Le kajukenbo est un style de kenpo orienté vers l'autodéfense. Sa création est due à une réflexion commune ayant pour origine l’insécurité et la violence qui régnaient sur l’archipel d’Hawaï à la fin des années 1940. Issu de l’étude et de la comparaison de différents arts martiaux, il a été créé par un collège de cinq experts en arts martiaux dont Adriano Emperado. Les cinq styles ayant servi de base à la création du kajukenbo ont aussi servi à former son nom (kajukenbo = ka : karate + ju : judo et jujutsu + ken : kenpo + bo : boxe).
À l’origine, l’économie de l’île d’Hawaï dépendait de la culture de la canne à sucre. Les propriétaires blancs des exploitations employaient la population locale pour cultiver les champs. Pour se développer économiquement, l’île devait donc accroître ses cultures et avait, par conséquent, besoin de main d’œuvre supplémentaire. La population locale étant insuffisante pour faire face à la demande, le gouvernement eut recours à l’immigration.
Ce sont les Chinois qui arrivèrent en premier lieu sur l’île. Les riches propriétaires attisèrent la haine raciale. Les Chinois ne furent pas intégrés à la population hawaïenne et se regroupèrent au sein de leurs propres quartiers : les China towns. Les combats entre Hawaïens et Chinois étaient monnaie courante.
Les immigrés chinois affluèrent en masse dans l’île et devinrent si nombreux que les autorités décidèrent de stopper leur arrivée. Cependant, les besoins de main d’œuvre allant toujours croissants, ce fut aux travailleurs du Japon et de l’île d’Okinawa que l’on fit appel. Les Japonais et les Okinawaïens ne furent pas non plus intégrés aux populations déjà présentes et se battaient régulièrement contre les Chinois ou les Hawaïens. Pour ce faire, ils employaient leurs propres arts martiaux tels que le karaté, le Jujitsu ou encore le judo.
À partir de 1920, des « compétitions » entre arts martiaux différents furent organisées. Les Okinawaïens, qui pratiquaient le karaté, voulurent y prendre part. Ils demandèrent à deux karatékas réputés de venir à Hawaï pour combattre. Les deux hommes refusèrent de combattre mais enseignèrent le karaté. Dès lors, de nouveaux dojos furent créés, favorisant ainsi l’expansion du karaté.
En 1924, l’immigration japonaise fut, elle aussi, arrêtée. Ce fut au tour des Philippins et des Coréens d’affluer à Hawaï. Ce qui augmenta un peu plus encore la diversité des arts martiaux pratiqués sur l’île.
Les conflits interethniques augmentèrent également et la violence continua de se propager mais aussi une idée de mixité de styles. C’est vers la fin des années 1940, dans un quotidien toujours aussi troublé que le kajukenbo fut créé.
En 1947, un groupe d’experts en arts martiaux de différents styles se réunirent au sein d’un groupe : la Black Belt Society (la Société des ceintures noires). Le but de leur association était de rassembler leurs connaissances afin de dégager les faiblesses et les atouts de chacun de leurs arts martiaux. Les techniques jugées inefficaces furent éliminées et les techniques ayant fait leurs preuves donnèrent naissance à un nouvel art martial : le kajukenbo.
Ce dernier est principalement issu de cinq styles différents : le karaté, le judo, le jujitsu, le kenpo et la boxe (anglaise et chinoise). À cela viennent encore se greffer des techniques de lua et d’escrime philippines, le kali eskrima (bâtons et couteaux). Cependant, le kajukenbo n’est pas un simple assemblage de techniques empruntées à divers styles. Selon le Grand Maître Angel Garcia (10e Dan) le kajukenbo n’est pas un mélange ni une synthèse, c’est une combinaison de concepts dans un seul style[1]
La Black Belt Society se composait de cinq membres. Adriano Sonny Emperado, aussi appelé Sijo (créateur) par les pratiquants du kajukenbo, Peter Chow, Joe Holk, Frank Ordonez et Clarence Chang. Chacun d’entre eux était passé maître dans un ou plusieurs arts martiaux, à savoir : L’eskrima philippin et le kenpo okinawaïen, pour Sijo Adriano Emperado ; le tang soo-do coréen et la boxe anglaise, pour Peter Choo ; le kôdôkan-judo, pour Joe Holk ; le jujutsu, pour Frank Ordonez et la boxe chinoise pour Clarence Chang.
