Le Robinson suisse

Le Robinson suisse
Image illustrative de l’article Le Robinson suisse
Frontispice de l'édition Hetzel, par Yan' Dargent, gravé par Joliet

Auteur Johann David Wyss, puis Isabelle de Montolieu
Pays Drapeau de la Suisse Suisse
Genre Roman d'aventures exotiques
Version originale
Langue Allemand
Titre Der Schweizerische Robinson
Éditeur Orell, Füssli & Co.
Lieu de parution Zurich
Date de parution 1812
Version française
Traducteur et continuateur Isabelle de Montolieu
Lieu de parution Lausanne (Suisse)
Date de parution 1813

Le Robinson suisse[1] (titre original : Der Schweizerische Robinson) est un roman du pasteur suisse alémanique Johann David Wyss. Il a été édité en allemand en 1812[2] à Zurich (Suisse) et avait pour sous-titre : La Famille suisse Robinson ou Le Prédicateur suisse naufragé et sa famille. Un livre didactique pour les enfants et les enfants des amis à la ville et la campagne[3]. Il s'agit de l'une des toutes premières réécritures du célèbre roman de Daniel Defoe, Robinson Crusoé[4].

Le livre connaît un grand succès : traduit dans toutes les langues de l'Europe, il sera constamment réédité.

À la suite d'un naufrage alors qu'elle se rend à Port Jackson en Australie pour toucher un héritage, une famille suisse anonyme se retrouve échouée sur une île perdue de l'Indonésie.

Johann David Wyss rédige Le Robinson suisse entre 1794 et 1798 pour ses enfants, sans arrière-pensée éditoriale : son intention était d'écrire une histoire dont ses enfants tireraient des leçons de vie et de morale, à l'image du personnage du père dans le roman.

Le style de l'auteur sera décrit, bien plus tard, comme « résolument chrétien et empreint de morale[5] », tout comme l'était le roman Robinson Crusoé de Daniel Defoe (1719), dont Johann David Wyss s'est inspiré. Toutefois, la critique littéraire Danielle Dubois a observé que les idéaux défendus avaient radicalement changé avec l'évolution de la société :

« Paradoxalement, et moyennant quelques retouches, le modèle individualiste de Robinson se prête à l’exaltation de la famille, à l’éloge de la civilisation, voire à la mise en garde contre la vie facile des Naturels, et peut servir les idéaux de la bourgeoisie catholique du XIXe siècle[6]. »

Le livre ne sera publié qu'en 1812 par l'un des fils de l'auteur, Johann Rudolf Wyss, professeur de philosophie à Berne et auteur de l'ancien hymne national suisse[7]. Le roman paraît sans nom d'auteur et porte la mention : « publié par Johann Rudolph Wyss ». Son autre fils, Johann Emmanuel Wyss, illustrera le livre[8].

Traduction française et suites

[modifier | modifier le code]

La première édition en langue française paraît en 1813 à Lausanne, traduite et adaptée en deux volumes par la Suissesse Isabelle de Montolieu sous le titre : Le Robinson suisse ou Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfants.

En 1824, Mme de Montolieu donne une suite et une fin à l'histoire laissée inachevée en la continuant à partir du chapitre 37. Elle remanie également plusieurs chapitres en atténuant notamment leur dimension moralisatrice. Publié chez Arthus-Bertrand à Paris, son roman (qui porte le même titre que la première traduction)[9], est un grand succès de librairie. C'est cette version de 1829 qui sert de base à la traduction anglaise de William Henry Giles Kingston en 1879 – la plus lue encore de nos jours – et à beaucoup d'autres.

Jules Verne, grand admirateur du roman de Johann David Wyss, imagine à son tour une suite au Robinson suisse. Son roman, titré Seconde Patrie paraît en 1900. C'est lui qui le premier donne un nom de famille aux héros, les Zermatt.

Œuvres inspirées du Robinson suisse

[modifier | modifier le code]

En 1841, l’auteur anglais Frederick Marryat écrit son roman pour la jeunesse Les Robinsons du Pacifique[10] (Masterman Ready, or the Wreck in the Pacific) en réponse au Robinson suisse[11] : capitaine de navire fort d'une longue expérience, il était irrité par le fait que Johann David Wyss dépeigne un naufrage comme une aventure romantique[12] ; il reprochait également à Wyss son ignorance de la flore et de la faune[13]. Même s'il est tout aussi empreint de morale et de piété chrétiennes que Le Robinson suisse, le roman de Frederick Marryat contient davantage de réalisme et moins de romanesque.

En 1848, un restaurateur et entrepreneur français, Joseph Gueusquin, inspiré par le Robinson suisse, construit en banlieue parisienne un restaurant perché dans un des énormes chataîgniers de la commune du Plessis-Piquet, qu'il baptise Au Grand Robinson. Le succès sera tel qu'en 1909 un décret officiel autorisera cette commune « à porter à l'avenir le nom de Plessis-Robinson »[14].

