L’histoire génétique des populations européennes débute au Paléolithique supérieur avec l'arrivée en Europe il y a 45 000 ans des hommes modernes[2] venus d'Afrique via le Moyen-Orient.
Avec le dernier maximum glaciaire, un effet fondateur se produit, et provoque une augmentation de la pression sélective qui permet à une lignée de prendre de l'ampleur au Mésolithique. Ce premier groupe est appelé chasseurs-cueilleurs ouest-européens (West Hunter Gatherers ou WHG). La révolution néolithique voit l’arrivée d'un second groupe, des agriculteurs (Early European farmers ou EEF) venus de l’ouest de l’Anatolie. Puis, au cours de l'âge du bronze, parviennent en Europe les Yamnayas (Western Steppe Herders ou WSH) originaires des steppes pontiques. Cette population est notamment associée à l’expansion des langues indo-européennes.
La plupart des Européens modernes descendent de ces trois populations anciennes en des proportions différentes : la part de fermiers anatoliens (EEF) est plus importante en Europe du Sud, et l’ascendance chasseur-cueilleur de l’ouest (WHG) et Yamnayas (WSH) domine génétiquement l'Europe du Nord et du Nord-Est.
Les recherches sur la génétique des populations ont débuté à partir de la seconde moitié du XXe siècle, notamment avec les premières publications de Luigi Luca Cavalli-Sforza en 1964, mais le premier génome humain ne fut entièrement séquencé qu'en 2004. L’étude du génome des individus anciens devint plus accessible à partir des années 2010 grâce à l'équipe de Svante Pääbo, et accélère considérablement depuis 2014. Ainsi, les données actuelles sont récentes et évoluent au fil des nouvelles études.
La préhistoire des peuples européens peut être retracée par l’étude des sites archéologiques, de la linguistique et de l’ADN des Européens modernes ou des génomes anciens.
Les Néandertaliens ont occupé une grande partie de l’Europe et de l’Asie de l’ouest il y a au moins 130 000 ans, l’individu le plus ancien retrouvé en Europe datant de 430 000 ans. Ils y ont prospéré jusqu’à il y a environ 30 000 ans. Les hommes modernes quant à eux arrivèrent d'Afrique, via le Moyen-Orient, en Europe il y a environ 45 000 ans. La transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur en Europe se caractérise donc par le remplacement ou l’absorption partielle de l'homme de Néandertal par l'homme moderne.
Étant donné que les deux hominidés ont cohabité pendant un certain laps de temps, les anthropologues se sont longtemps demandé comment ils avaient pu interagir. Cette question fut résolue seulement en 2010, quand il fut démontré que les populations eurasiennes possédaient une moyenne d’1,5-2,1 % d’ADN néandertalien (1,8 à 2, 4 % pour les Européens et 2,3-2,6 % pour les Asiatiques de l’est)[3].
En effet, des découvertes réalisées par Svante Pääbo (Société Max-Planck pour le développement des sciences), Richard E. Green (Université de Californie) et David Reich (Harvard Medical School) en comparant le matériel génétique de trois Néandertaliens avec ceux de cinq hommes modernes, ont démontré un lien entre l’homme de Néandertal et les populations modernes non-africaines.
Par ailleurs, une étude de 2017 suggère que l’ADN néandertalien au sein des anciens Européens ne serait pas issu des populations néandertaliennes présentes en Europe au même moment[4]. L’introgression entre Néandertal et l’homme moderne aurait plutôt eu lieu au Proche-Orient il y a environ 60 000 ans avant l’arrivée de l’homme moderne en Europe[5].
Il y a pu avoir toutefois des mélanges sporadiques entre les deux espèces en Europe comme c’est le cas avec l’individu Oase 1 daté entre 42 000–37 000 ans retrouvé en Roumanie[6]. Cependant, l’individu n’étant pas plus étroitement apparenté aux Européens qu’aux Asiatiques de l’est, on peut en déduire que la population à laquelle il appartenait est restée sans descendance.
Du fait de la sélection naturelle, le pourcentage d’ADN néandertalien des anciens Européens a chuté progressivement à travers le temps. De 45 000 à 7 000 ans de notre ère, ce pourcentage est passé de 6 à 3 % en moyenne à 2 %[7].
Les premiers hommes modernes venus d'Afrique via le Moyen-Orient ont commencé à s’installer en Europe pendant le Paléolithique supérieur, il y a environ 45 000 ans. Les plus anciens restes en Europe ont été retrouvés en 2020 en Bulgarie dans la grotte de Bacho Kiro, et datés par leur ADN mitochondrial entre 44 830 et 42 616 ans de notre ère[8].
Les plus anciens individus séquencés en Europe-Eurasie de l’ouest, sont Ust-Ishim (Sibérie) daté de 45 000 ans et Oase1 (Roumanie) autour de 40 000 ans. Ces deux individus faisaient probablement partie des populations pionnières dans cette zone mais n’ont pas contribué au génome des populations européennes modernes. Il y a 39 000 ans, un supervolcan situé près de Naples (Italie) a projeté une nappe de cendres sur l’Europe. Cet évènement a pu provoquer un long hiver durant plusieurs années et exacerbé la compétition entre humains modernes et Néandertaliens. L’archéologie a montré qu’après cette couche, aucun outil néandertalien n’a plus été retrouvé et la plupart des lignées humaines semblent s’être éteintes. Il est donc probable qu’il y ait eu plusieurs vagues d’arrivées d’humains modernes en Europe[9].
À la suite de l’éruption volcanique, la culture aurignacienne s’étend en Europe et s’impose sur tout le continent.
Les cultures paléolithiques avant le dernier maximum glaciaire se caractérisent par des outillages, et des représentations symboliques particulièrement remarquables. Par exemple les peintures pariétales de la grotte Chauvet correspondent à la culture aurignacienne ou encore les « Vénus » paléolithiques sont liées au Gravettien.
Par ailleurs, « les données archéologiques et biomécaniques indiquent que les populations du Paléolithique supérieur ancien étaient mobiles et dispersées de l’Europe méditerranéenne jusqu’aux plaines russes. Les correspondances entre les composantes technologiques, symboliques et stylistiques de leurs cultures suggèrent que ces chasseurs-cueilleurs étaient capables de maintenir des contacts intergroupes et une continuité biologique sur de vastes territoires. Cela mène à considérer l’existence de réseaux d’échange, et d’un haut niveau de flux génétiques, entre des populations très distantes »[10].
