Naissance | |
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Université de Paris Collège de Beauvais (d) |
Activités |
Médecin, chirurgien, professeur, médecin écrivain, épistolier |
Enfants |
Robert Patin (d) Charles Patin |
A travaillé pour | |
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Maîtres |
Lettres de Gui Patin (d) |
Guy ou Gui Patin (lui-même signe toujours Guy), né le à Hodenc-en-Bray dans l'Oise à environ 15 km au nord-ouest de Beauvais et mort le à Paris, est un médecin et un épistolier français.
D'une famille du Beauvaisis, Guy Patin est le fils de François Patin, sieur des Préaux, avocat[1] et intendant de Gaspard d'Auxy-Monceaux, et de Claire Manessier. Il est né au hameau de La Place, à 2 km au nord-est du centre du bourg qui s'appelle alors Houdan. Il est l'aîné d'une fratrie de sept enfants, deux garçons et cinq filles[2]. C'est son père qui commence son éducation en lui faisant lire « encore tout petit » les Vies parallèles de Plutarque ; à partir de 9 ans il fait ses petites classes à Beauvais, puis il est envoyé vers 13 ans étudier la philosophie deux ans à Paris au collège de Boncourt. En désaccord avec son père, mais surtout avec sa mère (qu'il ne voit alors plus pendant cinq ans), qui souhaite lui faire embrasser la carrière ecclésiastique, il entreprend des études de médecine en 1622 et, alors sans ressources, il travaille comme correcteur d’imprimerie (aux dires de Théophraste Renaudot et de Pierre Bayle[3]). Mais ses parents finissent par s'amadouer et lui payer ses études de médecine[4].
Il est reçu docteur en médecine le [5] et quelques semaines plus tard il reçoit le grade de docteur régent[6],[7] de la Faculté de médecine de Paris. Il préside sa première de thèse le [8] ; il en est élu doyen le [9], renouvelé pour une année (comme c'est alors la coutume) le . Son décanat dure donc 2 ans[10]. Le , il est nommé professeur d'anatomie, botanique et pharmacie du Collège Royal de France[11], en survivance de son maître Jean Riolan ; il y prononce sa leçon inaugurale le [12] ; il prend complète possession et jouissance de sa chaire après la mort de Riolan, le . Guy Patin ne brille guère comme scientifique ; il sert même sans doute de modèle à Molière pour le personnage de Thomas Diafoirus de son Malade Imaginaire[13]. Dans sa correspondance (française et latine) comme dans ses thèses (toujours en latin), Patin se montre opposé, ou au mieux indifférent, aux nouveautés physiologiques (circulation du sang, de la lymphe) ou thérapeutiques (antimoine, quinquina)[14] de son temps. Il s'opposa ainsi à Jean Chartier[15] sur l'antimoine, et à William Harvey sur la circulation du sang.
Ses maîtres à penser sont Hippocrate et Galien, et leur kyrielle de disciples dogmatiques. Comme celle des médecins orthodoxes de son temps, la méthode médicale de Patin repose sur l'observation du cours de la maladie (crudité, coction, crise)[16], et sur la restauration du bon équilibre des humeurs par la saignée vigoureuse et la purge modérée : « Les pharmaciens de vos quartiers mentent aussi impudemment que les nostres, afin de debiter leurs drogues. Voici la vérité du vin emetique, afin qu'ils n'en facent acroire à personne. »[14].
Si Patin ne brille pas par ses talents de médecin ouvert aux nouvelles découvertes, il est très connu de son vivant comme polémiste en faveur non seulement de la tradition médicale orthodoxe, mais aussi en faveur de la Faculté de Paris contre celle de Montpellier réputée pour son enseignement des méthodes modernes nouvelles. Un célèbre procès l'oppose en 1644 à un médecin de Montpellier, Théophraste Renaudot, qui entend exercer la médecine, et l'enseigner au pied du malade, dans son bureau d’adresses (un centre de soins aux indigents) de Paris. L’érudition et la présence d’esprit de Patin, au service de sa méchanceté contre Renaudot, fait l’admiration lors de sa plaidoirie pour la Faculté de médecine de Paris. « M. Patin gagna hautement sa cause contre lui »[17],[18].
Ses conférences publiques (alors appelées leçons) ne désemplissent pas, mais plutôt par leur verve souvent sarcastique et les satires que Patin aime brosser que par leur intérêt scientifique. Quand il est reçu à dîner, de grands seigneurs (comme Guillaume de Lamoignon, premier président du Parlement de Paris) plaçaient un louis d’or sous son assiette, « tant ils prenaient de plaisir à son entretien »[19].
