Nom de naissance | Frédéric Charles Antoine Dard |
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Alias |
San-Antonio, Frédéric Charles, Frédéric Antony, Max Beeting, Maxel Beeting, William Blessings, Eliane Charles, Leopold Da Serra, Antonio Giulotti, Verne Goody, Kill Him, Kaput, Cornel Milk, L'Ange Noir, Wel Norton, F. D. Ricard, Sydeney |
Naissance |
Jallieu (Isère), France |
Décès |
(à 78 ans) Bonnefontaine (Fribourg), Suisse |
Activité principale |
Romancier |
Distinctions |
Genres |
roman policier, espionnage |
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Frédéric Dard, né le à Bourgoin-Jallieu (Isère) et mort le à Bonnefontaine (Fribourg) en Suisse, est un écrivain français principalement connu (dans une production extrêmement abondante) pour les aventures du commissaire San-Antonio, souvent aidé de son adjoint Bérurier, dont il a écrit 175 aventures entre 1949 et sa mort en 2000.
Parallèlement aux San-Antonio (l'un des plus gros succès de l'édition française d'après-guerre), Frédéric Dard a produit sous son nom ou sous de nombreux pseudonymes des romans noirs, des ouvrages de suspense psychologique, des « grands romans », des nouvelles, ainsi qu'une multitude d'articles. Débordant d'activité, il fut également auteur dramatique, scénariste et dialoguiste de films.
Le père de Frédéric Dard, Francisque, d'abord chaudronnier dans la société Diederichs, lance une entreprise de chauffage central à Bourgoin-Jallieu[1]. Sa mère, Joséphine-Anna Cadet, est fille d'agriculteurs. Frédéric Dard naît avec le bras gauche[2] atrophié, inerte[3].
Ses parents, très occupés par l'affaire familiale, le font élever par sa grand-mère Claudia Berlet qui l'incite à dévorer Les Pieds Nickelés autant que Les Misérables. Il en gardera un souvenir ému et le goût pour la lecture. Le jeune Frédéric surmonte son handicap en puisant dans ses lectures et son imagination. Ne pouvant jouer avec les autres enfants, il se rattrape en leur racontant pendant les récréations les derniers films à l'affiche et, quand il ne les a pas vus, fait preuve d'une grande imagination pour les inventer[4].
Le krach de 1929 précipite le déclin de l'entreprise familiale, qui est mise en faillite. Tous les biens des parents sont saisis, sous les yeux du jeune Frédéric. La famille émigre alors à Lyon, dans un petit appartement du 45, boulevard des Brotteaux. Son père devient contremaître en usine et sa mère travaille dans une boulangerie. Frédéric suit sans grand intérêt des études de comptable à l'école La Martinière[5]. Il est présenté en 1938 à Marcel E. Grancher, le fondateur des Éditions Lugdunum et du journal Le Mois à Lyon, par son oncle, ouvrier-mécanicien dans un garage automobile que Grancher fréquente. Engagé comme stagiaire, il assume peu après un rôle de secrétaire de rédaction, officiellement à la fin de l'été 1940, puis de courtier en publicité. Ses premiers articles, certainement encouragés par ses aînés comme le docteur Edmond Locard ou le romancier Max-André Dazergues, sont publiés anonymement dans le journal dès 1939. Il écrit également une critique sur L'Expérience du docteur Mops, un auteur de romans de science-fiction. Il considère ce roman comme « très curieux » en ajoutant que Jacques Spitz a su créer un genre qui « hésite entre HG Wells et Pierre Véry », ce qui sous-entend une certaine admiration pour le style de Spitz[6].Enfin journaliste, le métier qui l'attire depuis longtemps, il passe à l'écriture à proprement parler et publie fin son premier livre La Peuchère (une nouvelle paysanne, ainsi que la qualifiera son éditeur Marcel Grancher), son premier vrai roman, Monsieur Joos, récompensé par le premier Prix Lugdunum décerné sur manuscrit lui apportant enfin en la notoriété.
Frédéric Dard se marie en avec Odette Damaisin (1923–2018), dont il aura deux enfants, Patrice (né en 1944) et Élizabeth (1948–2011)[7]. Il s'installe avec sa femme à Lyon, dans le quartier de la Croix-Rousse, au 4 rue Calas, où il réside entre et [8].
