La Bête dans la jungle | |
Publication | |
---|---|
Auteur | Henry James |
Titre d'origine | The Beast in the Jungle
|
Langue | Anglais |
Parution | Methuen, Londres, et Scribner's, New York, |
Recueil | The Better Sort
|
Intrigue | |
Genre | Roman court |
Lieux fictifs | Londres |
modifier |
La Bête dans la jungle (titre original : The Beast in the Jungle) est un roman court d'Henry James, paru dans le recueil The Better Sort en 1903 chez Methuen, Londres, et Scribner's, New York.
Il s'agit d'une des nouvelles les plus longues et d’un des textes les plus célèbres de l'auteur, qui illustre, peut-être mieux qu'aucune autre de ses œuvres, la vaine recherche des âmes qui n'arrivent pas à se comprendre et les décisions ou agissements de tout homme qui influeront sur sa destinée tout au long de son existence.
John Marcher et May Bartram ont tissé autrefois des liens affectifs qui s'étaient dénoués pour une cause assez futile. Homme timoré, Marcher refusait de s'engager dans le mariage, persuadé que sa vie n'était qu'en sursis parce qu'un événement tragique et douloureux, tapi comme une « bête dans la jungle », devait réduire à néant son bonheur et celui de tous ceux qui lui seraient attachés. Marcher vit ainsi, hanté, oppressé, par ce sombre pressentiment.
Dix ans plus tard, May Bartram, devenue propriétaire d'une maison à Londres grâce au legs d'un héritage, croise de nouveau John Marcher. L'homme n'a pas changé, mais elle le convainc, non sans peine, de reprendre leurs relations, cette fois sur une base strictement amicale. Ainsi, ils se voient à intervalles réguliers, fréquentent ensemble les théâtres, dînent parfois en tête-à-tête ou reçoivent des amis. John Marcher passe ainsi, il doit le reconnaître, les plus belles années de son existence, mais sans que la relation avec May ne prenne plus d'importance, car leur accord tacite n'est jamais remis en cause pour ne pas inciter « la bête » à bondir et tout anéantir. Mais May se met subitement à dépérir et s'achemine vers la mort. Un jour, elle crie ce qui la tue : un grand événement est arrivé, mais Marcher ne s'en est pas aperçu, et continue d'ailleurs à ne pas s'en apercevoir. Ce n'est que sur sa tombe que John Marcher s'aperçoit combien son égocentrisme et ses craintes velléitaires, son incapacité d'aimer, lui auront fait perdre le bonheur qui lui était destiné.
Cette nouvelle est l'une des plus énigmatiques et fascinantes d'un cycle dans la production de Henry James commencé en 1892, chef-d'œuvre d'ambiguïté, de complexité et ironie narrative. Sous ce titre métaphorique se trame un colloque sentimental dont l'enjeu est la révélation de quelque chose d'extraordinaire qui attend son mystérieux destin, « telle une bête fauve tapie dans la jungle[1] ». L'ironie est que finalement la quête du secret semble constituer le secret lui-même ; Marcher, obsédé par l'originalité de son destin et la prescience que May sait quelque chose qu'il ignore, n'a de cesse de l'interroger, indirectement, à travers les méandres subtils d'une conversation procédant essentiellement par allusions. Ainsi, Henry James déploie tout un art du rebond, sur une phrase, un mot, car, comme l'écrit Jean-Pierre Naugrette, « ce qui compte, ici, ce n'est pas tant le contenu du secret, à jamais différé, repoussé, rejeté dans les méandres du silence et de la réticence, que toutes les stratégies d'approche, les tentatives de découverte ou d'excavation[2]. » Mais finalement, au terme de cette « marche », à travers l'inconnu et l'obsession de ce que Marcher ignore, et que May sait, une fois celle-ci morte, Marcher se retrouve seul, littéralement seul sur terre, même parmi ses contemporains. Ayant manqué la rencontre avec la passion, l'amour, une fois May morte, il se retrouve face au « vide de sa vie[3] » et se rend compte que cette « bête dans la jungle » prête à bondir n'était que finalement « son agonie, sa mort à elle, [et] la solitude qui s'en suivrait pour lui[4] ».
« Il est de coutume de dire, écrit Jean Pavans, que Henry James est à son apogée dans ses nouvelles, et cette opinion n'est pas sans fondement. Car son art est constamment expérimental, et c'est au cours des cent douze nouvelles qu'il produisit que ses expériences furent les mieux cernées, les plus poussées, les plus aiguës[5] ; assertion confirmée par La Bête dans la jungle.