Ivan Lysiak Rudnytsky (ukrainien : Іван Лисяк Рудницький, 27 octobre 1919 - 25 avril 1984) était un historien, spécialiste de la pensée sociopolitiqueukrainienne, politologue et publiciste universitaire. Il a considérablement influencé la pensée historique et politique ukrainienne en écrivant plus de 200 essais, commentaires et critiques historiques, en étant également rédacteur en chef de plusieurs publications. Celui-ci est considéré comme l’un des historiens ukrainiens les plus influents du XXe siècle. [1][2] Il est parfois appelé Ivan Łysiak-Rudnytsky, mais le nom de famille qu'il utilisait était celui de sa mère Rudnytsky. [3]
Ivan Rudnytsky est né à Vienne, en Autriche, où ses parents résidaient en tant que réfugiés politiques de Galice, qui avait été envahie par la Pologne à la suite de sa guerre victorieuse contre la République populaire d'Ukraine occidentale (1918-1919). [4] Son père Pavlo Lysiak(uk) était avocat et sa mère Milena Rudnytska professeur et politicienne. Tous deux étaient des militants politiques bien connus issus de familles bien intégrées dans la société. Durant sa jeunesse, Ivan est devenu un "gourmet intellectuel", grandissant dans un environnement familial extrêmement stimulant, composé notamment de sommités tel que Rudnytsky : Ivan Kedryn-Rudnytsky(uk) (éminent leader politique et publiciste de l'identité ukrainienne), [5]Myhailo Rudnytsky(en) (littéraire, critique littéraire, traducteur), [6]Antin Rudnytsky(uk) (chef d'orchestre et compositeur) [7] et Volodymyr Rudnytsky (avocat et activiste social). Alors que celui-ci n'a que 2 ans, ses parents divorcent, le contraignant à vivre avec sa mère. Cependant, afin de soutenir ses activités intellectuelles, ses besoins matériels furent en grande partie satisfaits jusqu'en 1953 grâce à l'aide financière de son père et de sa mère. [8]
Rudnytsky a commencé sa carrière universitaire à l'Université de Lviv, dans la Pologne de l'entre-deux-guerres, où il a étudié le droit dans les années 1937-1939. Après l'annexion soviétique de la Galice, sa mère, pensant que ce n'était qu'une question de temps avant que le NKVD ne l'arrête, s'enfuit avec son fils à Cracovie, puis en 1940 à Berlin. C'est dans cette ville qu'il obtient en 1943 sa maîtrise en relations internationales de l'Université Friedrich Wilhelm. Craignant la découverte de leur héritage juif, il s'enfuit avec sa mère à Prague, en Tchécoslovaquie, et poursuit ses études à la Karl-Ferdinands-Universität, où il obtient son doctorat en histoire en 1945. Son directeur de thèse était le célèbre spécialiste des études slaves, Eduard Winter(de), qui a tenu la soutenance de doctorat de Rudnytsky dans une rue de Prague lors d'un raid aérien avant l'occupation soviétique. [9][10]
Animé par le désir de combattre l’influence des nationalistes ukrainiens, Rudnytsky devient dans les années 1940 un membre éminent de plusieurs organisations étudiantes. [11] Il était membre de la société étudiante ukrainienne "Mazepyneć", du groupe d'étudiants ukrainiens de Prague et de l'Organisation nationaliste des étudiants ukrainiens de la Grande Allemagne (avec Vasyl Rudko(uk) et Omeljan Pritsak). Il fut brièvement membre d'une organisation hetmanite conservatrice et monarchiste, mais en fut expulsé en 1940 par les dirigeants, celui-ci avoir rencontré une vieille connaissance de sa mère associée à la République populaire ukrainienne, une action qu'ils considéraient comme une trahison politique. [12]
Après la guerre, Rudnytsky fréquente l'Institut de hautes études de Genève, où il travaille sur son deuxième doctorat et où il rencontre et épouse en 1949 une quaker américaine, Joanne Benton. Rudnytsky étudia durant cette période intensément l'anglais et émigra en 1951 aux États-Unis. Ayant été informé qu'il serait difficile d'obtenir une bonne chaire sans diplôme américain, il reprit sa deuxième thèse de doctorat à Columbia. En 1953, son financement étant épuisé, il accepta un poste d'enseignant d'histoire à l'Université du Wisconsin à Madison, puis à l'Université La Salle de Philadelphie de 1956 à 1967. Il obtint son premier poste permanent en 1967 à l'Université américaine de Washington DC [13]. De 1971 jusqu'à sa mort en 1984, il a été professeur à l'Université de l'Alberta, fondateur de l'Institut canadien d'études ukrainiennes (CIUS), [14] membre de la Société scientifique Shevchenko et de l'Académie libre des sciences d'Ukraine.