Frédéric Dard écrit des livres pour enfants et des romans populaires pour nourrir sa famille, rencontre des écrivains repliés à Lyon. Sa notoriété commence à dépasser les limites de la capitale rhodanienne. Très influencé par le roman américain (Faulkner, Steinbeck) et surtout par le Britannique Peter Cheyney, il se lie avec Georges Simenon, qui lui rédige une préface pour son livre Au Massacre mondain. Sous la houlette de Clément Jacquier, il écrit des romans avec ses premiers pseudonymes pittoresques : Maxell Beeting, Verne Goody, Wel Norton, Cornel Milk, etc.
Sur un coup de tête (il a pris ombrage d'un livre de Marcel E. Grancher, qui le cite dans ses souvenirs), il part en 1949 s'installer aux Mureaux avec sa famille, dans un pavillon de banlieue. Après quelques années de vaches maigres, il connaît ses premiers succès d'écriture, au théâtre (notamment La Neige était sale, adaptation du roman de Simenon, montée par Raymond Rouleau au Théâtre de l'Œuvre en ). C'est en 1949 que paraît Réglez-lui son compte !, roman policier signé San-Antonio, et qui est un échec commercial. Il rejoint alors les éditions du Fleuve noir, où il va côtoyer Jean Bruce et Michel Audiard, et y publie deux romans : Dernière Mission, et le deuxième San-Antonio, Laissez tomber la fille.
En 1954 Frédéric Dard et Robert Hossein montent au Grand-Guignol Les Salauds vont en enfer, première pièce d'une longue collaboration théâtrale.
La notoriété naissante du commissaire San-Antonio engendre un succès qui, dès lors, ne le quittera plus. Dard écrit vite et beaucoup, au rythme de quatre à cinq ouvrages par an : romans policiers, romans d'espionnage ou d'épouvante, scénarios, adaptation de roman pour le cinéma. En 1964 il obtient le record du nombre de ventes de l'année en France avec L'Histoire de France vue par San-Antonio (350 000 exemplaires vendus)[9].
Cependant, sa vie de couple avec Odette Damaisin n'est pas heureuse. De 1966 à 1968, trois de ses romans illustrent cette période rendue encore plus douloureuse par son trouble bipolaire[10]. Le mercredi il tente de se pendre dans sa propriété « Les Gros Murs » à Meulan (Yvelines) ; transféré dans une clinique parisienne, il sera sauvé in extremis et pourra reprendre ses activités les semaines suivantes. Il se remarie le avec Françoise de Caro, la fille d'Armand de Caro, le cofondateur des éditions Fleuve noir. En 1968 il prend la route de la Suisse avec sa nouvelle femme. Le couple se fait construire le « chalet San-Antonio » à Gstaad. Ils ont une fille, Joséphine, née en 1970, qui épousera Guy Carlier en 2006. Quelques semaines après sa naissance, le couple Dard adopte un jeune Tunisien, prénommé Abdel.
Avec le temps il commence à prendre du recul, accorde de longues interviews à la presse. En 1975 il fait paraître Je le jure, signé San-Antonio, un livre d'entretiens où il évoque son enfance, ses débuts, sa famille, ses idées[11]. En 1978 il acquiert à Bonnefontaine (Suisse) une ferme du XVIIIe siècle qu'il restaure : c'est dans ce domaine de L'Eau vive qu'il poursuit son œuvre en composant une centaine de romans et de nombreuses peintures, sa vocation contrariée[12]. La même année il écrit Y a-t-il un Français dans la salle ? Son éditeur et beau-père lui fait réaliser que s'il signe Frédéric Dard il en vendra 50 000 exemplaires, et que s'il signe San-Antonio il en vendra dix fois plus. Il choisit la seconde option : l'auteur Frédéric Dard disparaît pour toujours derrière l'écrivain San-Antonio[13].
Le Joséphine, âgée de treize ans à l'époque, est enlevée[14] la nuit pendant son sommeil par un homme qui monte au premier étage de leur villa de Vandœuvres (Suisse), se faufile dans sa chambre, la drogue et s'enfuit avec elle dans un appartement à Annemasse[15]. Le ravisseur, Édouard Bois-de-Chesne[16], est le cadreur d'une équipe de télévision suisse venue auparavant faire un reportage sur le romancier[17]. Elle sera libérée cinquante heures plus tard contre le versement d'une rançon de 2 millions de francs suisses grâce au chalet de Gstaad qui venait d'être vendu. Le ravisseur sera arrêté après avoir été repéré en parlementant avec Dard au téléphone sous un masque de Mitterrand, pour fausser sa voix. Il fut condamné à 18 ans de prison en et la rançon fut récupérée, mais l'épisode aura longtemps traumatisé Frédéric Dard et sa fille[18].
