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La Contemporaine (ARCH 0188, Arch 0188)[1],[2] |
Louis Lecoin, né le à Saint-Amand-Montrond et mort le à Pavillons-sous-Bois[3], est un militant pacifiste et anarchiste français. Il est à l'origine de la fondation de l'Union pacifiste de France.
Correcteur d’imprimerie et militant syndicaliste révolutionnaire, défenseur de l’objection de conscience[4], il passe douze années de sa vie en prison pour ses idées.
Fils de Jean Lecoin, journalier, et de Françoise Vacher, Louis Lecoin est issu d'une famille très pauvre, de parents illettrés : il ne possédait lui-même qu'un certificat d'études primaires. Il devint correcteur d'imprimerie après avoir exercé les professions de manœuvre, jardinier, cimentier et avoir été aussi mendiant. Il se lia avec une travailleuse des PTT, Marie Émilie Morand, jusqu'à la mort de celle-ci en 1956.
Jeune recrue en octobre 1910 pendant le gouvernement Aristide Briand, il reçut l'ordre avec son régiment d'aller réprimer une grève de cheminots en gare de Cosne. Il refusa, ce qui lui valut six mois de prison[5] pour « refus d'obéissance à l'intérieur de l'armée », par le conseil de guerre siégeant à Bourges le . Démobilisé en 1912, il alla à Paris et devint, après avoir pris contact avec les milieux libertaires, secrétaire de la Fédération anarchiste communiste.
En , une quarantaine de jeunes militants libertaires refusent publiquement la conscription et se réfugient à l’étranger. La Fédération communiste anarchiste couvre de son sigle leur manifeste reproduit sur 2 000 affiches et 80 000 tracts, intitulé « Aujourd'hui insoumis, demain réfractaire, plus tard déserteur ». Louis Lecoin avec Pierre Ruff assument les poursuites judiciaires et le , Lecoin prononce de surcroît un discours appelant au sabotage de la mobilisation dans un meeting. Il est condamné le à cinq ans de prison pour « provocation au meurtre, à l'incendie et au pillage »[6],[7].
Libéré en , il reçoit son ordre de mobilisation immédiat pour Bourges dans une section disciplinaire de l’armée. Il se réfugie alors chez l’anarchiste Georges Reimeringer non sans avoir adressé au gouvernement militaire de Paris une lettre dans laquelle il l’informait de son refus d’être incorporé.
Insoumis, il ne se cache pas et fait montre au contraire d’une grande activité. Avec Pierre Ruff et Claude Content, il rédige un tract signé du Libertaire et intitulé « Imposons la paix ». Il le distribue seul à Belleville le , ce qui entraîne immédiatement son arrestation puis celle de ses deux camarades. Tous trois comparaissent le devant la 10e chambre du Tribunal correctionnel pour « propos alarmistes » et sont condamnés : Lecoin et Ruff à un an de prison et 1 000 francs d’amende, Content à 6 mois de prison et 500 francs d’amende. En outre, il est condamné 18 mois supplémentaires pour trouble à l'ordre public, sans même pouvoir s'exprimer. Il sera libéré en 1920, bénéficiant d'une grâce.
En 1921, présent au congrès de la CGT à Lille, devant les menaces des « gros bras » de la direction, il tira en l'air avec son revolver pour que les syndicalistes révolutionnaires puissent s'exprimer. Il héberge également en 1921 Germaine Berton[8].
Il mena deux combats qui eurent des retentissements dans le monde entier.
Dès la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, en , Louis Lecoin rédigea un tract intitulé « Paix immédiate », distribué à 100 000 exemplaires avec l'aide de Nicolas Faucier et Albert Dremière[9]. Il obtint la signature de 31 pacifistes de gauche comme Marcel Déat, Alain, Jean Giono, Félicien Challaye, Victor Margueritte, Henri Jeanson, Marceau Pivert, Georges Pioch, Ludovic Zoretti, Léon Émery, Georges Dumoulin[10]. Une enquête pour infraction au décret-loi du interdisant les actes pouvant porter atteinte au moral de l'armée et de la population fut ouverte par le tribunal militaire de Paris. Le juge, le capitaine Marchat, convoqua Lecoin et les signataires, qui souvent se désolidarisèrent de Lecoin et du tract[11]. Lecoin est défendu par Me Alexandre Zévaès[12]. Arrêté à Angers, il est incarcéré à la prison de la Santé début , alors que la plupart des autres signataires n'étaient qu'inculpés[13], puis il est évacué au Camp de Gurs[14]. Il ne retrouva la liberté que le avec des pacifistes « qui n'avaient commis d'autre crime que d’être contre la guerre voulue par les Anglais, par Staline et par la clique de leurs valets, indûment préposée au gouvernement de la France. », selon Marcel Déat dans le journal L’Œuvre, qu'il dirige alors. Déat avait signé le tract et était devenu collaborationniste[15].
Lecoin travailla ensuite comme employé, contrôleur, dans les restaurants communautaires, avant d’être correcteur jusqu'à la fin de la guerre.
