Marc Ouellet, p.s.s., né le à La Motte (Québec, Canada), est un cardinal québécois, primat du Canada et archevêque de Québec de 2003 à 2010 puis préfet du Dicastère pour les évêques et président de la commission pontificale pour l'Amérique latine à partir de juin 2010.
Faisant l'objet d'allégations civiles d’agressions sexuelles sur deux femmes, il démissionne de ses fonctions de préfet en , à 78 ans, officiellement en raison de la limite d'âge.
Les Ouellet d'Amérique descendent du pionnier de la Nouvelle-France René Ouellet (nom orthographié aussi Hoélet ou Hoûallet), originaire de la paroisse Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Paris et arrivé au Canada en 1663[1]. René Ouellet épouse le en l'église Notre-Dame de Québec[2], Anne Rivet, une Fille du Roi originaire de Normandie. Parmi leurs enfants, nés à Sainte-Famille sur l'Île d'Orléans, Grégoire Ouellet est l'ancêtre du cardinal Marc Ouellet[3]. On peut aussi citer, parmi ses ascendants, le pionnier Pierre Tremblay (1626-1687), ancêtre des Tremblay d'Amérique[3].
Marc Armand Ouellet naît le à La Motte, en Abitibi-Témiscamingue au Québec, le troisième au sein d'une famille de huit enfants. Il est le fils de Pierre Ouellet (né le à Albanel et mort le 25 février 1988 à La Motte) et de Graziella Michaud (née le à La Motte et morte le 24 février 2015 dans la même municipalité)[4],[5]. L'un de ses frères cadets est l'artiste Paul Ouellet condamné, en 2009, à 15 mois de prison pour agression sexuelle sur mineures[6],[7]. Marc Ouellet fait ses études collégiales ainsi que deux ans de philosophie à l'École normale d'Amos de 1959 à 1964, à la fin desquelles il reçoit un baccalauréat en pédagogie de l'Université Laval. Ensuite, il poursuit des études théologiques au Grand Séminaire de Montréal de 1964 à 1968 couronnées par une licence en théologie de l'Université de Montréal[8].
En plus du français, sa langue maternelle, il parle couramment cinq autres langues: l'allemand, l'anglais, l'espagnol, l'italien et le portugais[9].
Marc Ouellet est ordonné prêtre dans sa paroisse natale de Saint-Luc dans le diocèse d’Amos le et devient vicaire à la paroisse St-Sauveur de Val d’Or (1968-1970). Il part ensuite pour l'Amérique du Sud, où il apprend l'espagnol et enseigne au Grand Séminaire de Bogota en Colombie pendant deux ans. En 1972, il se joint à la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice qui dirige le séminaire[8].
Il part deux ans à Rome en Italie pour obtenir une licence en philosophie de l'université pontificale Saint-Thomas-d'Aquin en 1974. Il retourne ensuite en Colombie, où il devient membre de la direction et professeur au Grand Séminaire de Manizales. En 1976, il revient au Canada pour devenir directeur et enseignant au Grand Séminaire de Montréal. En 1978, il reprend ses études pour compléter un doctorat en théologie dogmatique qui lui est remis par l'Université pontificale grégorienne en 1983[8].
En 1983, il retourne de nouveau en Colombie pour enseigner au Grand Séminaire de Cali pendant un an. De 1984 à 1989, il est le recteur du Grand Séminaire de Manizales. En 1990, il devient le recteur du Grand Séminaire de Montréal puis du Séminaire Saint-Joseph (en) d'Edmonton en Alberta en 1994. En 1996, il devient le titulaire de la chaire de théologie dogmatique de l'Institut pontifical Jean-Paul II de l'université pontificale du Latran à Rome, poste qu'il occupe jusqu'en 2002[8].
Marc Ouellet est nommé évêque titulaire d'Acropolis (de) en Italie le par le pape Jean-Paul II et est nommé à la Curie romaine en tant que secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens. Il est consacré évêque le suivant par Jean-Paul II en la basilique Saint-Pierre de Rome[5],[8].
Il est par la suite nommé consulteur pour les congrégations pour la doctrine de la foi et pour le clergé[8].
Le , le pape le nomme archevêque de Québec et primat du Canada. Il prend possession de son siège le [8].
Lors du consistoire du , il est créé cardinal par Jean-Paul II avec le titre de cardinal-prêtre de Santa Maria in Traspontina à Rome[10]. Il participe au conclave de 2005 qui élit le pape Benoît XVI, de même qu'à celui de 2013 qui élit François.
En , il consacre solennellement son diocèse à Notre-Dame de l'Immaculée Conception[11].