« Kajukenbo Train strong to remain strong » était le dicton du Professeur Emperado. Le kajukenbo est un style rude et brutal, Maître Emperado disait « L'entraînement se terminera que lorsque j'aurai vu du sang sur le plancher ». Sa philosophie était que si quelqu'un avait peur de la douleur il serait vaincu dès le premier assaut. Vu l’efficacité du style en situation réelle, il fut largement utilisé dans les bagarres de rue. C’est ce qui permit de diffuser la discipline auprès d’un grand nombre de personnes.
En 1972, le sergent Ed Sheppard des forces aériennes américaines, élève de 2e génération de Emperado, arriva à la base aérienne de Torrejón de Ardoz (Madrid - Espagne). Sheppard ouvre à la fin de cette année-là sa première école de kajukenbo réservée aux soldats de la base. En 1973, le premier espagnol, Angel Garcia Soldado, fut accepté comme élève par Ed Sheppard. À cette époque, les séances d'entraînement duraient de trois à cinq heures par jour. Au cours des cinq années passées à la base de Torrejon, seulement cinq personnes reçurent la ceinture noire, dont A. Garcia mais également Agustin Campos qui créera sa propre branche Kajukembo avec M. Aujourd'hui, Angel Garcia est Grand Maître et 10e dan de kajukenbo pour son organisation la World Kajukenbo Self Défense Institute et il continue à partager sa vision du Kajukenbo qui a été toujours répandu par le fondateur Sijo Emperado.
Le Kajukenbo en France
Le Kajukenbo s'est implanté en France tout d'abord à Toulouse et Albi avec César Gomes, Didier Rambaud et Romain P.
L'école de Rungis ouvre officiellement en 2000 par Luis et Joe Diaz. Les cours sont dispensés au Kaju Training Center à Morangis, au Kajyn Club à Paris, au Cercle Tissier à Vincennes, à Saulx les Chartreux, à Rungis et à Ivry-sur-seine. Le Kajukenbo s'est développé en France par l'organisation Kajukenbo Tribal Spirit, dirigée par Joe et Luis Diaz après leur sortie de l'organisation d'Angel Garcia : International Association World Kajukenbo Self Defense Institute. Maintenant il y a à nouveau des écoles de Kajukenbo de la ligne d'Angel Garcia avec l'actuel représentant Sifu Renato Bernardino, 5ème dan, mais aussi une association de Kajukenbo Close Combat créé par Paulino Martin en Espagne, lui aussi ancien élève d'Angel Garcia. Le Kajukenbo en France a un futur intéressant et prometteur.
Aujourd’hui, le kajukenbo est pratiqué partout dans le monde. En Europe, en Espagne, en France, en Suisse, au Koweït, en Italie, au Portugal.
Le kajukenbo n’est pas un style figé. En effet, fidèle à son orientation self-défense, il est en constante évolution afin de doter les pratiquants de techniques de défenses adéquates à leur époque (on ne se battait pas de la même façon à la fin des années 1940 qu’aujourd’hui).
Il peut également être intéressant de rappeler que le kajukenbo n’est pas issu de l'American kenpo. En effet, ce sont deux disciplines sœurs car elles ont toutes deux pour origine le kenpo hawaien de Wks Chow.
Les arts martiaux traditionnels sont généralement répartis selon deux catégories : les arts martiaux externes, ou styles durs, comme le karaté et le judo ; et les arts martiaux internes, ou styles souples, comme le taï chi chuan et le chi-gong.
Les styles souples partent du principe de l’absorption de l’énergie des coups portés de façon à mieux la renvoyer vers le partenaire. Les styles durs répondent, quant à eux, par la force et des blocages « secs » aux adversaires. Chaque catégorie reste fidèle à son principe de base.
Le kajukenbo intègre les deux principes, dur et souple, car cela augmente les possibilités de ripostes et facilite les capacités d’adaptation aux diverses situations auxquelles un pratiquant pourrait se retrouver confronté.
Le kajukenbo est un style de kenpo orienté self-défense dure. Il vise à l’efficacité en situation réelle. Le but est donc de mettre l’adversaire/agresseur à terre et hors d’état de nuire. Dans un combat réel, il est impossible d’être certain que les coups portés atteindront leur cible. Pour augmenter statistiquement les chances d’atteindre sa cible et de s’en sortir, les techniques de kajukenbo consistent en une suite de nombreux coups, une dizaine ou plus, assénés aux points vitaux du corps.
