Elle prend son nom de scène du personnage d'Oswald qu'elle admire dans Les Revenants d'Henrik Ibsen.
Marianne Oswald entame sa carrière de chanteuse dans les années 1920, dans les cabarets de Berlin, après avoir été opérée d'un goitre thyroïdien — selon ses termes « après s'être fait trancher la gorge[3] ».
En 1931, du fait de la montée du parti nazi et de la menace qu'il fait peser, elle s'exile à Paris, où elle introduit dans la chanson française des techniques propres à l'expressionnisme allemand. Elle séduit par sa diction très particulière, son « parlé-chanté » brechtien, un accent dialectal de l'est mosellan, sa voix tour à tour brute et tendre.
Elle enregistre en , pour la firme Salabert, ses deux premières chansons, En m'en foutant et Pour m'avoir dit je t'aime, avec le pianiste Henri Monfreid. Elle se produit au Bœuf sur le toit où elle chante les chansons de Bertolt Brecht et Kurt Weill : La Complainte de Mackie, La Fiancée du pirate, Le Chant des canons, Sourabaya Johnny. Sa voix plaît à Jean Bérard, président de Columbia France, qui lui fait enregistrer ces deux dernières chansons ainsi que deux autres de Jean Tranchant, La Complainte de Kesoubah et Le Grand Étang. En , elle enregistre encore Le Jeu de massacre, chanson d'Henri-Georges Clouzot sur une musique de Maurice Yvain.
C'est la même année que Jean Cocteau lui écrit Anna la bonne, « chanson parlée » qui sera suivie par La Dame de Monte-Carlo en 1936. Anna la bonne donnera également lieu, en 1958, à un court métrage homonyme de Claude Jutra.
En 1934, Marianne Oswald chante à Pleyel la chanson Appel, de Jean Tranchant. Elle est sifflée, mais Jacques Prévert prend sa défense avec quelques amis. De cette rencontre naît une collaboration fertile entre le poète et la chanteuse : dès , elle enregistre Embrasse-moi, sur une musique de Wal-Berg.
En -, elle vient chanter pour les ouvriers en grève qui occupent leurs usines[4].
La même année[5], elle enregistre le poème Chasse à l'enfant écrit par Prévert à la suite d'un fait-divers de 1934[6], et mis en musique par Joseph Kosma.
En , le contrat d'exclusivité de Marianne Oswald chez Columbia prend fin avec une autre chanson de Prévert et Kosma, Les Bruits de la nuit.
De 1940 à 1946, elle s'exile aux États-Unis où elle se produit dans les cabarets et à la radio sous le pseudonyme de Marianne Lorraine[7]. En 1942, elle joue avec l'accordéoniste John Serry Sr. à New York. Elle chante également des poèmes écrits par le poète Carl Sandburg[8],[9].
En 1948, après la mort par suicide de son ami, l'acteur Louis Salou, elle décide de renoncer à chanter sur scène[10].
Elle avait déclaré : « Mon rêve à moi, c’était d’chanter des Lieder[11]. »
Elle se consacre ensuite à la production d'émissions télévisées pour enfants, et intervient à la radio, sur Paris Inter, en présentant la rubrique Terre des enfants dans l'émission Les Beaux Jeudis de Jacques Pauliac.
En 1966, le temps d'une émission, elle chante à la télévision La Dame de Monte-Carlo[12].
Marianne Oswald meurt le à l'hôpital de Limeil-Brévannes[13], et peu de gens assistent à ses obsèques.
En , à l'initiative de sa ville de naissance et de l'Association des amis de Marianne Oswald, ses restes sont exhumés de la fosse commune du cimetière de Limeil-Brévannes et ré-inhumés dans le cimetière de la rue des Bosquets de Sarreguemines[14],[15],[16] et une plaque est apposée à l'endroit où se trouvait, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, l'immeuble où elle est née[14].
« Elle chante des chansons réalistes, cependant elle dépasse le réalisme, elle ne fait pas semblant, elle transpose, elle taraude l'âme humaine, elle dessine au burin. » (Louis Léon Martin, Petit Parisien, )[Où ?]
« Je suppose que c'est cette puissance rouge d'incendie, de mégot, de torche, de phare, de fanal, qui l'habite, cet acharnement de braise, cette chaleur de gaz d'acétylène, de magnésium et de lampe à souder, qui forment l'efficacité de cette chanteuse, de cette mime que bien des esprits repoussent, mais qui s'impose malgré tout. » (Jean Cocteau - Mes Monstres sacrés - Encre 1979)[Où ?]
↑Pendant l'été 1934, un fait-divers scandalise Jacques Prévert : une trentaine d'enfants s'étant évadés du bagne de Belle-Île-en-Mer en réponse aux violences des surveillants du réfectoire, l'administration propose une prime de vingt francs pour chaque enfant capturé ; les badauds et les touristes se joignent au personnel du bagne pour leur donner la chasse. Prévert réagit en écrivant d'une traite le poème Chasse à l'enfant. Il a aussi l'intention de tirer de l'anecdote un film que doit réaliser Marcel Carné, et tout d'abord intitulé L'Île des enfants perdus. Le projet est abandonné à plusieurs reprises avant de donner lieu en 1947 à un tournage, qui restera malheureusement inachevé, sous le titre La Fleur de l'âge.
↑Télé 7 Jours no 325, semaine du au , p.42, article de Jean-Baptiste Jeener : « C'est à cause de la scène, en effet, que Louis Salou, son grand ami, est mort. À l'époque, Marianne Oswald, pour des raisons politiques, était interdite. “En particulier, dit-elle, en Suisse, où je ne pouvais même pas aller la bouche close… Puis, un jour, on m'a autorisée à y venir et à y chanter. C'était une revanche. Je n'ai pu résister. J'y suis allée. Quand je suis revenue, Louis Salou était mort. C'est alors que je me suis jurée de ne plus chanter sur une scène. Je tiendrai parole.” Ses yeux se brouillent un instant et ce trouble les change en un lac qui piège les souvenirs. »
Marianne Oswald, une flamme, un cri, documentaire télévisé, à la fois biographique et musical, réalisé par Yannick Delhaye en 2014, diffusé sur France 3 Lorraine