Jean V de Bueil

Jean V de Bueil
Bueil, enluminure sur parchemin, Armorial de Gilles Le Bouvier, dit Berry, héraut d'armes du roi Charles VII, ms. 4985, fo 33 ro, XVe siècle, BnF[1].
Fonction
Grand chambellan de France
Titre de noblesse
Comte de Sancerre
Biographie
Naissance
Décès
Activités
Militaire, écrivainVoir et modifier les données sur Wikidata
Famille
Père
Mère
Marguerite, Dauphine d'Auvergne, Dame d'Aubijoux (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Conjoints
Jeanne de Montejean (d)
Martine Turpin de Crissé (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Autres informations
Grade militaire
Conflit
Distinction
Blason
Sceau de Jean V de Bueil.
Œuvres principales
Le Jouvencel (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Jean V de Bueil, selon la généalogie traditionnelle, ou Jean (VI) dans la généalogie des Bueil rénovée par R. C. Famiglietti (né après le et avant le et mort en 1478[n 1], probablement le [3]), est chevalier (en 1428[4] au plus tard), capitaine de Tours (en 1428), amiral de France (1450-1461), comte de Sancerre (Jean IV, 1451-1478), sire d'Aubijoux et de Vailly-sur-Sauldre par sa mère, seigneur de Bueil, de Château-en-Anjou, de Vaujours, de Courcillon, de Château-Fromont (qu'il échange avec Yolande d'Aragon contre Mirebeau en ) par l'héritage des Bueil, de St-Christophe, de Montrésor, de Saint-Calais par les acquisitions réalisées par ses père ou grand-père, seigneur d'Ussé (par son premier mariage probablement), vicomte de Carentan (1450-1478) par la faveur royale.

Fils de Jean IV (ou V) de Bueil et de Marguerite-Dauphine d'Auvergne-Clermont (dernière sœur du dauphin et comte de Sancerre Béraud III ; dernière fille du dauphin Béraud II et de Marguerite, comtesse de Sancerre).

Il figure parmi les compagnons d'armes de Jeanne d'Arc et fut surnommé le Fléau des Anglais.

Il est l'auteur d'un livre intitulé Le Jouvencel (1466), un roman à clef semi-autobiographique relatant ses propres expériences à la fin de la guerre de Cent Ans.

Sa jeunesse

[modifier | modifier le code]
Blasonnement : écartelé, aux 1 et 4 d'azur au croissant d'argent accompagné de six croisettes recroisetées au pied fiché d'or, qui est Bueil, aux 2 et 3 de gueules à la croix ancrée d'or, qui est Avoir.

En 1418, Jean de Bueil reçut de son grand-oncle, Hardouin de Bueil, évêque d'Angers, la seigneurie et château de Vaujours. Le roi Louis XI vint plusieurs fois à Vaujours[5], et Jean y mourra en son château en . En , Jean V terminerait son apprentissage auprès du vicomte Guillaume II de Narbonne[6]. Jean V n'avait que 18 ans lors de sa première bataille, le , à Verneuil[7], où il servit aux côtés du jeune duc d'Alençon et sous le vicomte de Narbonne, qui y fut tué. Il entra alors au service du capitaine La Hire.

Malgré sa jeunesse, de Bueil gagna tôt le surnom de Fléau des Anglais. Il est en 1427 au siège du Lude, et il est nommé capitaine de Tours en 1428. Le 25 octobre de la même année, le chevalier entre dans Orléans avec les 800 hommes d'armes composant la suite du bâtard d'Orléans[8]. Il participe au paiement de la rançon pour libérer André de Lohéac à la suite du siège de Laval (1428).

Il combattit sous la bannière de Jeanne d'Arc pendant la campagne de 1429 sur la vallée de la Loire. Sur ordre du roi, 200 livres-tournois lui ont été payées par le trésorier dans les mois d'avril et de , pour le dédommager, ainsi que ses 30 gens d'armes et 40 gens de traict, des dépenses effectuées durant l'escorte des marchandises pour le réapprovisionnement de la ville assiégée d'Orléans[9]. Jean V de Bueil fut également présent aux côtés de Jeanne d'Arc à la prise de Sablé, aux batailles de Jargeau, Meung-sur-Loire, Beaugency, Patay, Reims (où ils accompagnent le dauphin Charles pour son sacre), et Paris.

Ses promotions

[modifier | modifier le code]
Enluminure représentant des gens de guerre au pied de la ville fictive de Crathor (en réalité Sablé) dans un manuscrit du Jouvencel de Jean de Bueil (ms. Français 192, fo 36, Paris, BnF, 4e quart du XVe siècle).