Il noue des liens très forts avec le R. P. Bruckberger (à qui il dédiera La Sexualité…) et avec l’écrivain Albert Cohen. Il se passionne pour la peinture, notamment les œuvres de Domenico Gnoli, peintre hyperréaliste, ou celles de René Magritte, peintre surréaliste. Il rend hommage à l'œuvre du poète belge Louis Scutenaire.
Frédéric Dard meurt le à son domicile de Bonnefontaine, en Suisse. Il est inhumé suivant ses volontés au nouveau cimetière de Saint-Chef en Dauphiné (Isère), village où il a vécu, enfant, en 1930, dans une maison appartenant à la famille de sa mère et où il aimait se ressourcer. Un musée y est en partie consacré à son œuvre. L'ancienne école de Saint-Chef, qu'il a fréquentée, porte une plaque commémorative rappelant ce fait.
À la mort de son père, son fils Patrice a poursuivi jusqu'en 2016 l'écriture des San-Antonio.
Frédéric Dard raconte qu'il a choisi le pseudonyme « San-Antonio » sur une carte du monde, en faisant jouer le hasard. Son doigt a pointé sur la ville de San Antonio au Texas. Il a inséré dans ce nom un trait d'union qui n'existait pas dans le toponyme américain, mais qui était conforme aux règles de l'orthographe française traditionnelle (on a longtemps écrit : New-York, etc.). Il faut néanmoins souligner que le trait d'union n'arrive que très progressivement dans son pseudonyme, à mesure que se multiplient les publications : absent dans le premier ouvrage de la série, Réglez-lui son compte !, paru en 1949, il apparaît et disparaît dans le nom d'auteur au fil des titres que publie le Fleuve Noir, avant d'être définitivement retenu à partir de 1958 dans le roman Du poulet au menu. Dès ce moment l'auteur a alors tenu à la présence du trait d'union entre les deux composantes de son nom d'écrivain et n'hésitait pas à interpeller directement dans ses romans les lecteurs ne respectant pas cette orthographe, tout comme il rabrouait également les lecteurs écorchant ce pseudonyme en le prononçant (« Santonio », « Santantonio », etc.) ; mais il finira par user lui-même de ces transformations pour le plaisir de la variation ludique[19]. Il utilisait également l'abréviation de « San-Antonio » en « Sana », « San-An » ou « San-A. ».
Pseudonymes approuvés par Frédéric Dard lui-même[20]
Nègre :
Les pseudonymes ci-dessous sont très probables[22] : Antoine, F. Antonio, Charles Antoine, Antoine Charles, Paul Antoine, Charles d’Ars, Charles, Charles Richard, Fred Charles, Fr. Daroux, Fredard, Jules, Patrice, Guiseppe Papo, Jérôme Patrice, Severino Standeley, Areissam (Frédéric Dard n'a reconnu qu'un seul texte de ce pseudo et en a réfuté cinq), Jules Antoine et Charly (l'attribution de ces deux pseudos à Frédéric Dard est tout à fait vraisemblable, mais malheureusement, les textes correspondants n'avaient pas pu lui être soumis), Freroux (pas prouvé non plus. Nous ne savons pas ce qu'il faut en penser car il y avait dans la bande des auteurs Jacquier quelqu'un qui s'appelait Roger Roux, et que Frédéric Dard appelait parfois le frère Roux), Dudley Fox (personnage du livre La mort silencieuse, signé Sydeney).
Pseudonymes réfutés par la famille de Frédéric Dard :
De nombreux autres pseudonymes lui sont attribués sans avoir été reconnus par l'auteur : Fred Astor, Frederick Antony, Antonio, Norton Verne, Alex de la Clunière, Alex de la Glunière, Antonio Giulotti, Charly, Charles Daroux, Dudley Fred-Charles, F. Dacié, Quatremenon, Patrice, Frédéric Jules, Freddy Jules-Albert, Georges Antoine, Jérôme le Coupe-Papier, Joos, Jules Patrice, Léopold M. Norton, F.-R. d’Or, Patrick Svenn, Marcel G. Prêtre[25]...
Frédéric Dard a écrit officiellement deux cent quatre-vingt-huit romans, vingt pièces de théâtre et seize adaptations pour le cinéma.
À l'occasion du dixième anniversaire de la mort de Frédéric Dard :