En 2008, Benoît XVI le nomme rapporteur général de la XIIe assemblée générale ordinaire du synode des évêques[8]. Il célèbre le congrès eucharistique de Québec en juin de la même année. Toujours en 2008, il affirme que l'enseignement de la doctrine catholique au Québec doit rester au centre des programmes scolaires parce que le catholicisme est la religion de la majorité, estimant que la société québécoise est désorientée sur le plan spirituel[12].
Le , il est nommé membre du Conseil pontifical pour la culture[13].
En , il dénonce l'ignorance et le manque d'information sur la religion et les traditions, surtout chez les nouvelles générations, et prône le retour de la catéchèse au lieu du cours d'éthique et culture religieuse. Il a également affirmé que l'Église catholique est persécutée au Québec parce qu'elle « dit la vérité[14]».
En , Marc Ouellet intervient publiquement trois fois sur le sujet de l'avortement : il fait une allocution devant la Fédération canadienne des sociétés de médecins catholiques à Montréal, il participe à la Marche nationale pour la vie à Ottawa et il est l'invité d'honneur de la Campagne Québec-Vie lors de la Journée internationale de la famille à Québec[15],[16],[17]. Ses déclarations soulèvent une polémique au sein de la classe politique québécoise et plusieurs femmes politiques dont Pauline Marois, Marguerite Blais, Christine St-Pierre, Josée Verner et Françoise David expriment leur mécontentement face aux propos du cardinal[18],[19].
En quittant ses fonctions d'archevêque de Québec, en 2010, il exprime publiquement une demande de pardon, espérant pouvoir dire « au revoir dans la paix et la réconciliation » et en ajoutant que « lors de certains débats publics ou à l’occasion de décisions pastorales, je suis conscient que plusieurs personnes ont pu être heurtées ou peinées: le message de la vérité n’est pas toujours bienvenu; c’est une souffrance pour celui qui écoute et parfois pour le ministre qui l’exprime[20]».
En il est interviewé par Romilda Ferrauto sur les différents aspects du rôle des femmes dans la formation sacerdotale, dans les communautés paroissiales et plus généralement dans la vie de l'Église[21][pertinence contestée].
Ayant atteint l'âge de 80 ans le 8 juin 2024, il ne participera plus aux conclaves. En effet, depuis la réforme de 1970 par Paul VI, seuls les cardinaux de moins de 80 ans sont membres des conclaves[22].
Le , Benoît XVI rappelle Marc Ouellet à la curie et le nomme à la tête du Dicastère pour les évêques et de la commission pontificale pour l'Amérique latine en remplacement du cardinal Giovanni Battista Re, qui a atteint la limite de soixante-quinze ans fixée par le droit canon (can. 401). Ce diacastère est l'un des plus importants au sein de la curie romaine, puisque l'ensemble des nominations des évêques dans le monde s'y décide. La nomination de Marc Ouellet est analysée comme étant due à sa proximité avec Benoît XVI[23]. Il quitte l'archidiocèse de Québec en afin de s'installer à Rome[20].
Le , il est nommé au sein du Dicastère pour la Doctrine de la Foi par Benoît XVI[24].
En , à l'occasion d'une visite en Irlande, le cardinal Marc Ouellet demande pardon au nom du pape contre les abus sexuels : « Le pape Benoît XVI m’a demandé, en tant que son représentant [...] de demander le pardon de Dieu pour les abus sexuels commis sur des enfants par des ecclésiastiques, non seulement en Irlande mais partout dans l’Église »[25].
En , le cardinal fait paraître un livre d'entretiens : Actualité et avenir du Concile œcuménique Vatican II. Interrogé par le père Geoffroy de La Tousche, curé d'Elbeuf (Seine-Maritime), le cardinal Ouellet présente sa biographie et reprend les principales constitutions du concile Vatican II. Il conclut ainsi son ouvrage, spécialement à l'adresse des jeunes : « Comme disent les apôtres saint Paul et saint Jean : " Nous savons en qui nous avons cru. Et nous avons connu l'amour ". Nous pouvons donc nous engager à fond dans l'amour pour fonder une famille, ou bien dans la vie consacrée ou dans la vie sacerdotale. Il vaut la peine de s'engager dans l'amour. C'est là que se trouve le bonheur, le sens de la vie. C'est là que nous allons trouver la lumière et apporter à d'autres le bonheur. Il ne suffit pas d'être heureux. Rendons les autres heureux, avec la grâce de Dieu. » (p. 242).
Lors de la renonciation du pape en , il est considéré par plusieurs vaticanistes et observateurs comme étant papable. Il avait d'ailleurs également été évoqué comme étant un successeur potentiel de Jean-Paul II. Il participe au conclave qui élit François.
Le , à l'occasion de la confirmation du préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, il est nommé membre de cette congrégation par François[26].
Le , il est nommé par le souverain pontife père synodal pour la troisième assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur la famille se déroulant du 5 au en qualité de président de la congrégation pour les évêques[27].