Son père et ses oncles sont tués à la bataille d'Azincourt en 1415. Bueil participa à de nombreuses batailles en Normandie, et, à la fin des années 1430, obtint la charge de capitaine-général du roi en Anjou et Maine, provinces alors aux frontières du Royaume. Bueil défendit les terres de Yolande d'Anjou contre les attaques de compagnies de mercenaires françaises et anglaises, en 1432 à Beaumont, puis Vivoin et Loré et s'empare de Matthew Gough. Il libère la ville de Saint-Célérin en avril et combat Rodrigue de Villandrando à la bataille des Ponts-de-Cé. Il s'engagea également dans une petite guerre contre André de Lohéac pour tenir le château de Sablé-sur-Sarthe.

Il est fait chevalier en 1434 après le troisième siège de St-Célérin en février et la prise de Sillé-le-Guillaume, puis l'année suivante avec Ambroise de Loré il bat encore Matthew Gough, qui est capturé, et Thomas Kyriel pendant la bataille d'Estregny. En décembre 1439, il reprend aux Anglais la forteresse de Sainte-Suzanne[10] que les Anglais dirigés par sir John Fastolf occupaient depuis 14 ans. Un soir où le commandant Matthew Gough était absent, il parvint, grâce à la complicité d'un soldat anglais, John Ferremen, marié à une Suzannaise, à reprendre la cité en pleine nuit et à en chasser les Anglais.

Services au roi, comte de Sancerre, mariages

[modifier | modifier le code]
Le Jouvencel fait lieutenant par le roi. Enluminure ornant un manuscrit du Jouvencel de Jean de Bueil, XVe siècle.

Jean V de Bueil prit part en 1433 à la capture de Georges de La Trémoille avec quatre compagnons et en 1439-40 à une praguerie contre Charles VII. Bueil s'installa à Sainte-Suzanne au détriment de la famille d'Alençon, ses légitimes propriétaires. En , le roi Charles VII lui fit enjoindre de restituer la cité. Mais la ville ne sera véritablement rendue à la famille d'Alençon qu'en . Cependant, son habilité militaire le fit revenir dans les faveurs du roi de France. Bueil commanda le principal corps d'armée qui fut envoyé en Suisse et Allemagne, avec le dauphin Louis de France, en 1444. Le , de Bueil est à la bataille de la Birse, ou de Saint-Jacques, près de Bâle, où les Suisses sont défaits, mais à grand coût pour les mercenaires français. Il est capitaine de l'une des compagnies d'ordonnance en 1445.

Bueil servit aussi avec distinction dans la reconquête finale de la Normandie. En 1450, Jean de Bueil reçoit la charge d'amiral de France, après la mort de Prigent de Coëtivy, au siège de Cherbourg et est fait capitaine de Cherbourg. Le titre d'amiral donnait à son titulaire un rôle d'administrateur des affaires maritimes, en concurrence avec d'autres amirautés provinciales. Il possédait néanmoins des pouvoirs étendus sur la marine de guerre, le commerce maritime, et même le droit de justice sur sa juridiction que constituait l'amirauté[11]. Il reçut également la vicomté normande de Carentan[réf. nécessaire].

Il hérita, en 1451, du comté de Sancerre, après son oncle maternel le dauphin Béraud III († 1426), sa cousine germaine la dauphine Jeanne Ire de Clermont-Sancerre († 1436), et le mari de cette dernière, Louis Ier de Bourbon, comte de Montpensier († vers 1486 ; ayant conservé les fiefs de sa première épouse, la dauphine Jeanne, il dut tardivement se résoudre à abandonner Sancerre). Jean de Bueil prit part le à la bataille de Castillon.

Il épousa 1° Jeanne de Montjean, dame de Purnon et Collonges-les-Royaux, fille de Jean, seigneur de Montjean (fils de Briant V de Montjean, lui-même fils de Briant IV et de Jeanne fille héritière de Vaslin d'Ussé), et d'Anne de Sillé ; puis, devenu veuf en , il épousa 2° en Martine Turpin de Crissé, dame de Concourson-sur-Layon (elle teste en ), fille d'Antoine Turpin, seigneur de Crissay (lui-même fils aîné de Lancelot), et d'Anne de la Grézille. Toujours en 1456, Jean V fit construire à Sancerre la halle aux grains (démolie en 1883) et un grand corps de logis où se tenait la boucherie. La même année ou à la liquidation des biens de Jacques Cœur (1458), « le comte acheta la seigneurie de Barlieu pour trois mille écus d'or. Les châtellenies de Vailly et de Charpignon et les prévotés du Mêche et Bannerois.... » Il vendit le château fort de Gelles à Antoine de Chabannes, comte de Dammartin[12].

