Titre original | L'Aigle à deux têtes |
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Réalisation | Jean Cocteau |
Scénario | Jean Cocteau |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production |
Les Films Ariane Sirius Films Les Films Vog |
Pays de production | France |
Genre |
Évocation historique Drame Romance ruritanienne |
Durée | 97 min |
Sortie | 1948 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.
L'Aigle à deux têtes est un film français de Jean Cocteau, adapté de sa pièce éponyme et sorti en 1948.
Trois jours de l'amour impossible d'une reine veuve recluse, encore jeune et belle, pour un bel et vigoureux anarchiste, rencontre tragique entre « une reine d'esprit anarchiste et un anarchiste d'esprit royal », sosie du roi défunt, venu pour assassiner la reine, mais qui, traqué et blessé, a dû se résigner à trouver refuge au château.
À l'aube du XXe siècle, dans un pays indéterminé (mais qui évoque l'Autriche à l'époque décadente), la reine (Edwige Feuillère) veuve s'est réfugiée dans les appartements de son château de Krantz. Une lutte de pouvoir s'est engagée avec l’archiduchesse, sa détestable belle-mère. La reine, suivie par son fidèle amoureux transi, le duc Félix de Willenstein (Jean Debucourt), résiste fermement, étroitement surveillée par le comte de Foëhn, le rusé ministre de la police (Jacques Varennes), et cernée par des espions, dont sa lectrice Mademoiselle Edith de Berg (Silvia Monfort), la seule personne à avoir l’autorisation de voir son visage découvert. De plus, sa vie est menacée. Précisément, le poète anarchiste Stanislas (Jean Marais), pourchassé par les forces de police, car voulant attenter à la vie de la souveraine, fait irruption chez elle au hasard de sa fuite et tombe évanoui à ses pieds. Il est en costume traditionnel en cuir.
Passés les premiers émois, la reine ne crie pas à l’aide, ni ne le chasse car Stanislas la trouble par son étrange ressemblance avec le défunt époux, le roi Frédéric, victime d’un attentat terroriste le matin de leurs noces, 10 ans plus tôt. La reine apprend, par la bouche d’Edith, que Stanislas a été envoyé par le comte de Foëhn pour l'assassiner et qu’il est aussi l’auteur d’un poème pamphlétaire, virulent texte dans lequel il dénonce le comportement de la reine. Elle décide néanmoins de le cacher, de le soigner en tant qu'« Envoyé de la Mort » ; elle l'appelle son « Destin ». Stanislas est surpris par cette jeune et belle souveraine qui ne ressemble pas à celle qu'on lui avait décrite et découvre une femme qui a sa propre façon de penser ; il abandonne son sinistre projet et reste dans les appartements royaux, en revêtant les habits du défunt roi. La reine provoque Stanislas en lui montrant un médaillon contenant une capsule de poison, laissant à portée de ses mains un revolver armé et lui dit : « Je vous donne trois jours pour me rendre le service que j’attends de vous… Si vous ne m’abattez pas, je vous abats !»
Alors un amour fulgurant, intense et insensé va leur faire vivre trois jours passionnés. En effet, le jeune homme redonne goût à la vie à cette reine qui vivait recluse, coupée du monde dans un univers étouffant. : « Je vous offre d’être vous et moi un aigle à deux têtes ». Il l’encourage à partir pour la capitale afin de reprendre le pouvoir pour réduire à néant les intrigues de la cour. Mais celles-ci sont redoutables car le comte de Foëhn, averti par Edith, est inquiet de la tournure prise par cette relation qui risque de compromettre son projet d’une régence de l’archiduchesse avec lui au gouvernail. Il contacte discrètement Stanislas et lui propose la liberté en échange de son aide pour empêcher le désordre provoqué par l’hostilité ouverte de la reine envers l’archiduchesse : il doit favoriser le départ de la reine qui doit regagner sa capitale pour se montrer à son peuple et le rassurer. « La puissance d’une reine a des limites, celle du ministre de la police n’en a pas ». S'il refuse de servir d’agent de liaison, alors il sera mis aux arrêts et livré à une justice impitoyable. Stanislas obtient un délai.
Mais la Cour, avec ses manœuvres secrètes et ses complots, referme son étau sur le couple. Revêtu de son habit traditionnel, Stanislas comprend alors que rien n’est possible entre la reine et lui. Les jeux de l'amour et de la mort vont alors utiliser le poison et le poignard : Stanislas reculant devant un amour impossible avale la capsule fatale. Il s’empoisonne pour rendre à la reine sa vocation royale. Alors la reine décide de commettre un acte que toutes les femmes envisageraient avec horreur, en jouant à Stanislas une atroce et grandiose comédie : elle le bafoue, le traite de lâche, le cravache dans le seul but de recevoir de lui le coup de grâce. Il la tue d'un coup de couteau. « Merci petit homme et pardon. Il fallait te rendre fou… tu ne m’aurais jamais frappée… Je t’aime ». Elle a le temps de lui avouer son amour, avant de s’écrouler. À son tour, Stanislas tombe à la renverse du haut en bas des marches du grand escalier, foudroyé par le poison.
« Nous sommes un aigle à deux têtes… et si on coupe une tête, l’aigle meurt ! »
L'Aigle à deux têtes est avant tout une pièce de théâtre.
L'idée première de Cocteau est de confronter « une reine d'esprit anarchiste et un anarchiste d'esprit royal ». Son inspiration, il la doit à un sombre épisode historique, reflet du réel : le souverain Louis II de Bavière (famille Wittelsbach), déclaré fou, étrangle son médecin près d'un lac avant de trouver la mort, mystérieusement noyé. Accident, évasion, suicide ? La disparition de l'Aigle reste encore une énigme ouverte. « J'ai pensé, en relisant quelques-uns de ces textes, qu'il serait intéressant et propice, au grand jeu du théâtre, d'inventer un fait divers historique de cet ordre et d'écrire ensuite une pièce pour en dévoiler le secret »[Note 6].
Pour donner un style à la reine, Cocteau puisa sa force dans les vestiges de cette même famille Wittelsbach, et prit pour modèle sa cousine Élisabeth d'Autriche, plus connue sous le nom de « Sissi », assassinée par un anarchiste en 1898. Dans les Portraits littéraires de Rémy de Gourmont, il y découvre une reine qui possède « l'orgueil naïf, la grâce, le feu, le courage, l'élégance, le sens du destin » qu'il recherche pour transmettre le souffle de vie à sa propre héroïne.
Bien que n'ayant aucune assise historique véritable, « une seule chose a été empruntée à l'histoire c'est le coup de couteau final et le fait qu'une impératrice célèbre ait pu marcher longtemps avec un couteau planté dans l'omoplate»[9]