Après avoir étudié le droit sous la direction de Jean Domat, dont l'influence se fait sentir à la fois dans ses écrits et dans son œuvre législative, d'Aguesseau fait une brillante carrière au service du roi. D'abord avocat du roi au parquet du Châtelet (1689), il devient en 1691, avocat général au Parlement de Paris, où il se fait remarquer par son éloquence[2]. Le , il est nommé procureur général, toujours au Parlement de Paris. Dans ces fonctions, il défend les libertés de l'Église gallicane et résiste à la promulgation de la bulle Unigenitus de 1713 condamnant le jansénisme, très bien implanté dans les milieux parlementaires[2]. Il doit contribuer, contre ses propres principes, à faire accepter par les Parlements la bulle papale Unigenitus de 1713 condamnant le jansénisme : il consent à l'exil des parlementaires rebelles et fait exercer le pouvoir d'enregistrement par le Grand Conseil.
En , après la chute du financier, il est rappelé, pour apaiser l'opinion. On dit que John Law lui-même avait préconisé son rappel et que cette circonstance jeta une ombre sur la popularité du chancelier. Le , il est à nouveau renvoyé, à l'avènement du cardinal Dubois comme principal ministre. Retiré dans sa propriété de Fresnes, il passe cinq années qu'il se remémore avec délices, étudiant les Écritures et la jurisprudence, sans omettre la philosophie et la littérature, et même le jardinage.
Après la mort du Régent, il est rappelé en 1727 par le cardinal Fleury. Il est nommé chancelier, le de cette année, même s'il ne retrouve les sceaux que dix ans plus tard, lors de la disgrâce de Chauvelin. Il rend un lustre considérable à la fonction de chancelier de France, abaissée sous ses prédécesseurs, perdant notamment l'essentiel du pouvoir de législation au profit du contrôleur général des finances. Le , il est nommé membre honoraire de l'Académie des sciences. Il en est deux fois le président, en 1729 et 1738[3].
Fleury lui ayant demandé de poursuivre l'œuvre de codification du droit engagée sous Louis XIV, il fait adopter, entre 1731 et 1747, par Louis XV quatre importantes ordonnances sur les donations (1731), les testaments (1735), le faux (1737) et les substitutions fidéicommissaires (1747). Elles sont préparées par un Bureau de législation placé auprès du chancelier et par des enquêtes auprès des cours supérieures. Les Parlements font obstacle à la poursuite de ce travail. Les réformes de d'Aguesseau améliorent également les procédures judiciaires et tendent à assurer davantage d'uniformité dans l'application des lois.
Néanmoins, en matière de droit des sûretés, appelé à se prononcer sur un projet de création d'un office de Conservateur des Hypothèques, vraisemblablement dans les années 1730-1750[4], le chancelier est beaucoup plus réservé et donne un avis bien tranché : « Rien n'était plus contraire au bien et à l'avantage de toutes les familles que de faire trop connaitre l'état et la situation de la fortune des particuliers[5] » et plus loin « […] en ruinant le débiteur, on ruine aussi le créancier[6] ».
Comme garde des sceaux de France, d'Aguesseau se montre souvent indécis, et manque de fermeté à l'égard des cours souveraines, dont il a pu encourager involontairement la tendance à la rébellion contre le pouvoir royal. En 1746, il signe le privilège de l'Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.
Le , il démissionne de ses fonctions de chancelier, prend sa retraite. Il meurt l'année suivante, le .
Magistrat et juriste éminent, orateur éloquent, d'Aguesseau n'est pas moins remarquable par ses qualités sociales, par sa piété et son immense instruction. Il s'occupe de philosophie : il laisse des Méditations métaphysiques, où il suit les pas de René Descartes[2]. Il a conçu un système de philosophie politique qui allie rationalisme cartésien, égalitarisme, morale janséniste et gallicanisme, et qui a une influence considérable au XVIIIe siècle, où il est le maître à penser d'un grand nombre de magistrats et de juristes. Son œuvre législative est considérée, à juste titre, comme aux origines de la codification napoléonienne.
Sur la place devant l'église Notre-Dame-d'Auteuil, se trouve un obélisque en marbre brèche rouge, dédié « aux mânes d'Aguesseau » (Henri François d'Aguesseau), érigé en 1753, et restauré l'an IX de la République[7]. Le socle, gravé de textes latins sur deux faces, porte sur la quatrième cette inscription : « La Nature ne fait que prêter les Grands Hommes à la Terre. Ils s'élèvent, brillent, disparaissent : Leur exemple et leurs ouvrages restent ».
L'une des quatre statues devant l'escalier du palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale est à son effigie. Réalisée par Jean-Joseph Foucou, elle fait partie d'un groupe de quatre statues de grands personnages de l'histoire de France. En 1989, lors d'une restauration, elles sont remplacées par des moulages.
La façade de l’hôtel de ville de Limoges, sa ville natale, porte un médaillon de céramique le représentant.