Plusieurs haplogroupes semblent présents en Europe depuis le Paléolithique : Pour les lignées patrilinéaires du chromosome Y : L’haplogroupe C1a2, L’haplogroupe I (M170), l’haplogroupe R1 (M173). Pour les lignées matriliénaires de l’ADNmt : Martin Richards et al. ont établi que 15 à 40 % des lignées mitochondriales toujours existantes/actuelles telles U5, HV, I, U4, et H remontaient aux populations paléolithiques.[réf. nécessaire]
Le dernier maximum glaciaire (DMG) a été atteint il y a environ 20 000 ans. La période de glaciation a commencé il y a environ 30 000 ans, menant à une dépopulation de l’Europe du Nord. Selon un modèle qui a prévalu pendant longtemps, les populations auraient migré vers des refuges climatiques[11] :
Cependant, d'après des études plus récentes, le refroidissement climatique, particulièrement difficile autour de 25 000 ans (période du Gravettien tardif), aurait provoqué l’extinction de 60 % des populations à travers l’Europe, à l’exception des zones les plus au sud comme le Portugal qui sont restées assez stables. Ce phénomène a réduit ainsi l’ensemble de la diversité génétique en Europe. Par exemple, on constate à cette période la disparition définitive de l’haplogroupe mitochondrial M alors qu’il est présent dans les populations d’Asie de l’est actuelles. Selon Andreas Maier et Andreas Zimmerman de l'université de Cologne, il est toutefois possible que certains individus des zones plus au nord se soient aussi dispersés plus largement en Europe centrale[12].
Toutefois, la période ne peut se résumer uniquement à ces refuges. D’après une étude de 2015, les zones d’habitation à cette période y compris au plus fort du DMG n’étaient pas fragmentées et couvraient 36 % de l’Europe. La limite nord se situait globalement au niveau du centre de la France, du sud de l’Allemagne, de l’Ukraine et de la partie européenne de la Russie. Les zones ibériques et méditerranéennes furent néanmoins les lieux les plus favorables pour les chasseurs-cueilleurs[13]. L’Europe s’est repeuplée doucement à partir de 19 000 ans avec la fonte des glaciers.
Pendant longtemps il a été difficile de se représenter clairement les dynamiques des populations pendant cette période glaciaire car quatre individus seulement avaient été étudiés. Une étude de 2016 menée par le laboratoire de David Reich et portant sur 51 individus a permis d’apporter quelques éclaircissements.
D'une part, il a été déterminé que tous les individus anciens, datés entre 37 000 ans et 14 000 ans en Europe, descendaient d’une unique population ancestrale génétiquement isolée (c’est-à-dire qu’elle ne s’est pas croisée avec d’autres populations hors Europe).
Deux populations principales semblent avoir cohabité avant le DMG et pendant :
Tous les individus analysés à partir de 37 000 ans (comme Kostenki14 en Sibérie et Goyet Q116-1 en Belgique) partagent une parenté avec les Européens actuels[7].
En dehors de l'Europe, les restes retrouvés d'un jeune garçon de Culture de Malta-Buret, vers le lac Baïkal en Sibérie, qui a vécu il y 24 000 ans, permet d'établir une parenté entre Amérindiens et Européens. Des individus de sa lignée ont pu, il y a 15 000 ans, traverser le détroit de Bering par la Béringie et s'établir aux Amériques, Ce n'est que plus tard que d'autres membres de sa lignée s'établiront en Europe[16].
Il y a au moins 17 000 ans, un changement génétique important s’opère en Europe[17]. En effet, à partir de cette date, tous les individus d'Europe montrent une affinité génétique avec le Proche-Orient. Une migration importante a donc lieu à cette époque en Europe en provenance d'un refuge Sud-Est européen (Grèce, Bulgarie, Balkans), ou Ouest asiatique (Anatolie). Ces individus vont se regrouper génétiquement dans le cluster de Villabruna en Italie (14 000–7 000 ans). Pour le moment il n’a pas été déterminé précisément de quelles populations ces flux de gènes provenaient, l’étude des chasseurs-cueilleurs des Portes de Fer (Danube) peut néanmoins donner un début d’explication[18].
Le remplacement génétique presque complet du pool génétique associé au Magdalénien soulève l'hypothèse que certaines parties de l'Europe étaient peuplées de manière différentielle pendant la variation climatique abrupte commençant vers 14 700 AP avec la période de réchauffement de Bølling – Allerød, créant des zones où les populations du sud de l'Europe pouvaient connaître une expansion[17].
On distingue 3 populations importantes de chasseurs-cueilleurs du Mésolithique en Europe :
Les chasseurs-cueilleurs ouest-européens (WHG) forment un groupe homogène réparti de l'Atlantique à la Hongrie qui a prospéré pendant 6 000 ans. Ils se caractérisent par une ascendance associée à la lignée du cluster de Ripari Villabruna (en) (Italie). Ce cluster comprend des individus comme Villabruna dans le Nord-Est de l'Italie, daté de 14 000 ans, Loschbour au Luxembourg, Bichon en Suisse, ou encore Oriente C en Sicile[19] et a remplacé une bonne partie des lignées gravettiennes et magdaléniennes en Europe. Le cluster « Oberkassel » qui désigne les populations WHG est dominé par l'haplogroupe U5 de l'ADN mitochondrial humain (ADNmt) et l'haplogroupe I du chromosome Y[17].
Les chasseurs-cueilleurs de la péninsule Ibérique semblent toutefois issus d’un mélange génétique entre des individus de la lignée du cluster de Villabruna et des individus magdaléniens du cluster d’El Mirón[19]. Un tel mélange a été également retrouvé dans des chasseurs-cueilleurs mésolithiques de Charente en France, montrant que l’ascendance magdalénienne a également survécu hors de la péninsule Ibérique pendant le Mésolithique[20]. Les deux chasseurs-cueilleurs retrouvés en Irlande montrent que cette île était séparée du reste du continent à cette période bien que liée aux chasseurs cueilleurs de l’ouest et plus spécifiquement ceux d’Italie. Les chasseurs-cueilleurs de Grande-Bretagne, comme « Cheddar man » en revanche se regroupent parfaitement avec ceux du continent ce qui plaide pour l’existence du « Doggerland », région aujourd’hui sous la mer qui rattachait à l’époque la Grande-Bretagne au continent[21]. À ce stade de la recherche, le génome de ces individus indique une tendance à arborer une peau plus pigmentée et des yeux clairs[22],[23],[24].