De son vivant, Patin ne publie que peu de choses. Hormis ses thèses, dont plusieurs ont un grand retentissement dans toute l'Europe, il publie aussi ses Leçons au Collège de France [20], Les 11 observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires en 1648[21], le Traité de la Conservation de santé en 1632[22] et il participe à l'édition de plusieurs ouvrages médicaux rédigés par des auteurs qu'il admire : Jean Riolan et aussi son fils, médecin également, qui se prénomme aussi Jean, ou Daniel Sennert ou encore Caspar Hofmann[réf. nécessaire]. En 2022, le professeur d'histoire de la philosophie à l'Université du Piémont Oriental Gianluca Mori lui attribue la paternité du Theophrastus redivivus, alors que le livre est publié anonymement et que l'identité de son auteur est demeurée inconnue pendant quatre cents ans[23].
Sa bibliomanie (mot dont Vigneul-Marville lui attribue la paternité[24],[25]) est omniprésente dans ses lettres : « Patin avait l’ambition des humanistes, déjà vaine et fort dépassée au XVIIe siècle, de posséder tout ce qui avait été imprimé, d’avoir tout remisé dans sa bibliothèque et tout lu. Les mentions de livres, de thèses et de discours surabondent dans ses lettres »[26]. Il possédait l'une des plus riches bibliothèques privées de Paris.
Ses qualités d’esprit sont particulièrement manifestes dans ses Lettres, qu'il ne destinait pourtant pas à être publiées : « Mais dites-moi tout de bon, n’avez-vous point de honte de garder ces misérables paperasses ? Je vous conseille, et me croirez si me voulez obliger, d’en faire un beau sacrifice à Vulcain, cela ne mérite ni d’être gardé, ni d’être montré »[27], mais surtout, du fait des innombrables détails qu'il y donne, et lues avec tout le recul critique nécessaire, ces lettres sont une ressource de choix pour les historiens de la médecine et du premier XVIIe siècle, déjà depuis la fin XVIIe siècle[28] comme le confirme Suzanne Duval dans son ouvrage[29] et Loïc Capron enfonce le clou : « Patin vaut bien moins par sa personne que par les lucarnes sans nombre qu’il nous ouvre sur son temps »[30].
Guy Patin est un épistolier très prolifique et parfois redouté. Sa correspondance, commencée en 1630 et poursuivie jusqu'à sa mort, est double : française (plus d'un millier de lettres principalement écrites à deux médecins de Lyon, André Falconet et Charles Spon, à un médecin de Troyes, Claude Belin, et à un autre de Beaune, Jean-Baptiste de Salins) et latine (quelque 450 lettres écrites à plus de 60 savants d'Europe). Il y conte, par le menu, quantité de choses sur la médecine et les autres sciences, la religion, la politique, l'histoire ou les faits divers de son époque.
« Saillies et bons mots abondent dans ses lettres, avec des hardiesses de toutes sortes, une malveillance visible, beaucoup de passion, de la crudité et quelquefois de la grossièreté »[31]. Son style libre, plaisant, léger et humoristique l'a fait considérer comme un libertin érudit (mais sans la moindre incursion apparente dans le libertinage des mœurs). « Gui Patin, dit Vigneul-Marville, était satirique depuis la tête jusqu’aux pieds… Son chapeau, son collet, son manteau, son pourpoint, ses chausses, ses bottines, tout cela faisait nargue à la mode et le procès à la vanité. Il avait dans le visage l’air de Cicéron, et dans l’esprit le caractère de Rabelais. »[32].
