé par Sir Clough Williams-Ellis et où fut tournée la série télévisée Le Prisonnier des années 1970.
Marie-Hélène Bénetière, Jardin, vocabulaire typologique et technique, Éditions du patrimoine/Monum, , « Fabrique de jardin », p. 170.
Caroline Holmes (photographies de Nic Barlow, introduction de Tim Knox), Folies et fantaisies architecturales d'Europe, Paris, Citadelles & Mazenod, (ISBN978-2-85088-261-6), p. 22-27.
Monique Mosser, « Les architectures paradoxales ou petit traité des fabriques », inMonique Mosser et Georges Teyssot, Histoire des jardins : de la Renaissance à nos jours, Paris, Flammarion, , 542 p. (ISBN2-08-010836-0), p. 259-276.