Les chasseurs-cueilleurs de l’est (EHG) ont été retrouvés en Russie de l’Oural à la mer Baltique. Plusieurs individus ont été séquencés en Russie : quatre en Carélie (Nord-ouest du pays près de la Finlande) datant de 7 500 à 5 000 avant notre ère, et deux à Samara, dans les steppes près de l’Oural, entre 9 400 et 5 500 avant notre ère[26]. Ces chasseurs-cueilleurs sont affiliés à 70 % aux Nord-Eurasiens primitifs (Ancien North Eurasian dits ANE), chasseurs-cueilleur sde Sibérie du Paléolithique liés à la lignée du garçon de Mal’ta retrouvé près du lac Baïkal. Les EHG sont notamment porteurs des technologies proprement sibériennes de la poterie et des microlames. Étant situés génétiquement entre les ANE et les WHG, plusieurs hypothèses ont émergé sur leurs origines, notamment que cette population soit le fruit d’un mélange entre les deux populations ou d’individus affiliés à ces deux groupes[27]. La distinction génétique entre les WHG et les EHG est clairement perceptible dans la diversité des marqueurs hérités de manière uniparentale, les individus du cluster « Sidelkino » (EHG) montrant une fréquence plus élevée des haplogroupes d'ADNmt U2, U4 et R1b, et portent uniquement les haplogroupes du chromosome Y Q, R et J[17].
À partir de 7 000 ans avant notre ère, on observe une frontière entre les réseaux EHG et WHG dans une zone de mélange génétique entre les deux depuis l’ouest de la Baltique, jusqu’à la Roumanie et l’Ukraine dans la vallée du Dniepr. En effet les cimetières mésolithiques et néolithiques de la vallée du Dniepr contiennent des individus à dominance EHG mais avec une part d'ascendance WHG[28].
Le peuplement de l’Europe du Nord (Scandinavie, Est de la Baltique) n’est advenu qu’après la fonte des glaciers vers 9 000 ans avant notre ère[29]. Les chasseurs-cueilleurs scandinaves (SHG) sont issus d’un mélange génétique entre chasseurs-cueilleurs de l’ouest (WHG) et chasseurs-cueilleurs de l’est (EHG). Les premiers sont arrivés du sud vers 9 500 avant notre ère, tandis que les seconds sont arrivés de l’est vers 8500 avant notre ère[30].
Des chasseurs-cueilleurs retrouvés en Lituanie, Lettonie ou encore Estonie se recoupent avec les cultures de Kunda pour les plus anciens et de Narva pour les autres. Ils sont proches des WHG et des EHG mais ne semblent pas provenir directement de ces deux groupes, ce qui suggère l’existence d’une méta-population qui n’a pas encore été étudiée[31]. Ces chasseurs-cueilleurs se nourrissaient surtout grâce aux ressources marines et vivaient donc dans des implantations plus permanentes que les autres populations de chasseurs-cueilleurs[29].
Enfin, concernant l’ascendance en provenance du Moyen-Orient qui caractérise les WHG (cluster de Villabruna), les chasseurs-cueilleurs des Portes de Fer (9500 à 5500 avant notre ère) au niveau des actuelles Roumanie et Serbie peuvent donner un début d’explication. Ces chasseurs-cueilleurs se caractérisent par une ascendance essentiellement liée au WGH (87 %) et aux EHG dans une moindre proportion (13 %), ce qui suggère un mélange entre les deux populations. Cependant, les études ont démontré que ces chasseurs-cueilleurs possèdent également une ascendance chasseur-cueilleur d’Anatolie. Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer ce lien : soit un flux de gènes bidirectionnel entre les populations d’Europe du Sud-Est et l’Anatolie de l’ouest il y a plus de 15 000 ans à la fin de l’ère glaciaire ou une dispersion d’une population ancestrale des chasseurs-cueilleurs du sud-est de l’Europe au Moyen-Orient. Cette population ancestrale du sud-est de l’Europe se serait ensuite répandue en Europe centrale, résultant dans l’émergence des chasseurs-cueilleurs de l’ouest après le dernier maximum glaciaire[32],[33].
En Europe, la transition néolithique est caractérisée par une période d'innovations qui fait passer les différentes communautés d'un mode de vie nomade basé sur la chasse et la cueillette à un mode de vie plus sédentaire fondé sur la production alimentaire et la domestication de plantes et d’animaux tels que le blé, l’orge, le seigle, les petits pois, les vaches, les porcs et les moutons. Ce processus, initié dans le Croissant fertile entre 12 900 et 11 700 ans de notre ère, arrive en Anatolie de l’ouest, il y a environ 8 700 ans, avant de se diffuser peu après en Crète et en Grèce, atteignant les Balkans centraux il y a 8 200 ans avant de se répandre dans l’ensemble de l’Europe.
Cette transition s'est effectuée par l'arrivée en Europe d’une nouvelle population qui forme un groupe homogène : des agriculteurs venus d’Anatolie du nord-ouest qui vont constituer en Europe le groupe des fermiers européens du néolithique. Ils vont introduire notamment les haplogroupes G2a et H2[20].
Cette population de fermiers située originellement dans l’ouest de l’Anatolie (Barcin) descend directement des chasseurs-cueilleurs d’Anatolie, dont le plus ancien individu séquencé est le chasseur-cueilleur anatolien de Pınarbaşı au sud de l’Anatolie datant de plus de 15 000 ans. Ce chasseur-cueilleur est génétiquement affilié à 52 % aux WHG et à 48 % aux chasseurs-cueilleurs natoufiens du Levant (qui y vivaient il y a environ 14 000 ans)[34]. Ces derniers étaient chasseurs-cueilleurs mais n’étaient paradoxalement pas nomades. Ce sont les premiers humains à avoir laissé des traces d’habitations durables et des vestiges de grandes structures de pierre ; ils domestiquaient déjà activement les plantes sauvages[9]. Pour le moment les études n’ont pas pu déterminer où vivaient les ancêtres des Natoufiens.
L’agriculture commence à se développer en Anatolie à la période appelée « Néolithique précéramique ou acéramique A » autour de 10 000 à 8 500 ans. Les fermiers anatoliens de cette période dits acéramiques ont une ascendance à 90 % issue des chasseurs-cueilleurs d’Anatolie avec un léger apport d’ascendance du Caucase et d’Iran. Les individus de la période suivante, les « fermiers céramiques d’Anatolie » (autour de 6500 avant notre ère) sont directement issus des fermiers acéramiques d’Anatolie avec un petit apport (21 %) de populations du Levant[33].
Ces résultats montrent la continuité génétique en Anatolie. On peut en conclure que l’agriculture s’est développée dans cette zone par l’adoption de ces nouvelles technologies par les populations locales et non par un changement biologique massif. Aussi, cette population de fermiers anatoliens partie en Europe ne se regroupe pas avec les populations du Proche-orient actuel mais tend clairement vers l’Europe, elle est génétiquement proche des fermiers européens d’Allemagne, de Hongrie et d’Espagne[35].