En raison de son intérêt précoce pour la philosophie transcendantale allemande des XIXe et XXe siècles, le principal intérêt académique de Rudnytsky est devenu l'étude de la connaissance historique. Conformément à la perspective évolutionniste de l’idéalisme, caractéristique de l’historicisme allemand, Rudnytsky a utilisé l’histoire pour comprendre le développement de la pensée sociopolitique, en particulier celle de l’Ukraine du milieu du XIXe siècle aux années 1930. [15]
L'objectif principal du travail de Rudnytsky traitait autour des sujets suivants : [16]
Le concept et le problème des nations « historiques » et « non historiques » ;
Les origines intellectuelles de l’Ukraine moderne et la structure de l’histoire ukrainienne du XIXe siècle ;
Le problème de l'intelligentsia et du développement intellectuel en Ukraine aux XIXe et XXe siècles ;
La Galice sous l'empire des Habsbourg et sa contribution à la lutte ukrainienne pour la création d'un État ;
La révolution ukrainienne de 1917-1921 et le Quatrième Universel dans le contexte historique de la pensée politique ukrainienne, ou autonomie contre indépendance ;
L'Ukraine dans le système soviétique ;
Nationalisme galicien ukrainien de l’entre-deux-guerres ;
Les Ukrainiens et leurs plus proches voisins, les Polonais et les Russes ;
1848 en Galice : une évaluation des pamphlets politiques.
Selon l'historien spécialiste de l'Europe de l'Est Timothy Snyder, Rudnytsky s'est opposé de manière décisive à la supposition selon laquelle l'Ukraine devrait être une nation homogène, c'est-à-dire qu'elle devrait être exclusivement pour et autour des personnes parlant ukrainien et partageant la culture ukrainienne. Rudnytsky croyait, comme Mykhailo Hrushevsky, à la continuité sociale et historique du développement de l'Ukraine vers une nation démocratique indépendante, [17][18] et croyait également, comme Viatcheslav Lypynsky, que son destin était d'être pluraliste. [19] Le point de vue opposé en Ukraine a été défendu par Dmytro Dontsov, qui s’est inspiré du fascisme italien [20] et est devenu la voix conservatrice d’extrême droite du nationalisme ethnique ukrainien. [21] Selon Snyder, la réponse de Rudnytsky au nationalisme ethnique a emporté le débat, tant en Ukraine que parmi les expatriés ukrainiens d'Amérique du Nord, sur ce que devrait être la nation ukrainienne. En réfutant que la nation cherche sa légitimité dans des affirmations historiques douteuses ou dans des affirmations d'une culture homogène, Rudnytsky pensait qu'une nation est fondamentalement le résultat d'actes politiques d'engagement orientés vers un avenir commun, ce qui signifie qu'en principe, n'importe qui peut participer à celle-ci. [22]
John Basarab et Ivan L. Rudnytsky, Pereiaslav 1654 : A Historiographical Study, Edmonton, Canadian Institute of Ukrainian Studies Press (CIUS) Press, University of Alberta, (ISBN978-0920862162)
Livres en ukrainien
(uk) Ivan L. Rudnytsky, Щоденники, Edmonton, Alberta, Canadian Institute of Ukrainian Studies (CIUS), University of Alberta, , 689 p. (ISBN9789663787084, lire en ligne)
(uk) Ivan L. Rudnytsky, Між історією й політикою : Статті до історії та критики української, Munich, Suchasnist,
(uk) Ivan L. Rudnytsky, Історичні есе : два томи, Kyiv, Dukh i Litera Publishers, (ISBN5770764856)
(en) Ivan L. Rudnytsky, Essays in Modern Ukrainian History, Edmonton, Alberta, Canadian Institute of Ukrainian Studies (CIUS), University of Alberta, , 497 p. (ISBN0-920862-47-0, lire en ligne)
Yaroslav Hrytsak, Cossacks in Jamaica, Ukraine at the Antipodes, Academic Studies Press, , 400 p. (ISBN978-1644693018, lire en ligne), « Ivan L. Rudnytsky and His Visit to the Soviet Union (1970) »
The Making of Modern Ukraine. Class 2: The Genesis of Nations [lecture video] (), Yalecourses (Université Yale) : « See 33:10 for Hrushevsky’s social historian contribution. See 37:04 for Lypynsky’s response to those misusing Hrushevshky and equating the nation with a particular ethnic culture. See 41:28 for establishing this historical context for Rudnytsky’s contribution (nation as a political act directed at the future) and Snyder’s statement that Rudnytsky’s response to Dontsov and the ethnic nationalists is decisive (“he wins”). Click Youtube options (***)for complete transcript. »
Eduard Winter, Mein Leben im Dienst des Völkerverständnisses- nach Tagebuchaufzeichnungen, Briefen, Dokumenten und Erinnerungen, Akademie-Verlag,