En , il publie un nouveau livre Famille deviens ce que tu es[28], dans lequel il explique que juger Amoris lætitia « sur la seule base d’une note de bas de page qui signifierait une rupture de la tradition ecclésiale » apparaît « franchement simpliste, voire outrancier ». Il invite aussi les fidèles à refaire une lecture attentive du texte[29].
Le , par un rescrit au nom du pape François, le cardinal Ouellet ainsi que les cardinaux Leonardo Sandri, Pietro Parolin et Fernando Filoni sont élevés au rang de cardinal-évêque sans diocèse suburbicaire, décision prenant effet au consistoire du suivant[30].
Le , il démissionne de sa fonction de préfet[31],[32].
En 2021, Marc Ouellet, en tant que préfet du dicastère pour les évêques[Notes 1],[33] supervise une enquête concernant une religieuse de la communauté des Dominicaines du Saint-Esprit, Marie Ferréol. Le dicastère évoque alors une « faute grave » et la maison mère des dominicaines du Saint-Esprit évoque un « problème de comportement et de mauvais esprit »[34]. Marc Ouellet signe alors deux décrets d’exclaustration et un décret de renvoi définitif de Marie Ferréol, en 2020, confirmés par le Vatican, au début de l'année 2021, puis rétractés par le pape François, lui-même, en décembre 2021[35].
Il a un conflit d'intérêts dans cette affaire en raison de ses « relations privilégiées » avec mère Marie de l'Assomption[Notes 2], une religieuse « en guerre » contre mère Marie Ferréol[36],[37]. Marc Ouellet entretient également des liens avec l'abbé Nault de l'abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle, chargé par le cardinal Ouellet de mener la visite apostolique qui a abouti à l'éviction de la religieuse[Notes 3],[38],[33].
Le 3 août 2023, Marie Ferréol engage une action en justice contre Marc Ouellet pour son renvoi qui a été fait sans explication[39].
Le 3 avril 2024, le tribunal civil de Lorient condamne le cardinal Marc Ouellet, solidairement avec l'association des Dominicaines du Saint-Esprit et les deux visiteurs apostoliques, à verser des indemnités à Marie Ferréol au titre de son préjudice matériel et moral[40],[41]. Le Vatican indique que la condamnation par un tribunal français[Notes 4] de la communauté des dominicaines du Saint-Esprit et du cardinal Marc Ouellet est une « grave violation » de la liberté de religion[42].
Dans une action collective de 101 victimes visant le diocèse de Québec, une fidèle allègue que Marc Ouellet a commis une agression sexuelle, des faits qui se seraient déroulés entre 2008 et 2010[43]. À l'époque, la jeune femme avait une vingtaine d'années et Marc Ouellet était archevêque de Québec[44],[45]. À la suite d'une enquête préliminaire instruite par le prêtre jésuite Jacques Servais, le pape François considère qu'il y a «absence d’éléments suffisants» et décide de ne pas engager une enquête canonique contre Marc Ouellet[46]. Selon le média catholique québécois Présence information religieuse, l'enquête préliminaire est entachée d'un conflit d'intérêts. En effet, Jacques Servais et Marc Ouellet se connaissent et ont travaillé ensemble. Par ailleurs, la plaignante n'a pas été informée des résultats de l'enquête préliminaire. Ces anomalies sont contraires aux règles édictées par le Vatican dans le motu proprio Vos estis lux mundi[47].
Niant les gestes qui lui sont reprochés, le cardinal poursuit son accusatrice en diffamation. Il s’engage à verser toute éventuelle compensation financière au profit de la lutte contre les violences sexuelles faites aux Autochtones du Canada[48]. Malgré cette plainte à hauteur de 100 000 dollars, la victime alléguée maintient ses accusations[49]. Elle décide par ailleurs de révéler son nom, à savoir Pamela Groleau, et indique : « Voilà plus de deux ans que je me bats contre une institution qui, à coups de menaces et d’intimidation, tente de me faire taire »[50].
En janvier 2023, la revue Golias Hebdo révèle l’existence d’une autre plainte contre Marc Ouellet, que le cardinal Gérald Lacroix a transmise au pape, en septembre 2020. Cette plainte a été classée sans suite[51]. Comme pour la première plainte, Marc Ouellet nie tout comportement inapproprié à l'égard de cette femme[52]. Néanmoins, il démissionne de son poste de préfet du dicastère pour les évêques, officiellement en raison de la limite d'âge[53].
En , d'autres gestes inappropriés sont révélés par la presse[54].
La devise du cardinal Ouellet est Ut unum sint qui signifie « Qu'ils soient un » et qui est tirée de l'Évangile selon Jean[5]
Blasonnement :
D’azur à la croix ancrée d’or sur une montagne de trois coupeaux d’argent accostées d’une fleur de lys d’or à dextre et d’une fleur de lys d’argent à senestre[8].
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