Jean V de Bueil et le roi Louis XI

[modifier | modifier le code]

Quand Louis XI accéda au trône de France en 1461, il destitua la plupart des officiers, qui étaient, comme Jean de Bueil, proches de son père, Charles VII. De Bueil perdit son titre d'amiral au profit de Jean de Montauban, et fut forcé de se retirer de la Cour royale. Bien qu'il eût rejoint la ligue du Bien public, en 1465, révolte contre Louis XI, de Bueil rentra en grâce en 1469, comme de nombreux autres vétérans, quand le roi réalisa que leur expérience lui était nécessaire pour faire face à la puissance militaire bourguignonne alors grandissante. Jean V devint le conseiller et le chambellan de Louis XI et fut reçu dans l'ordre de Saint-Michel le [13].

Le , il accueillit le roi dans son château de Vaujours, sans doute au regard de ces sujets. Les 9 et , il fut victorieux au combat d'Ouchy et à celui de Ribemont. Isabeau, abbesse de l'abbaye de Bonlieu, rendit aveux pour la métairie de Couart, paroisse de Dissay-sous-Courcillon, à Jean de Bueil en tant que seigneur de Courcillon en 1476[14].

Jean V eut un fils avec Jeanne de Montjean :

et trois enfants de son deuxième mariage avec Martine Turpin de Crissé :

  • Louis de Bueil, né en 1458, † jeune ;
  • Edmond de Bueil (alias Emond, Emond, Emont, Hémon ; mineur en 1480, décédé après 1495 et avant 1512), seigneur de Mermande, de Faye-la-Vineuse et de La Roche-Clermault (héritage venu de Marguerite-Dauphine d'Auvergne-Sancerre), qui épousera Françoise de Laval-Brée, † après 1514[n 2]. Postérité : trois enfants dont Isabelle de Bueil, dame de Marmande et de Faye-la-Vineuse, femme en 1509 de Joachim Gillier de Puygarreau, et mère de Bonaventure Gillier baron de Marmande († 1584, x Marie fille de Philibert Babou de La Bourdaisière ; leur fils Alexandre Gillier de Doussay assure leur postérité) ;
  • Françoise, † jeune.

Dans ses vieux jours, il écrivit un récit semi-autobiographique Le Jouvencel (1461-1466), ouvrage contenant un récit à clef du siège d'Orléans. Ses armes sont : écartelé, aux 1 et 4 d'azur au croissant d'argent accompagné de six croisettes recroisetées au pied fiché d'or, qui est Bueil, aux 2 et 3 de gueules à la croix ancrée d'or, qui est Avoir.

Depuis le , une place du 13e arrondissement de Paris est nommée en sa mémoire.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. La charte de Jean, émise au château de Vaujours, le , par laquelle il confirmait certains droits du prieur de Charnes (prieuré situé dans le comté de Sancerre), porte sa signature bien connue[2]. La charte originale existe encore, et le texte est cité en entier dans Famiglietti 2018, p. 198-199, n. 1092.
  2. Françoise de Laval avait encore la garde de son fils Louis de Bueil en 1514[15].

Références

[modifier | modifier le code]
  1. Gilles Le Bouvier (dit le héraut Berry), Armorial de France, Angleterre, Écosse, Allemagne, Italie et autres puissances, composé vers 1450 par Gilles Le Bouvier dit Berry, premier roi d'armes de Charles VII, roi de France : texte complet, publié pour la première fois d'après le manuscrit original / précédé d'une notice sur la vie et les ouvrages de l'auteur… par M. Vallet de Viriville, Paris, Bachelin-Deflorenne, , XII-232 p. (présentation en ligne, lire en ligne), p. 45.
  2. Famiglietti 2018, p. 125 ; 128.
  3. Auvray 1898, p. 821-824 [lire en ligne].
  4. Famiglietti 2018, p. 125.
  5. Châteaux du Moyen Âge dans le Val de Loire.
  6. Perrinet Gressart, Jacques Faugeras, p. 35.
  7. [1].
  8. Philippe Mantellier, Histoire du siège d'Orléans, 1867.
  9. http://primary-sources-series.joan-of-arc-studies.org/PSS021406.pdf.
  10. Une rue de la cité médiévale de Sainte-Suzanne (Mayenne) porte le nom de Jean de Bueil, et l'impasse des remparts porte celui de John Ferremen.
  11. Personnage 3e partie.
  12. Château-fort à Gelles (63).
  13. Lettres patentes de Louis XI, Amboise, le 1er août 1469. (lire en ligne).
  14. Archives départementales de la Sarthe, H 1627.
  15. Famiglietti 2018, p. 131.
  • Jean de Bueil, Le Jouvencel : suivi du commentaire de Guillaume Tringant, introduction biographique et littéraire par Camille Favre, texte établi et annoté par Léon Lecestre, t. Ier, Paris, Librairie Renouard, (lire en ligne).
  • Jean de Bueil, Le Jouvencel : suivi du commentaire de Guillaume Tringant, introduction biographique et littéraire par Camille Favre, texte établi et annoté par Léon Lecestre, t. II, Paris, Librairie Renouard, (lire en ligne).
  • Jean de Bueil, Le Jouvencel : suivi du Commentaire de Guillaume Tringant, édition critique par Michelle Szkilnik, Paris, Honoré Champion, coll. « Classiques français du Moyen Âge » (no 182), , 754 p. (ISBN 978-2-74534-590-5, présentation en ligne).