Henri-François-de-Paule d’Aguesseau (1698-1764), marié à Françoise-Marthe-Angélique de Nollent. Il a été successivement avocat du roi au Châtelet, avocat-général au Parlement, conseiller d’État en , conseiller au Conseil royal de commerce en 1757. Il a hérité de la bibliothèque de son père
Jean-Batiste-Paulin d’Aguesseau de Fresnes (1701-1784), comte de Compans et de Maligny. Il s'est marié en premières noces, en 1736, avec Anne-Louise-Françoise du Pré, dame de la Grange-Bleneau, morte le , en secondes noces, en 1741, avec Marie-Geneviève-Rosalie le Bret, morte en , et en troisièmes noces, en 1760, avec Gabrielle-Anne de la Vieuville. Il a été successivement conseiller au Parlement, commissaire en la seconde Chambre des Requêtes du Palais, maître des Requêtes, conseiller d’État ordinaire, en 1734, doyen du Conseil, prévôt-maître des cérémonies de l’Ordre du Saint-Esprit. Il a hérité à la mort de son frère de la bibliothèque de son père qui a été vendue après sa mort, en 1785[8]. De son premier mariage est issue Henriette-Anne-Louise d'Aguesseau (1737-1794). De son second mariage est né Henri-Cardin-Jean-Baptiste d'Aguesseau (1747-1826), marquis d'Aguesseau, diplomate et sénateur, dernier héritier mâle de cette branche portant le nom de d'Aguesseau
Henri-Louis d’Aguesseau ( -1747), maréchal de camp et chevalier de Saint Louis
Henri-Charles d’Aguesseau de Plaintmont ( -1741)
Claire-Thérèse d'Aguesseau (1699-1772), mariée en 1722 à Guillaume-Antoine (1683-1742), comte de Chastellux, vicomte d’Avallon, lieutenant-général des armées du roi
Les Œuvres du chancelier d'Aguesseau ont été imprimées en 13 volumes in-4 (1759-1789), mais l'édition la plus complète est celle de l'éminent juriste Jean-Marie Pardessus, publiée en 16 volumes in-8 (1818-1820) :
Sa correspondance a été éditée séparément par Dominique Bernard Rives (1823). Une sélection de ses principales œuvres parut, en deux volumes, sous le titre Œuvres choisies, avec une notice biographique, chez E. Falconnet (Paris, 1865).
La plus grande partie de ses travaux concerne des matières directement liées avec son activité politique, mais on y trouve aussi un Traité sur la monnaie, plusieurs essais théologiques, une biographie de son père qui est intéressante pour la manière dont il rend compte de l'éducation qu'il reçut de celui-ci dans sa prime jeunesse, et des méditations métaphysiques, qu'il a écrites pour tenter de démontrer qu'indépendamment de toute révélation et de toute loi positive, il y avait, dans la constitution de l'esprit humain, tout ce qui peut rendre l'homme maître de lui-même et de sa destinée.
L'hôtel de Bourvallais, dit aussi Hôtel de la Chancellerie, actuellement ministère de la Justice, au no 13 de la place Vendôme, à Paris, à partir de 1717.
Le château de Fresnes-sur-Marne, près de Meaux (après 1707), dont il ne reste absolument rien.
L'hôtel d'Aguesseau à Paris, emplacement du no 41 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré (détruit en 1842) a été la résidence de son frère, le conseiller au Parlement de Paris d'Aguesseau de Valjouan. Il est entré dans l'héritage du chancelier sans que celui-ci n'en fasse jamais sa résidence.
Auguste-Aimé Boullée, Histoire de la vie et des ouvrages du chancelier d'Aguesseau, Paris, Desenne, 1835, tome 1, tome 2.
Francis Monnier, Le Chancelier d'Aguesseau, sa conduite et ses idées politiques, son influence sur le mouvement des esprits pendant la première moitié du XVIIIe siècle, Paris, Slatkine- Megariotis reprints Genève 1975, (lire en ligne)
Isabelle Storez, Le chancelier Henri François d'Aguesseau (1668-1751). Monarchiste et libéral, Paris, Publisud, 1996, 635 p.
Isabelle Brancourt, « Le chancelier Henri François d'Aguesseau (1668-1751) », Thèse de doctorat (Université de Lille), , p. 621 (lire en ligne)
Arnaud de Maurepas et Antoine Boulant, Les ministres et les ministères du siècle des Lumières (1715-1789). Étude et dictionnaire, Paris, Christian-JAS, 1996, 452 p.
« D’Aguesseau », numéro 52 de la revue Corpus, mis en œuvre et introduit par Isabelle Storez-Brancourt, avec la collaboration de Mmes et MM. Christophe Blanquie, Louis de Carbonnières, Laurent Fedi, Françoise Hildesheimer, Patrick Latour, Claude Polin, Agnès Ravel-Cordonnier. Notice chronologique et bibliographie d’I. Storez-Brancourt. Publié avec le concours du CNL et de l’Université de Paris X-Nanterre, , 245 p.
Laurent Fedi, « La pédagogie du chancelier d'Aguesseau », La chouette et l'encrier, Kimé, .
Antoine Léonard Thomas, Notice historique sur le chancelier d'Aguesseau, dans Œuvres choisies du chancelier d'Aguesseau, Librairie de Firmin-Didot, Paris, 1877 (lire en ligne)