Après la Seconde guerre mondiale, il fonde le comité de soutien à Garry Davis pour créer une citoyenneté mondiale[16].
Il crée le Comité de patronage et de secours aux objecteurs de conscience (CPSOC), puis le mensuel Liberté (en 1958), consacré à la défense des objecteurs de conscience et à la lutte pour un statut légal pour ceux-ci. Le CPSOC est soutenu par douze personnalités, dont Albert Camus, André Breton, Jean Cocteau, Jean Giono et l'abbé Pierre.
À l’automne 1958, le projet est étudié officieusement par le gouvernement et dix objecteurs ayant accompli au moins cinq ans de leur peine, sont libérés. Mais face à l’hostilité de l’armée, le gouvernement tergiverse. Le , Louis Lecoin entame une grève de la faim à l'âge de 74 ans. Il est notamment soutenu par Le Canard enchaîné où Henri Jeanson interpella les intellectuels par un retentissant « Holà ! Les Grandes Gueules ! Laisserez-vous mourir Louis Lecoin ? »[17],[18]. Le il est admis de force à l’hôpital. Le soir même, 28 objecteurs sont libérés. Cinq personnes entament une grève de la faim à l'aéroport d'Orly[19]. Le , le Premier Ministre Georges Pompidou lui transmet la promesse qu'un projet de loi va être soumis au Parlement. Lecoin quitte l’hôpital le .
Il faut néanmoins une nouvelle mobilisation en février et , dont une pétition de personnalités, pour que le projet soit effectivement étudié durant l’été 1963. Lecoin menace de reprendre sa grève de la faim et le statut, amendé, est adopté le à l’Assemblée nationale et le statut promulgué le lendemain. Tous les objecteurs de conscience sont libérés. Le droit à l'objection de conscience n'est cependant reconnu qu'à des conditions très restreintes.
Son nom est proposé pour le prix Nobel de la paix en 1964 mais il demande son retrait afin de laisser plus de chances à Martin Luther King.
En , il obtient, à égalité avec Jean Rostand, le « Nobel Du Canard ».
L'écrivain Bernard Clavel a écrit de nombreux articles dans la revue créée par Louis Lecoin l'Union pacifiste de France ainsi qu'une préface de ses écrits et cet hommage qu'il lui rend dans son essai Le Silence des armes.
Pour Bernard Clavel, Louis Lecoin est à l'image de Gandhi et de Martin Luther King : un héros de son temps et surtout un exemple. « Toute sa vie témoigne de sa vertu, de sa valeur, de sa grandeur d'âme et de son désintéressement total de ce qui n'est pas directement lié au combat pour la justice et pour la paix. » Son combat, ce n'est pas seulement l'objection de conscience en tant que telle, c'est aussi « celui du bon sens contre l'absurdité, de l'intelligence contre la sottise, de l'honnêteté contre la corruption, de la pureté contre le vice. »
Ce qui frappait d'abord dans cet homme d'aspect chétif, c'était son regard bienveillant, son humanité : « il portait le monde en son cœur et c'était en regardant au-dedans de lui qu'il en avait la vision la plus sensible, la plus chargée d'affection. » Toute sa vie, il a lutté contre la guerre, demandant à Pierre Mendès France en 1954 de supprimer l'armée et il n'aura pas de mots assez durs pour dénoncer son rôle néfaste et sa logique de guerre.
Bernard Clavel qui l'a très bien connu, l'a soutenu dans son combat et lui a dédié son roman Le Silence des armes où il dénonce la guerre, les massacres et la torture en Algérie. Ce roman a suscité bien des réactions et des polémiques qui ont incité Clavel à répondre par sa longue Lettre à un képi blanc.
C'était un homme d'une tolérance infinie, « une vertu à laquelle il attachait beaucoup de prix. » Bien que considéré comme athée, il appliquait à la lettre le précepte du Décalogue "Tu ne tueras point", ainsi que celui de non-violence de Jésus-Christ, "Qui combat par les armes périra par les armes". Poussant jusqu'au bout ses convictions, il a réussi à faire plier le général de Gaulle lui-même, arrachant à force d'acharnement le statut d'objecteur de conscience. S'il a vaincu, il est arrivé à ce résultat avec pour seule arme, son courage et sa foi.
À l'automne 1967, Bernard Clavel propose à son ami Louis d'être à la tête d'un comité pour promouvoir le désarmement unilatéral. Ils fondent, avec Pierre Valentin Berthier, Max-Pol Fouchet, Jean Gauchon, Henri Jeanson, Alfred Kastler, Théodore Monod, Yves Montand, Simone Signoret, Raymond Rageau et bien d'autres le Comité pour l'extinction des guerres.
Le , Louis Lecoin meurt d'une embolie pulmonaire. Auparavant, il avait confié à l'Union Pacifiste le soin de mener son dernier combat.
Il existe une avenue Louis-Lecoin à Vauréal et une allée Louis Lecoin à Dreux. Dans sa ville natale, Saint-Amand-Montrond un buste se trouve dans un des parcs de la ville.
Il y a une plaque sur sa maison de naissance.