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Christopher Allmand, « Entre honneur et bien commun : le témoignage du Jouvencel au XVe siècle », Revue historique, Paris, Presses universitaires de France, no 123,‎ , p. 463-482 (lire en ligne).
  • Lucien Auvray, « Épitaphe versifiée de Jean de Bueil », Bibliothèque de l'École des chartes, Paris, Librairie d'Alphonse Picard et fils, no 59,‎ , p. 821-824 (lire en ligne).
  • Joël Blanchard, « Écrire la guerre au XVe siècle », Le Moyen Français, Turnhout, Brepols Publishers, nos 24-25,‎ , p. 7-21.
  • Philippe Contamine, « Le Jouvencel de Jean de Bueil », Revue de la société des amis du musée de l'Armée, no 114,‎ , p. 42-54.
    Article repris dans : Philippe Contamine, « Une expérience romancée et personnelle de la guerre au XVe siècle : le Jouvencel de Jean de Bueil », dans Hans Hecker (dir.), Krieg in Mittelalter und Renaissance, Düsseldorf, Droste, coll. « Studia humaniora » (no 39), (ISBN 978-3-7700-0849-0 et 3-7700-0849-9), p. 195-209.
  • (en) G. W. Coopland, « Le Jouvencel (Re-Visited) », Symposium : A Quarterly Journal in Modern Literatures, vol. 5, no 2,‎ , p. 137-186 (DOI 10.1080/00397709.1951.10732343).
  • Richard C. Famiglietti, Recherches sur la maison de Bueil, Providence, Picardy Press, , 210 p. (ISBN 978-0-9633494-4-6).
  • Sylvie Lefèvre, « Jean de Bueil », dans Geneviève Hasenohr et Michel Zink (éd.), Dictionnaire des lettres françaises. Le Moyen Âge, Paris, Fayard, 1992, p. 755-757.
  • Marie-Thérèse de Medeiros, « Défense et illustration de la guerre : Le Jouvencel de Jean de Bueil », Cahiers de recherches médiévales, no 5,‎ , p. 139-152 (ISSN 1272-9752, lire en ligne).
  • Françoise Michaud-Fréjaville, « Le compagnon sans mémoire : le siège d'Orléans dans le Jouvencel de Jean de Bueil », Cahiers de recherches médiévales, Orléans / Paris, CEMO / Honoré Champion, no 12 « Une ville, une destinée : Orléans et Jeanne d'Arc. En hommage à Françoise Michaud-Fréjaville »,‎ , p. 101-111 (ISSN 1272-9752, lire en ligne).
  • Élisabeth Pinto-Mathieu, « Charles VII et la figure royale dans Le Jouvencel de Jean de Bueil », dans Florence Bouchet, Sébastien Cazalas et Philippe Maupeu (dir.), Le pouvoir des lettres sous le règne de Charles VII (1422-1461), Paris, Éditions Honoré Champion, coll. « Bibliothèque du XVe siècle » (no 87), , 299 p. (ISBN 978-2-7453-5475-4, lire en ligne), p. 1-164.
  • (en) Michelle Szkilnik, « The Art of Compiling in Jean De Bueil's Jouvencel (1461-1468) », Fifteenth Century Studies, Boydell & Brewer, vol. 36,‎ , p. 169-179 (présentation en ligne).
  • (en) Matthieu Chan Tsin, « Medieval Romances and Military History : Marching Orders in Jean de Bueil’s Le Jouvencel introduit aux armes », Journal of Medieval Military History, Woodbridge (Royaume-Uni) / Rochester (New York), Boydell Press, vol. 7 « The Age of the Hundred Years War »,‎ , p. 127-134.
  • Robert-Léon Wagner, « Villon et Jean de Bueil (d'un exemple à un mythe) », dans F. Whitehead, A. H. Diverres et F. E. Sutcliffe (éd.), Medieval Miscellany Presented to Eugene Vinaver by Pupils, Colleagues and Friends, Manchester / New York, Manchester University Press / Barnes and Noble, 1965, p. 289-299.

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]