Arrivant en Europe, cette vague néolithique donnera naissance aux cultures de Starčevo, de Vinča dans les Balkans et de Cucuteni – Trypillia entre les Carpates (actuelle Roumanie, Moldavie) et le Dniepr (actuelle Ukraine).
À partir des Balkans, les fermiers anatoliens ont emprunté deux routes distinctes :
Schématiquement, les fermiers de l’est du Rhin sont liés au groupe qui a pris la route du Danube, tandis que les fermiers à l’ouest du Rhin sont plus proches des fermiers ayant longé la côte méditerranéenne. Il semble que les groupes de fermiers d’Angleterre, d’Écosse et du pays de Galles soient également liés au groupe de fermiers néolithiques ayant longé la Méditerranée par l’intermédiaire des fermiers de la côte atlantique, mais aussi des fermiers de nombreuses régions de France (Normandie, région parisienne et Sud de la France).
Les études génétiques ont démontré que ces nouveaux agriculteurs avaient cohabité avec les chasseurs-cueilleurs européens pendant environ 2 000 ans sans mélange significatif, les deux groupes pouvant parfois côtoyer les mêmes lieux tout en gardant chacun leur mode de vie et leur propre diète[37]. Les femmes et les hommes agriculteurs ayant migré dans des ratios équilibrés, on peut émettre l'hypothèse de familles entières arrivées ensemble en Europe[38].
Peu à peu, entre 6 000 et 4 500 avant notre ère, l’ascendance chasseur-cueilleur augmente progressivement chez les fermiers, signe d'un mélange génétique entre les deux populations. Les agriculteurs voient leur ascendance de chasseurs-cueilleurs augmenter de 20 % par rapport à leurs prédécesseurs. En revanche, il ne semble pas qu’il y ait eu d’introgression significative des fermiers au sein des lignées chasseurs-cueilleurs. On peut émettre l’hypothèse, à l’aune de l’ethnographie moderne, que dans certaines circonstances des femmes chasseurs-cueilleurs pouvaient aller vivre chez les fermiers, plus rarement pour les hommes, et que les femmes des fermiers n’allaient pas vivre chez les chasseurs-cueilleurs car cela pouvait être considéré comme une rétrogradation sociale[37]. Un individu représentatif de cette population des premiers agriculteurs européens est Ötzi, l’homme des glaces, retrouvé dans les Alpes, 56 % de son génome appartenant à la population des chasseurs-cueilleurs et 44 % aux fermiers anatoliens[38].
En France, l’ascendance chasseur-cueilleur dans les populations d’agriculteurs est plus élevée qu’ailleurs et commence très précocement dès le début du Néolithique dans le sud de la France comme en témoignent les sites de Pendimoun et Les Bréguières. Ces chasseurs-cueilleurs sont des WHG et, pour certains individus comme les Néolithiques de Prissé-la-Charrière et du Bassin parisien, des Magdaléniens. Cela montre que les fermiers néolithiques se sont bien mélangés avec des populations locales[39]. Les Européens d’Allemagne, Espagne, Hongrie et Suède du Néolithique moyen (4 000–3 000 ans avant notre ère) sont situés génétiquement entre les premiers fermiers européens et les chasseurs-cueilleurs ouest-européens[40]. Par exemple, les individus de la fin du Néolithique (culture de Wartberg – 3 500-2 800 av. J.-C.) retrouvés dans un site mégalithique à Niedertiefenbach en Allemagne, ont en moyenne 60 % d'ascendance fermier d'Anatolie et 40 % d'ascendance chasseur-cueilleur ouest-européen[41].
L’expansion néolithique atteint la Scandinavie du sud 4 000 ans avant notre ère avec les fermiers de la culture des vases à entonnoir[29]. Toutefois, à partir de 3 500 ans avant notre ère, la culture de la céramique perforée se répand dans le sud de la Scandinavie principalement sur les côtes de Svealand, Götaland, Åland, le Danemark du nord-est et le sud de la Norvège. Cette nouvelle culture est liée à une population majoritairement issue des chasseurs-cueilleurs scandinaves du Mésolithique avec un léger flux de gênes issu des fermiers néolithiques[42].
L’Europe du Nord sur le côté oriental de la Baltique et l’Ukraine n’a pas connu un mélange immédiat avec les fermiers néolithiques puisqu’on retrouve des spécimens de chasseurs-cueilleurs sans trace des premiers fermiers européens jusqu’au milieu du Néolithique. Par ailleurs, l’agriculture n’a pas été adoptée dans ces régions avant la fin du Néolithique et la fin de l'âge du bronze ce qui est cohérent avec ces résultats[31]. Dans les pays baltes, on note au Néolithique une forte augmentation de la proportion de chasseurs-cueilleurs de l'Est correspondant aux individus de la culture de la céramique au peigne[32]. Pourtant l’élevage se développe quand même, et on a retrouvé en Lituanie un burin sculpté à partir d’une chèvre ou d’un mouton domestiqué. Ainsi, soit l’agriculture s’est développée sans présence des fermiers anatoliens ou par des relations entre les chasseurs-cueilleurs baltes et des communautés de fermiers[31].
En Ukraine, on constate également une continuité génétique entre le Mésolithique et le Néolithique, sans trace génétique de fermiers anatoliens[31].
Concernant la Grèce, quatre individus du Péloponnèse ne sont pas issus de la migration des agriculteurs d’Anatolie mais plutôt d’une migration différente, peut-être maritime, depuis la côte du Levant ou du Sud de l'Anatolie d’une population comprenant une plus forte ascendance iranienne que les agriculteurs anatoliens[32].
Globalement, la venue de cette nouvelle population a eu pour conséquences une intensification de l’agriculture, des changements de la poterie, et de la technologie lithique, ainsi que l’érection de mégalithes partout en Europe comme Stonehenge en Angleterre ou encore la construction de métropoles comme celle de Maydanets en Ukraine[43]. Selon l’archéologue Marija Gimbutas, leurs rituels plaçaient les femmes au centre de la scène[9].
Au cours du Néolithique, on verra l’émergence de nombreuses cultures liées à ces populations telles que la culture des gobelets à entonnoir, à amphores globulaires, la culture de Baden, la culture de Grossgartach dans l’est de la France, ou encore la culture de Michelsberg dans le nord de la France.
La transition entre le Néolithique final et l'âge du bronze au 3e millénaire avant notre ère est le témoin d'un changement majeur de population et de société en Europe occidentale. Elle inclut notamment une contribution génétique massive des pasteurs des steppes pontiques, les Yamnayas, dans la population locale. Ils sont les porteurs des haplogroupes R1a et R1b qui sont aujourd’hui majoritaires en Europe. Ils sont également les locuteurs d’une langue « indo-européenne » qui donnera la majorité des langues d’Europe.