Jules Verne s’inspirera également du Robinson suisse pour son roman L'École des Robinsons (1882) ainsi que pour L'Oncle Robinson, demeuré inédit jusqu'en 1991 parce que refusé par les éditions Hetzel vers 1870. Jules Verne utilisera plus tard sa copie de L'Oncle Robinson pour rédiger la première partie de L'Île mystérieuse, publié en 1875. Verne revendique cette filiation aussi bien dans le début du roman L'Île mystérieuse[15] que dans une lettre adressée à son éditeur[16].

Plus généralement, de nombreux ouvrages didactiques français destinés aux jeunes garçons du XIXe siècle (plus rarement aux jeunes filles[17]) prennent pour modèle le Robinson suisse[18] : sous forme de journaux, ils présentent les spécificités naturelles ou culturelles de nouveaux territoires, souvent annexés à la France par la colonisation, et notent l'évolution intellectuelle, morale et spirituelle de l'enfant. Ainsi du Journal de Robert de Marguerite Ligerot, alias Roger Dombre, ou du Journal d'un lycéen de Tunis de Henri Souquet. Le héros de Henri Souquet s'inscrit explicitement dans l'héritage de Johann David Wyss : « Robinson, qui fut Anglais d'abord, et Suisse après, s'est naturalisé Français à Montmorency. Devenir le vrai Robinson français ! Idéal[19] ! ».

Les différentes éditions françaises

[modifier | modifier le code]

(liste non exhaustive)

  • 1814 : Le Robinson suisse, ou Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfants. Traduit de l'allemand de M. Wiss ; par Mme de Montolieu. Orné de douze fig. en taille-douce. Chez Arthus Bertrand, libraire, 4 tomes, Paris, 1814[20] (édition parisienne après celle de Lausanne l'année précédente : elle comporte les 36 chapitres traduits de l'original et se termine par un post-scriptum de l'éditeur qui explique au lecteur comment le manuscrit lui est parvenu. Il lui promet également une suite qui ne sera en fait écrite que dix ans plus tard par Mme de Montolieu).
  • 1824 : Le Robinson suisse, ou Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfants; continué par Madame Isabelle, Baronne de Montolieu, Chez Arthus Bertrand, Libraire, 3 tomes, Paris. (Le premier tome commence par le chapitre 37 : c'est là la suite promise dans l'édition de 1814, entièrement écrite par Mme de Montolieu).
  • 1829 : Le Robinson suisse, ou Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfans. Traduit de l'allemand de M. Viss ["sic"] et terminé par Mme la baronne Isabelle de Montolieu. Paris : A. Bertrand, 5 vol. in-12, pl. gravures d'après Ch. Chasselat et Choquet, carte gr. par Alès. Note : Les t. I-III sont la traduction de l’œuvre de J. R. Wyss, les t. IV-V l’œuvre personnelle de la Bonne de Montolieu. - Les couv. des t. IV et V portent pour date "1825". - Œuvres de Mme la Bonne Isabelle de Montolieu[21].
  • 1837 : Le Robinson suisse, histoire d'une famille suisse jetée par un naufrage dans une île déserte... avec la suite donnée par l'auteur lui-même. Nouvelle traduction de l'allemand d'Élise Voïart, Paris, 2 vol. in-8°[22]
  • 1860 : Le Robinson suisse, contenant la suite donnée par l'auteur. Traduction nouvelle par M. A. Bordot. Illustrations par MM. Télory et Pégard, Paris : Morizot, In-12, 464 p[23].
  • 1863 : Le Robinson suisse, ou Histoire d'une famille suisse naufragée. Nouvelle traduction revue sur l'édition allemande, par F.-C. Gérard, Rouen : Mégard, collection : Bibliothèque morale de la jeunesse, in-8°, 379 p[24].
  • 1864 : Le Robinson suisse, ou Histoire d'une famille suisse naufragée, par J. R. Wyss. Traduit par Frederich Muller, illustrée de 24 gravures sur bois, d'après K. Girardet, Tours : Alfred Mame et fils, collection : Bibliothèque de la jeunesse chrétienne, 2 vol. in-12[25]
  • 1864 : Le Nouveau Robinson suisse, traduction nouvelle revue, corrigée et mise au courant de la science[26] par P.-J. Stahl et Eugène Müller, illustrations in-texte et hors-texte de Yan' Dargent, gravées par Joliet, Paris, Bibliothèque d'éducation et de récréation Hetzel, In-4°, 376 p. Réédité en 1990 en fac-simile chez Ramsay : J.-J. Pauvert, Paris
  • 1867 : Le Robinson suisse, ou Récit d'un père de famille jeté par un naufrage dans une île déserte avec sa femme et ses enfants. Traduction nouvelle par Mme Frias-Desjardins, Limoges-Paris : F. F. Ardant frères, collection : Bibliothèque morale et littéraire, In-8°, 288 p[27]
  • 1949 : Le Robinson suisse de R.Wyss. Adapté par Jean Sabran, Illustré par Guy Sabran Publication : Paris, Éditions G.P., Collection : Bibliothèque Rouge et Or no 25 192 p.
  • 1994 : Le Robinson suisse de Rodolphe Wyss. Publication : Paris, éditions Casterman, Collection : Bibliothèque bleue no 20, 182 p. (ISBN 2-203-13548-4)