Les premières publications de ses lettres interviennent vingt ans après la mort de Guy Patin. On sait maintenant que c'est son fils Charles qui les choisit, en les expurgeant et remaniant pour leur publication. Elles ont de nombreuses rééditions. Gustave Vapereau fait une recension de ces publications dans son ouvrage de 1876 Dictionnaire universel des littératures. Un travail exhaustif est entrepris au début du XXIe siècle par Loïc Capron, professeur de médecine de l'Université Paris-Descartes, qui aboutit à la mise en ligne d'une édition électronique à partir de , sur le site de la Bibliothèque interuniversitaire de santé de la Correspondance complète et autres écrits de Guy Patin[33]
À bien des égards, Guy Patin est à considérer comme un esprit du XVIe siècle égaré dans le XVIIe siècle. Pour la religion, il était catholique, du moins de façade, mais avec une profonde aversion pour Rome, son pape, ses moines et ses jésuites ; ce qui créait en lui une forte attirance pour le jansénisme et même le calvinisme[34]. Mais pour l'universitaire Gianluca Mori, il est précurseur en matière de profession d’athéisme, car il est l’auteur du livre Theophrastus redivivus, rédigé avec ses amis Gabriel Naudé (1600-1653) et Pierre Gassendi (1592-1655) et publié anonymement[23]. Il faut cependant se garder de vouloir pénétrer l'âme et les sentiments d'un homme dont une insigne particularité était d'être caméléon : il écrivait ce qu'il savait plaire à son correspondant, en se gardant soigneusement de le froisser en quelque façon. Joint à ses sarcasmes, ce trait ne rend guère le personnage attachant, mais ce qu'il raconte dans ses lettres est presque toujours intéressant, curieux ou plaisant.
Or, selon Bayle, « l'auteur s’y est peint au naturel, et c'est ce qui en rend la lecture plus agréable »[35].« Ses lettres, écrites pour l’intimité, montrent l’homme tout entier et au naturel. Familières, sans prétention, souvent enjouées, elles ont le laisser-aller d’une conversation et l’agrément d’une confidence. Les incorrections n’y manquent pas, et la phrase française y est fréquemment coupée par des passages en latin, langue que l’auteur affectionnait et écrivait avec élégance »[31].
Après 25 ans de travail sur toute la prose de Guy Patin, le professeur Capron écrit :« Une fois bien prévenu sur la personne de Guy Patin et sur l’immobilité de son dogmatisme, ses lettres et autres écrits méritent amplement d’être lus, pourvu que ce soit avec discernement : pour leur tournure singulière, pour leur curiosité historique et médicale, pour les multiples historiettes qui y fourmillent. Je n’y aurais sûrement pas consacré tant d’années s’ils ne m’avaient instruit, distrait et charmé, bien au-delà de tout ce qu’on peut justement leur reprocher »[36]
On connaît 1511 lettres écrites par Guy Patin, auxquelles il faut ajouter 98 lettres qui lui ont été envoyées. Ces lettres sont inégalement réparties entre 117 correspondants français et étrangers[37]. La majorité de la correspondance retrouvée est adressée à ces trois correspondants français : André Falconet, Charles Spon et Claude Belin. En effet, sur la totalité de la correspondance retrouvée, 955 lettres ont été adressées à ou reçues de ces trois derniers (soit 59,4% de la correspondance retrouvée). Les trois hommes sont médecins, deux d'entre eux exerçaient à Lyon (Charles Spon et Falconet), le dernier, Claude Belin était troyen. Le début de la rédaction de sa correspondance coïncide avec le lancement de sa carrière de médecine de la Faculté de médecine de Paris. Le reste de la correspondance ne permet de connaître l'assiduité des échanges et l'ampleur des relations que Guy Patin entretenait avec les autres correspondants. En effet, nombreuses sont les lettres uniques. Pierre Gassendi, Antoine Blampignon, Monseigneur François du Bosquet, Ismaël Boulliau, Willem Canter, Charles Challine, Michael Heinrich Horn, Hendrick Vander Linden, Bernhard von Mallinckrodt et Otto Sperling n'ont reçu qu'une lettre de Guy Patin entre 1630 et 1672[37].
Du mariage de Guy Patin avec Jeanne de Janson en 1628, naquirent dix enfants (dont cinq passèrent le bas âge)[38]. Deux de ses fils, Robert (né en 1639) et Charles Patin (1633), furent comme lui docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris. Ils firent la fierté de leur père, mais causèrent aussi la misère et l'immense détresse qui noircirent la fin de sa vie : Robert (mort en 1670) engagea des procès contre Guy Patin, provoquant sa ruine, et l'obligeant à céder sa très chère bibliothèque et sa belle maison[39] ; Charles, son fils préféré, empêtré dans un trafic de livres clandestins, dut s'enfuir de France à la fin de 1667 pour ne plus jamais revoir son père[40]. À la mort de ses beaux-parents, Madame de Janson décède en 1650[41], son épouse hérite de leur maison, une maison des champs comme l'écrit Patin, située à Cormeilles-en-Parisis, et sur laquelle il a beaucoup écrit car il s'y trouvait bien. Son épouse et ses enfants y ont beaucoup séjourné.
Guy Patin est mort le , à 71 ans. Il est enterré en l'église de Saint-Germain l'Auxerrois, face au Palais du Louvre[42].