Cette migration de la population Yamnaya a été deux fois plus rapide que celle des fermiers anatoliens, probablement car elle maîtrisait la technologie de la roue, la domestication du cheval et se déplaçait avec des chars[44].
Ces pasteurs sont affiliés à la culture Yamna dont on a retrouvé les représentants dans la région de la Volga en Russie. Cette population est globalement issue d’un mélange de chasseurs-cueilleurs de l’est (EHG) et de chasseurs cueilleurs du Caucase (CHG). Elle comporte également une ascendance liée aux fermiers anatoliens allant de 10 à 18 %.
En effet, la région de la Volga (Samara) est entièrement habitée au Mésolithique par des chasseurs cueilleurs de l’est (EHG), puis une composante caucasienne apparaît à l'époque énéolithique (5200-5400 avant notre ère), représentant autour de 20 %, pour croître progressivement et se stabiliser autour de 47 % à l’âge du bronze. La culture de Khvalynsk (Russie, région de la Volga) pourrait constituer le socle sur lequel se développera la culture Yamna[28]. De fait, trois individus de cette culture, séquencés datant de 4 500 ans avant notre ère sont composés d'un mélange d'ascendances chasseurs-cueilleurs de l’est (EHG) et chasseurs-cueilleurs du Caucase (entre 20 et 30 %) sans aucune trace d'ascendance liée aux fermiers d'Anatolie.
Ces points sont attestés grâce au jeune garçon de Culture de Malta-Buret, ayant vécu il y 24 000 ans près du lac Baïkal, dont les traces génétiques ne se retrouvent qu'à partir de 4 500 ans avant notre ère en Europe, montrant que la migration de sa lignée n'est arrivée qu'à ce moment-là[16].
Pour ce qui est de la composante caucasienne, le réseau initial des chasseurs-cueilleurs du Caucase (CHG) se trouvait dans les montagnes du Caucase, à l'est de l'Anatolie et à l'ouest du plateau Iranien. Les chasseurs-cueilleurs retrouvés sur le territoire de l’actuelle Géorgie ont des affinités génétiques avec les populations d’Arménie et d’Iran anciens et actuels. Deux individus ont été séquencés en 2015, l’un venant de la grotte de Satsurblia (daté de 13 300 ans au Paléolithique supérieur), l'autre dans la grotte de Kotias (d’environ 9 700 ans ce qui correspond au milieu du Mésolithique). Il en ressort une continuité génétique du Caucase entre le Paléolithique et le Mésolithique. Les ancêtres de cette population semblent avoir divergé de ceux des chasseurs-cueilleurs ouest-européens il y a 45 000 ans et des ancêtres des fermiers anatoliens il y a 25 000 ans[45].
Au début de l'âge du bronze, le Caucase était en contact avec les steppes notamment via la culture de Maïkop qui a émergé dans la première moitié du quatrième millénaire avant notre ère. Cette culture aurait donc pu contribuer à la formation de la culture Yamna en lui apportant l'ascendance chasseur-cueilleur du Caucase (CHG). En effet, cette civilisation était fortement influencée par des éléments de la Civilisation d'Uruk (Mésopotamie), ce qui pourrait indiquer des mouvements de population et des échanges. Les Yamnayas auraient hérité ainsi de la technologie des chariots, mais également de celle des kourganes[9]. Cependant, cette hypothèse a été remise en cause par une étude de 2018 de Chuan-Chao Wang : elle suggère que l'origine de l'ascendance liée aux fermiers d’Anatolie dans la culture Yamna viendrait directement d'Europe car elle inclut 20 % d'ascendance WHG. Cela suppose par élimination une ascendance caucasienne peu mélangée avec les fermiers d’Anatolie, ce qui ne correspond pas aux individus de la culture de Maïkop qui comportent entre 30 et 40 % d’ascendance fermiers d’Anatolie. Selon ce modèle, la culture de Maïkop n'aurait donc pas contribué génétiquement à la formation de la culture Yamna. Ce serait une population plus ancienne et encore non-déterminée qui serait entrée dans les steppes depuis le nord-ouest de l'Iran et l'Azerbaïdjan au moins 5 000 ans avant notre ère[46],[28].
L’expansion de la population Yamnaya en Europe se traduit par l’extension de la céramique cordée. La culture de la céramique cordée s’est étendue du nord-est de la Russie à la Suisse ou la Belgique à la fin du néolithique à partir de 2 900 avant notre ère. Cette culture est peut-être née de la rencontre des Yamnayas et des cultures à céramiques des régions baltiques : en effet les plus anciens sites relié à la culture cordée sont ceux de Kujavia et Malopolska en Pologne (2 880 ans avant notre ère) et peut-être le site letton de Zvejnieki où l’on a retrouvé un individu LN1 d’ascendance entièrement yamnaya[31]. Cette nouvelle culture s’est également étendue en Russie occidentale par la culture de Fatianovo, qui lui est similaire.
Les publications de paléogénétique consacrées à la culture de la céramique cordée indiquent un paradoxe notable : alors que les sépultures de la céramique cordée, en particulier celles datant de 2900 à 2700 av. J.-C., affichent toujours un degré élevé d'ascendance steppique (avec quelques-unes près de 100 %), seule une faible fraction d'entre elles ont jusqu'à présent le chromosome Y typique de Yamnaya, l'haplogroupe d'ADN R1b-Z2103. La majorité des chromosomes Y sont du type R1a distinct (presque tous de M417 et Z282), tandis que R1b est également représenté, mais avec L51 et U106[47].
En Bohême, la découverte d'ascendance de type du nord-est de l'Europe au début de la céramique cordée (CC), en conjonction avec l'absence de partage du chromosome Y entre les premiers mâles de la CC et des populations Yamna, suggère un rôle limité ou indirect des Yamnas connus dans l'origine et la propagation de la CC en Europe centrale. Ces résultats signifieraient une contribution des steppes forestières énéolithiques du nord-est de l'Europe au début de la CC, ou, scénario moins probable, que la diffusion de la CC dans cette région serait liée à une population de steppes jusqu'ici (2021) non échantillonnée[48]. Cette première hypothèse est partagée par le paléogénéticien Volker Heyd pour qui la signature génétiques des premières populations de la céramique cordée correspond le mieux aux populations des régions de steppe forestière immédiatement à l'est des Carpates, entre les rivières Prut/Dniestr et Dniepr[47] Les profils génétiques très divers (à la fois nucléaire et chromosomique Y) des premiers CC suggèrent une organisation sociale différente de ceux des derniers CC et des populations de la culture campaniforme, dont le motif chromosomique Y est révélateur d'une patrilinéarité stricte[48].