Adaptations

[modifier | modifier le code]

À la télévision

[modifier | modifier le code]

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Le titre complet des premières éditions françaises était : Le Robinson suisse ou Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfants
  2. (de) Andreas Fehrmann, Johann David Wyss: Der Schweizerische Robinson, 26 février 2011.
  3. Der Schweizerische Robinson oder der schiffbrüchige Schweizer-Prediger und seine Familie. Ein lehrreiches Buch für Kinder und Kinder-Freunde zu Stadt und Land
  4. Jacques Dubois, « Du roman au mythe : un Robinson hédoniste et helvète », Études françaises, volume 35, numéro 1, printemps 1999, p. 25–42 (lire en ligne).
  5. Dinah Birch, Katy Hooper: The Concise Oxford Companion to English Literature, Oxford University Press, page 696
  6. Danielle Marcoin-Dubois, La momie de Robinson. Aspects d'un détournement de texte : la robinsonnade enfantine dans la France du XIXe., Thèse de doctorat sous la direction de Bernard Mouralis, soutenue à Cergy-Pontoise en 2000.
  7. Hymne intitulée : Rufst du, mein Vaterland (littéralement : Tu nous appelles, ô patrie) ; elle sera remplacée en 1961 par le Cantique suisse
  8. "Johann David Von Wyss." Major Authors and Illustrators for Children and Young Adults, 2e édition, 8 volumes. Gale Group, 2002.
  9. En 1864, le roman de Mme de Montolieu est publié en deux volumes : le second tome porte le titre : La Famille naufragée, suite de Robinson suisse donnée par l'auteur J.-R. Wyss (cf. notice n°: FRBNF31672596 de la Bibliothèque nationale de France (catalogue général)
  10. Première édition française en 1861 sous le titre Le Naufrage du Pacifique ou Les Nouveaux Robinsons, Paris : Lécrivain et Toubon (cf. notice n°: FRBNF30890235 de la bibliothèque nationale de France). Réédition en 1952 sous le titre Le Naufrage du Pacifique, Paris, Éditions G. P., collection « Bibliothèque rouge et or », traduit par R. et A. Prophétie, illustrations de Henri Dimpre, 192 p. (cf. notice n°: FRBNF32422081 de la bibliothèque nationale de France). Nouvelle réédition en 1955 sous le titre : Les Robinsons du Pacifique, Paris, Tournai, Casterman, « collection Grand large », traduit par Lucie Dermine, illustré par François Craenhals, 140 p. (cf. notice n°: FRBNF32422079 de la bibliothèque nationale de France)
  11. John Thomas Gillespie: Historical Fiction for Young Readers (Grades 4-8): An Introduction, 2008, page 18. (ISBN 1591586216)
  12. Mary Virginia Brackett : The Facts on File companion to the British novel, 2006, Vol. 1, page 285, (ISBN 081605133X)
  13. Frederick Marryat : Masterman Ready, Préface, page 6, (1846)
  14. Armand Fallières (Président de la République), « Décret autorisant la commune du Plessis-Piquet (Seine) à porter à l'avenir le nom de Plessis-Robinson », sur gallica.bnf.fr, Bulletin des lois de la République française, (consulté le ).
  15. « Les héros imaginaires de Daniel Defoe ou de Wyss aussi bien que les Selkirk et les Raynal, naufragés à Juan Fernandez ou à l'archipel des Auckland ne furent jamais dans un dénuement aussi absolu », Jules Verne, L'Île mystérieuse - Les naufragés de l'air - Chapitre VI.
  16. .« Le sujet de Robinson a été traité deux fois. De Foe a pris l'homme seul, Wyss a pris la famille [...] Moi j'ai à en faire un troisième qui ne soit ni l'un ni l'autre. » (lettre à Jules Hetzel)
  17. Bénédicte Monicat, Devoirs d'écriture. Modèle d'histoires pour filles et littérature féminine au XIXe siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, (lire en ligne), p. 25-37
  18. Isabelle Nières, "Robinsons et Robinsonnes" dans L'enfance et les ouvrages d'éducation, Nantes, Presses universitaires de Nantes, 1985.
  19. Henri Souquet, Journal d'un lycéen de Tunis, Paris, Librairie Gedalge, (lire en ligne), p. 25
  20. Le Robinson Suisse, ou, Journal d'un père de famille naufragé avec ses enfants de M. Wiss ; traduit de l'allemand par Mme (Isabelle Polier) de Montolieu (numérisation e-rara)
  21. Notice n°: FRBNF31672588 de la Bibliothèque nationale de France (catalogue général)
  22. Notice n°: FRBNF31599182 de la Bibliothèque nationale de France
  23. Notice n°: FRBNF31672664 de la Bibliothèque nationale de France
  24. Notice n°: FRBNF31672660 de la Bibliothèque nationale de France
  25. Notice n°: FRBNF31672619 de la Bibliothèque nationale de France
  26. Les questions touchant les sciences ont été revues par Jean Macé
  27. Notice n°: FRBNF31672653 de la Bibliothèque nationale de France

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]