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The White Man’s Burden |
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Incipit |
« Take up the White Man's burden… » |
Explicit |
« …The judgment of your peers! » |
Le Fardeau de l'homme blanc (The White Man's Burden) est un poème de l'écrivain britannique Rudyard Kipling. Il a été publié à l'origine en dans la revue mensuelle américaine populaire McClure's, avec pour sous-titre Les États-Unis et les îles Philippines (The United States and the Philippine Islands)[1].
Ce court poème peut être lu comme un soutien à la colonisation des Philippines – et plus généralement des anciennes colonies espagnoles – par les États-Unis au cours de la guerre américano-philippine[2], mais aussi comme un avertissement adressé aux États-Unis au sujet des responsabilités morales et financières que leur politique impérialiste les amène à endosser.
Le poème est également publié au moment où la seconde guerre des Boers qui oppose des colons européens non anglophones installés en Afrique du Sud depuis les XVIIe et XVIIIe siècles et l'Empire britannique est sur le point de débuter.
Kipling prévoit initialement de publier ce poème en 1897 à l'occasion du jubilé de la reine Victoria, mais préfère le remplacer par Recessional. Le texte Le Fardeau de l'homme blanc sera modifié pour s'adapter au thème de l'expansion américaine après la guerre hispano-américaine, en 1899[3].
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Prenez le fardeau de l'Homme Blanc |
Le poème se compose de sept strophes, dont les rimes suivent un schéma ABCBDEFE. Il apparaît comme une injonction intimant à l'homme blanc le devoir de civiliser, de subvenir aux besoins et d'administrer les populations colonisées (le « fardeau » pouvant être à la fois ces populations, et le devoir en lui-même). Il illustre la mentalité des Occidentaux d'alors, croyant au progrès, et qui considèrent être porteurs d'un devoir de civilisation du reste du monde[4]. Ce poème est devenu pour cette raison un symbole de l'eurocentrisme de cette époque et de la justification de la colonisation en tant que mission civilisatrice.
Kipling présente la colonisation comme un « fardeau » assumé par le colonisateur européen : la dimension christique est nette, assimilant le colonisateur à Jésus portant sa Croix lourde des péchés du monde[5]. Le colonisateur, essentiellement masculin (« Exile tes fils »), se distingue par sa sérénité (« sans marquer d'impatience »), malgré la peur (« cette terreur omniprésente »), la fatigue (« labeur de serf » ; « cacher ta fatigue ») et la déception face à l'attitude des peuples colonisés (« ces années d'ingratitude »)[5]. En effet, ces derniers, « agités et sauvages », « mi enfants, mi-démons », se manifestent par leur manque de reconnaissance (« Le blâme de ceux dont tu as amélioré le sort/La haine de ceux que tu as protégés »). À cette figure de barbarie (ces « foules qu'avec ménagement/(Et trop lentement peut-être) tu entraînes vers la lumière ») s'oppose le colonisateur qui avec altruisme (« subvenir aux besoins de tes captifs » ; « avec altruisme/Travaille au bénéfice des autres ») apporte la civilisation et la science : il instaure la paix (« imposer la paix »), « enraye la maladie » et la famine (« nourris les affamés »)[6]. Au delà de ces simples références religieuses, Kipling sous-entend une idée de péril (le fardeau) auquel s'expose l'homme blanc[7]. Le « fardeau » en question désigne donc autant le devoir christique du colonisateur de civiliser et administrer les populations conquises que la tâche elle-même qui peut entrainer une certaine forme de rancœur si ce n'est même de l'amertume[8].
Le poème insiste sur l'amertume de la tâche assumée par le colonisateur européen : si la civilisation britannique, et, au-delà, occidentale, est clairement présentée comme supérieure et destinée à se répandre dans le monde entier, elle n'est pas triomphante[9], comme le montre la conclusion des troisième et quatrième strophes : « Et lorsque tu auras presque atteint ton but/À la rencontre d'autrui/Vois la paresse et la barbare sottise/Anéantir tous tes espoirs » ; « Les ports où tu n'accosteras jamais/Les routes que tu ne fouleras pas/Bâtis-les de ton vivant et jonche-les de tes morts »[6].
Ce poème eut un grand retentissement, lors de sa publication et suscita un réel débat aux États-Unis, pays dans lequel il fut publié. La couverture du magazine Life du présente une caricature l’Oncle Sam, John Bull et le Kaiser allemand juchés sur le cou d’un Noir, d’un Indien, et d'un autre colonisé sur le sentier d’un pays désertique, inversant ainsi l'idée du fardeau, pourtant présenté comme celui de l'homme blanc par Kipling. Seule la dernière strophe fait peser le risque d'une menace sur cette mission civilisatrice. Ce poème souvent interprété comme une apologie de la colonisation blanche des populations à la peau plus sombre met en réalité à mal le modèle de l’homme blanc dominateur. Robert Escarpit, auteur de l'ouvrage Rudyard Kipling, servitudes et grandeurs impériales, rapproche ce texte d’un autre poème, inititulé Recessional (1897), dans lequel, en plein jubilé de la reine Victoria, le poète et écrivain britannique évoque ce qu’il adviendrait de l’Empire britannique si les colonisateurs, « ivres de conquête, venaient à oublier les valeurs chrétiennes de leur mission »[10].
Le livre The White Man's Burden (Le fardeau de l'homme blanc: L'échec des politiques occidentales d'aide aux pays pauvres), écrit par William Easterly, fait directement référence au livre de Kipling. L'auteur, économiste américain, spécialiste de l'économie du développement, y précise sa pensée au sujet de l'aide internationale.
Le film White Man's Burden (connu en France sous le titre White Man), uchronie réalisée par Desmond Nakano et sortie en 1995, est une référence au poème mais se présente sous une forme alternative de l'histoire ou l'homme blanc est politiquement et socialement dominé par l'homme noir.