La culture de la céramique cordée introduit dans la région l'élevage et l'agriculture dans les steppes boisées. Aussi, la venue des Yamnayas s’est accompagnée d’une baisse des forêts et d'une augmentation des prairies et des pâturages en Europe[44]. Le système de valeur est en rupture brutale avec celui des sociétés néolithiques : l’inhumation individuelle sous tertre prend le dessus sur l’inhumation collective, apparition de stèles anthropomorphes, la figure du guerrier est très valorisée (massues, haches et marteaux retrouvés dans les tombes).
Deux hypothèses expliquent l'implantation de cette population sur ce continent déjà largement occupé. Une hypothèse mentionnée par David Reich serait que les terres exploitables n’étaient pas toutes occupées puisque les champs des agriculteurs étaient souvent entourés de forêts vierges ; il est probable que les pasteurs aient détruit des forêts et remodelé des lieux pour favoriser certaines activités. L'autre hypothèse se fonde sur la propagation des maladies. Dans une étude de 2015, Simon Rassmussen a analysé plusieurs échantillons d’individus d'Europe et des zones steppiques. Il y a retrouvé de l’ADN de Yersinia pestis, bactérie responsable de la peste noire. La population steppique aurait donc pu être immunisée contre la peste et la transmettre aux agriculteurs d’Europe[49].
Il existe un "trou" dans les relevés génétiques entre et : auquel squelette n'a été retrouvé en Europe centrale pour ce moment-là. Quelques relevés ADN existent entre 3500 et 3000, et ne montrent que des personnes venues d'Anatolie ; aucun gène humain n'a été relevé entre 3000 à 2800. Ces contrées étaient probablement dépeuplées à ce moment-là. Il n'y a pas d'explication assurée. Un conflit guerrier ne permet pas de provoquer un tel effondrement. Peut-être est ce la peste qui a décimée les populations présentes, car les plus vieux relevés de cette maladie datent de cette époque, et se trouvent au sein de la population Yamna. Toujours est-il que les migrants sont probablement entrés dans des zones désertes. -[16].
Ainsi, au moment de leur arrivée, les pasteurs yamnayas ont remplacé quasiment au trois-quarts les populations présentes en Europe centrale[27]. Des études portant sur le centre de l’Allemagne ont suggéré que cette nouvelle génétique avait remplacé environ 75 % du substrat génétique local laissant 25 % d’ascendance néolithique[29]. Au Danemark, l’arrivée des Yamnayas marque le passage à la culture locale des tombes individuelles qui se mêle à des traditions héritées de la culture néolithique des vases à entonnoir, et se caractérise en particulier par la manière dont sont disposés les corps selon le sexe (sur le côté droit pour les hommes et gauche pour les femmes). Ces individus se regroupent génétiquement avec les populations de la culture de la céramique cordée[50].
Plus au nord en Scandinavie, l’arrivée des Yamnayas vers 2800 ans av. J.-C. donne naissance à la culture des haches de combat qui va cohabiter dans un premier temps avec la culture de la céramique perforée. Ainsi, des individus liés au groupe de la culture de la céramique perforée, qui se regroupent génétiquement avec les chasseurs-cueilleurs scandinaves du Mésolithique, vont être enterrés peu à peu avec les caractéristiques de la culture des haches de combat montrant ici une influence culturelle[42]. Dans d’autres régions, l’introgression entre les deux populations semble plus équilibrée avec une persistance du génome des fermiers européens. Cela semble être le cas en France avec les individus de Ciry-Salsogne près de Soissons (datés de 2 500 ans av. J.-C.). Ces derniers possèdent l’haplogroupe R1b et leur ascendance steppique oscille entre 23,6 et 42,1 % pour trois individus analysés[51].
À une époque similaire, se propage également en Europe de l’Ouest la culture campaniforme (entre 2 700 et 1 800 av. J.-C. en Europe de l’Ouest), avec des sites retrouvés sur les îles Britanniques, en Allemagne, en République tchèque, et du Sud de l’Espagne aux Pays-Bas. La plus ancienne poterie campaniforme datant de 2 750 avant notre ère ayant été trouvée en Espagne, on a longtemps pensé que cette culture avait émergé à partir de la péninsule Ibérique. Les études génétiques ont montré que cette culture s’était diffusée à la fois par mouvement de populations mais aussi par simple influence culturelle. La culture campaniforme est produite dans un premier temps par un mouvement des Yamnayas vers l’ouest de l’Europe et de leur rencontre avec les cultures agricoles qui y sont présentes.
Ainsi, par exemple dans le sud-est de la Pologne, les individus de la culture cordée montrent une forte ascendance Yamnaya, notamment avec un haplogroupe-Y R1b caractéristique des Yamnayas, tandis que ceux de la culture campaniforme se rassemblent plus avec les individus néolithiques[52].
En Grande-Bretagne, à partir de 2 500 ans avant notre ère (chalcolithique), les individus de la culture campaniforme continentale, probablement venus des Pays-Bas, prennent l’ascendance sur les locaux, et remplace 90 % de leur génome aussi bien par les hommes que par les femmes[53]. On peut envisager plusieurs hypothèses à ce remplacement, comme des massacres, des maladies, un manque d’adaptation des locaux à un changement de climat, mais rien ne permet d’affirmer ce qu’il s’est produit.
Dans la péninsule Ibérique, le phénomène est différent puisque la vague de population en provenance des steppes pontiques n’était pas encore arrivée au moment où cette culture s’y diffuse. On peut en déduire que cette culture s’est propagée dans un premier temps par transmission d’idées, avant que la population yamnaya n’atteigne ensuite la péninsule Ibérique[54]. Vers 2 000 av. J.-C., la diversité génétique de la population se stabilise autour d'un mélange d'environ 40 % d'ascendance de fermiers ibériques locaux et 60 % de Yamnayas. Cependant les haplogroupes du chromosome Y qu’on retrouve dans la région au Néolithique et au chalcolithique (I2, G2, H) sont remplacés par un unique lignage R1b-M269 durant l'âge du bronze. Ces résultats suggèrent que les Yamnayas venus de l’est se seraient reproduits avec les femmes locales, éliminant peu à peu les hommes ibères. Là encore, on ne peut encore qu'imaginer ce qu’il s’est produit : hommes locaux tués par les nouveaux arrivants ou écartés, maladies, avantage reproductif des nouveaux venus, etc.