L’une des spécialités du kajukenbo est le checking. Checking signifie contrôle, il s’agit donc d’un contrôle du mouvement de l’adversaire à l’aide d’un blocage qui s’effectue par contact et/ou pression.
S’ils permettent d’entraver la mobilité de l’opposant et de parer aux contre-attaques, ces contrôles servent également à « combler » les espaces de temps laissés entre deux coups portés. Ils offrent ainsi l’opportunité au pratiquant de bénéficier d’un court laps de temps pour décider du coup suivant (localisation, intensité… ).
Toujours dans le but d’obtenir une efficacité accrue, les coups portés visent essentiellement des points vitaux. Ils peuvent entraîner le KO de l’adversaire, voire lui infliger des blessures graves ou, même, provoquer sa mort.
Le kajukenbo est un système de défense à mains nues contre tous types d’attaques. Il intègre également le maniement des principales armes du kali en l’adaptant au contexte de notre époque. Le but principal étant toujours de faire de la self-défense réaliste.
On compte généralement trois types de défense contre armes : mains nues contre couteau, bâton contre couteau et couteau contre couteau.
L’apprentissage de la défense à mains nues contre une agression au couteau se fonde sur des techniques de blocage et de désarmement qui visent à minimiser le nombre et la gravité des blessures que pourrait recevoir un pratiquant en situation réelle d’agression.
L’éventail de ces techniques vise à couvrir tous les types d’attaques possibles, quel que soit l’angle ou la trajectoire de l’arme.
Le kajukenbo a puisé dans divers styles d’escrime philippines comme le doce pares ou le lameco. Les techniques au bâton ressemblent en partie à celles mains nues car elles ont également pour but de désarmer l’adversaire.
Les techniques « bâton » permettent de travailler avec de plus grandes distances et, donc, de sécurité. L’allonge procurée par le bâton augmente également la puissance et la force d’impact. Ce sont essentiellement les articulations que l’on apprend à viser car ce sont ces coups qui favorisent le désarmement et qui mettent KO le bras armé de l’opposant.
Les techniques « bâton » ne reprennent pas dans leurs intégralités les techniques des styles d’origine. Les techniques qui ont été intégrées à la pratique du kajukenbo sont celles s’adaptant le mieux à sa logique et se travaillant facilement dans une orientation self-défense.
Les techniques couteau contre couteau sont essentiellement tirées de l’escrime philippine. Seules les plus simples et les plus efficaces ont été retenues. Le but est de désarmer l’adversaire et de le contrôler de façon qu’il ne représente plus aucun danger.
Les palamas sets sont proches par leur forme des katas (japonais) ou tao (chinois) que l’on retrouve dans les arts martiaux orientaux traditionnels. Ils s’inspirent cependant également du travail du shadow boxing, une forme d’entrainement au combat dans le vide. Leur apprentissage a pour but de permettre au pratiquant de développer sa stabilité, sa précision et son style.
La riposte à l’agression doit se faire d’une façon très rapide et explosive afin de surprendre l’adversaire et de lui laisser le moins de temps possible pour réagir. Le kajukenbo est conçu pour être efficace quelle que soit la distance à laquelle on se trouve de l’opposant. Dans ce but, différents types de mouvements sont travaillés : frappes, luxations, projections, immobilisations, etc.
Le kajukenbo se travaille toujours dans la recherche de l’efficacité en cas de combat réel. Les entraînements visent à acquérir la condition physique nécessaire pour tenir le temps d’un combat de rue. Les techniques se travaillent dans le but de développer les réflexes qui serviront à appréhender toutes les situations. Elles se travaillent avec précision tout en respectant les spécificités de chacun.
Le kajukenbo n’est donc pas enseigné de façon rigide comme pour d’autres arts martiaux où le but est de reproduire le plus fidèlement possible les mouvements exécutés par le maître. Le kajukenbo a pour but de doter chaque pratiquant de techniques efficaces quel que soit son gabarit ou ses aptitudes.
Si la pratique du kajukenbo vise à l’efficacité en toute situation, l’enseignement joue aussi beaucoup sur l’humilité et cette notion est souvent rappelée. En effet, en raison de l’aspect « complet » de cette discipline, certains pratiquants pourraient se montrer plus téméraire qu’ils ne le devraient en situation réelle. Or, le but du kajukenbo est de préserver sa vie. Ainsi, si dans certains cas, la fuite est possible et plus salutaire que l’affrontement, alors mieux vaut prendre la fuite.