La culture d'Unétice en Europe centrale fait suite à la culture campaniforme et préfigure par beaucoup d’aspect les figures proto-celtiques d’Hallstatt (Autriche) et La Tène (Suisse). Les représentants de la culture d'Unétice sont caractérisés par une ascendance 62 % Yamnaya, 33 % de fermiers anatoliens et 5 % de chasseurs-cueilleurs ouest-européen.
En Grèce, deux grandes cultures archéologiques de l’âge du bronze émergent : les Minoens en Crète et leur culture palatiale, utilisant un alphabet linéaire A non-déchiffré à ce jour, et la culture mycénienne en Grèce continentale écrivant avec l'alphabet linéaire B, langue indo-européenne et forme ancienne du grec. Génétiquement, les Mycéniens sont issus d'un mélange génétique entre une population d'anciens fermiers néolithiques et d’une population reliée à celle des steppes. En revanche, les Minoens n'ont pas d’ascendance steppique, ils sont un mélange des fermiers anatoliens et d’une population provenant d’Iran ou du Caucase. Les données de cette étude montrent d'autre part qu'il n'y a pas d'influence égyptienne ou phénicienne chez les Minoens et les Mycéniens[55].
Les études génétiques concernant le passage à l’âge du bronze à l’âge du fer sont encore rares. Le fer a commencé à être utilisé en Europe occidentale à partir du VIIIe siècle av. J.-C.
En France, cette période renvoie à l’émergence de la culture celtique et aux Gaulois. L'une des hypothèses pour expliquer l'expansion du fer en France était une migration de population celtique en provenance d'Europe de l'Est si on se réfère à la linguistique et à l'apparition des épées de Hallstat en Gaule. Cependant, les études génétiques semblent privilégier l'hypothèse de changements économiques progressifs associés à une continuité biologique et culturelle des populations locales depuis l'âge du bronze.
La nécropole normande d'Urville-Nacqueville a fait notamment l’objet d’une étude génétique sur 45 individus de l’âge du fer. On y constate une continuité au niveau des lignées féminines entre le Néolithique et l’âge du fer[56]. Cela conforte l'hypothèse d'un maintien génétique des populations locales. Une étude plus récente portant sur plusieurs régions de France a confirmé ceci : l’âge du fer en France ne correspond pas à un flux de gènes en provenance de l’est. Les populations gauloises sont donc probablement directement issues des populations locales de la culture campaniforme qui les précédaient[20],[57]. Toutefois, étant donné la grande homogénéité génétique entre les Européens de l’époque, des mouvements ont pu passer inaperçu.
Par ailleurs, on retrouve également les haplogroupes maternels retrouvés à Urville dans des groupes de l’âge du bronze situés en Grande-Bretagne et dans la péninsule ibérique. Cela appuie l’idée d’échanges culturels continuels, documentés par l’archéologie le long de la côte atlantique et à travers la Manche. Des traces de ces échanges ont été retrouvées dans la Manche à travers des épaves, comme le Dover Boat daté de 1 550 ans av. J.-C.[56].
En Espagne, durant l'âge du fer, les auteurs ont enregistré une augmentation constante d'une ascendance liée à l'Europe du Nord et du Centre, sur la côte méditerranéenne, au sud-ouest sur le site de La Angorilla, et plus particulièrement dans le nord de la Péninsule où était parlé la langue celtibère d'origine indo-européenne. À cette période, on retrouve plusieurs langues non-indo-européennes parlées dans la péninsule, dont le basque est le représentant le plus connu, indiquant que l'arrivée d'une ascendance steppique n'a pas forcément été corrélé avec un changement linguistique[58].
Le génome des Étrusques, peuple d'Italie du centre qui sera l'un des socles de la civilisation romaine, a été étudié et indique que ceux-ci étaient proches génétiquement des Ibériques actuels. Bien que leur langue ne soit pas indo-européenne, leur structure génétique ne varie pas du reste des Européens de l'époque, et les individus étrusques présentent 25 % d'ascendance Yamnaya ou 50 % d'ascendance campaniforme d'Europe centrale[59].
Sur le site d’Empúries en Catalogne, port fondé par les Grecs phocéens puis occupé par les Romains, 24 individus datés entre l’Antiquité et le VIe siècle apr. J.-C. ont été étudiés. Ils se repartissent en deux origines : certains individus se rapprochant des individus de l’âge du bronze du pourtour de la mer Égée en Grèce, et d’autres se rapprochant des populations de l'âge du fer de la péninsule Ibérique. Cela corrobore la dimension méditerranéenne de la ville.
Des individus du haut Moyen Âge retrouvés sur le site de L’Esquerda dans le nord-est de l’Espagne partagent une partie de leur ascendance avec les populations actuelles de Grèce et d’Italie, ce qui confirme un flux en provenance de ces pays probablement du fait de la présence romaine durant l'Antiquité. Enfin, les Wisigoths du nord-est de l’Espagne affichent une ascendance d’Europe centrale et du nord[58].
Dans le sud-est de la péninsule Ibérique, le génome de 45 individus a été analysé entre le IIIe et le XVIe siècle apr. J.-C. Tous ces individus diffèrent des populations de l'âge du fer et sont caractérisés par une ascendance nord-africaine et levantine qui pourrait refléter une origine juive. En clair, depuis l'époque romaine ou même depuis la période phénicienne, le sud de la péninsule Ibérique a reçu un flux de gènes important nord-africain, qui s’est poursuivi pendant la période islamique. En comparaison, la population actuelle du sud de la péninsule Ibérique comporte bien moins d'ascendance nord-africaine. Cela s’explique très probablement par l’expulsion des morisques, ainsi que par la repopulation de la région depuis le nord de l’Espagne qui ont suivi la Reconquista[58].
Plusieurs individus de la région de Rome ont été étudiés sur une période allant du Mésolithique au Haut Moyen Âge. Si les populations des périodes préhistoriques jusqu'à l'âge du bronze montrent une évolution similaire au reste de l'Europe, à l'exception de l'apparition d'une composante présente chez les chasseurs-cueilleurs du Caucase, les périodes suivantes témoignent de changements génétiques importants. À l'époque de la République romaine, on note un léger flux de populations méditerranéennes variées, essentiellement des Grecs, mais la population reste à 72 % similaire à celle d'Europe centrale. Sous l'Empire romain, en revanche, les individus se recoupant avec l'Europe centrale chutent à 4 % de la population étudiée, 24 % se recoupent avec les Grecs, 40 % avec Chypre et Malte, 28 % avec les populations du Moyen-Orient et deux individus avec l'Afrique du nord. À la fin de l'Antiquité, un autre basculement se produit avec le retour d'un glissement génétique vers les populations d'Europe centrale. Enfin, au Haut Moyen Âge, la composante moyen-oriental a totalement disparu au sein des individus étudiés, ces derniers étant génétiquement liés à l'Europe centrale (40 %) et à la Grèce (60 %)[60].
L’étude de 2014 de Lazaridis et al. a déterminé que les Européens descendaient essentiellement de trois populations ancestrales : les chasseurs-cueilleurs ouest-européens du Paléolithique, les agriculteurs néolithiques et les pasteurs yamnayas[61].
La population des agriculteurs est d'ailleurs la raison pour laquelle les Européens ont moins d’ascendance néandertalienne que les Asiatiques de l’est. En effet, les fermiers anatoliens étaient dénués de toute trace néandertalienne dans leur patrimoine génétique car ils provenaient d’une population, non-déterminée pour le moment, qui s’est séparée du groupe sorti d'Afrique avant l’introgression avec des Néandertaliens. En moyenne, la population du sud de l’Europe possède plus d’ascendance fermiers néolithiques et les Européens du nord plus d’ascendance issue des Yamnayas et des chasseurs-cueilleurs ouest-européen[62].
L’étude de plusieurs individus de l’âge du fer situés en Normandie, au nord de la France, dans le bassin parisien, en Alsace et en Occitanie, a permis de démontrer une certaine continuité génétique entre les Gaulois de l'âge du fer et les populations françaises actuelles[56],[63].
Par ailleurs une étude de 2007 portant sur les haplogroupes mitochondriaux (donc par la lignée maternelle) avait montré que ceux retrouvés en France différaient peu de ses voisins européens. L'haplogroupe le plus fréquent est H avec près de 45 %, suivi par K (8,74 %), U5 (8,30 %), T (8,52 %), J (7,76 %) et V (4,77 %)[64].
En 2019, une étude a porté sur 395 échantillons de la France métropolitaine. Il en ressort que la France métropolitaine affiche une homogénéité globale, avec peu de différence entre les individus. Globalement la structure génétique de la France suit les deux fleuves, la Loire et la Garonne, entre le nord et le sud, ainsi que dans une moindre proportion, l’Adour entre le sud-ouest et le sud[65].
Elle se partitionne en trois principaux groupes génétiques :
Les Italiens sont caractérisés par une proportion importante d'ascendance de fermiers du néolithique ; de 56 à 72 %. Globalement, la variabilité génétique de la population italienne est plus importante que celle de nombreux pays européens.
Deux individus séquencés correspondant aux campaniformes de l’âge du bronze du nord de l'Italie se regroupent avec les Italiens actuels du nord, signalant donc une continuité génétique dans cette zone depuis l’âge du bronze. Les campaniformes de Sicile, en revanche, ne se recoupent pas exactement avec les Italiens du sud actuels. En effet, on retrouve au sein de ces campaniformes une ascendance fermier d'Iran avec un excès d’ascendance de chasseur cueilleur du Caucase qui ne semble pas provenir des Yamnayas. L’origine de ce flux n’est pour le moment pas déterminée mais pourrait remonter au moins à l'âge du bronze. Enfin, la contribution d'Afrique du nord varie de 3,8 % en Italie du centre-sud à 14,5 % en Italie du sud[68].
Les Italiens se regroupent en trois foyers.
Les Basques d'Espagne actuels correspondent aux populations de l'âge du fer de la péninsule Ibérique, affichant donc également une ascendance issue des Yamnayas bien que leur langue ne soit pas indo-européenne[58].
Les Grecs modernes partagent une grande partie de leur ADN avec les Mycéniens de l’âge du bronze. Ils ont légèrement moins d’ascendance provenant des fermiers anatoliens que les Mycéniens, ce qui suggère également des mélanges génétiques plus récents[55].
L'étude d'échantillons issus des alentours de Cambridge a montré que les individus de l'âge du fer et de la période anglo-saxonne (Ve au IXe siècles apr. J.-C.) se rassemblent avec les Britanniques actuels ce qui suggère une continuité génétique depuis ces périodes. Une légère différence existe toutefois entre les individus de l'âge du fer qui tendent plus vers les Anglais et Français actuels et les individus anglo-saxons qui se rapprochent des Écossais et Norvégiens[69].
Le Royaume-Uni affiche peu de distance génétique entre les différents foyers génétiques. On en distingue cinq principaux :
Il semble que les Vikings danois n’aient pas laissé de traces génétiques significatives en Angleterre malgré l’occupation des terres. Enfin, l’étude ne constate pas que les populations brittoniques du Royaume-Uni formeraient un groupe celtique homogène. Le foyer « Cornouaille » est plus proche du groupe du « Devon » et d'« Angleterre centrale » que des Gallois. De même, le groupe du sud du Pays de Galles et le groupe du nord présentent autant de différences génétiques qu’entre les Anglais du centre et les Écossais[70].
La majorité de ces foyers irlandais et britanniques partagent une affinité similaire avec l’individu néolithique retrouvé à Ballynahatty (Irlande du nord). On constate une homogénéité globale de l’Irlande : les différences observées entre les différents foyers irlandais sont encore moins marquées qu’entre les foyers de Grande-Bretagne, même en excluant les individus vivant aux îles d’Orcades.
Globalement, les différents foyers se recoupent avec les quatre provinces irlandaises historiques et suivent donc les anciennes frontières politiques du pays : l’Irlande du Nord (Ulster), le centre de l’Irlande (Connacht, Dublin, Leinster), et le sud de l’Irlande (Munster). Il y a eu peu de mouvement récent en Irlande, au moins jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Les Irlandais d’Irlande du nord affichent une ascendance irlandaise du nord, écossaise et anglaise du nord. Enfin, les analyses semblent indiquer un niveau assez conséquent d’ascendance norvégienne en Irlande, qui est aussi présent dans les clusters écossais et de l’archipel des Orcades. Cette correspondance peut provenir du commerce d’esclaves irlandais lors de l’époque viking puisqu’on retrouve aujourd’hui 6,8 % d’ascendance irlandaise dans le Norvège actuelle[71].
Un cluster, tel qu'il est compris dans cet article, est un regroupement d'individus qui portent tous une même séquence de gènes, reconnue par des moyens statistiques, déterminant une série de caractères humains partagés (yeux bleus, sensibilité à une maladie, capacité à quelque chose). Il est établi par des algorithmes statistiques. Un cluster peut se désigner par un nom. Il regroupe des humains, mais il n'a a priori pas de rapport avec une société culturelle. Cependant, par une étude plus générale, il est possible de faire un lien entre les deux.