Le , il est nommé comme agrégé à la Faculté de droit de Toulouse[3], où il est chargé du cours d'histoire générale du droit. Son ambition et son individualisme l'isolent de la vie universitaire (querelles avec son doyen, échecs de ses demandes de mutation à Paris)[2]. Le , il obtient une chaire d'État pour enseigner les Pandectes, et donne un cours complémentaire sur l'histoire du droit français public et privé (1883-1888)[3]. Mais il perd sa chaire en moins d'un an (en ), et n'en retrouvera une que quatre ans plus tard (le )[2].
Néanmoins, quelques mois plus tard (le ), il est titularisé comme professeur de droit administratif dans sa chaire d'État[3]. Il le sera jusqu'au , soit pendant plus de trente-deux ans à la Faculté de droit de Toulouse[3]. En 1906, il en devient le doyen[2], qu'il demeurera pendant vingt ans, jusqu'à sa retraite en 1926[6]. En parallèle, il donnera aussi des cours complémentaires en législation civile comparée (1891-1892), droit public (1894-1895), droit administratif (1895-1918, 1919-1920), science sociale (1899-1901), et principes du droit public (1920)[3]. Le , il quitte sa chaire d'État de droit administratif pour occuper celle de droit constitutionnel jusqu'en 1926, date de sa retraite[3]. Malgré celle-ci, il semble qu'il ait continué à donner des enseignements, en qualité de simple chargé de cours, sans qu'il soit possible de savoir jusqu'à quand précisément[3].
Critique et interprétation de sa pensée et de son œuvre
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Jurisconsulte français à l'origine d'une œuvre singulière et importante concernant le droit public et la sociologie, Hauriou est l'auteur notamment de la « théorie de l'institution » et d'une doctrine de la puissance publique. Son travail constitue un commentaire abondant des décisions des autorités administratives. Ses thèses ont mis en avant une vision de l'État comme puissance publique, dont la nature même justifierait un droit d'exception. Ainsi Hauriou s'est-il attaché à faire la démonstration d'un droit public hiérarchisé, en dessous d'une puissance supérieure et souveraine. Il s'affirme positiviste en adoptant une démarche scientifique épurée de considérations externes au droit, c'est-à-dire de la morale et de l'anthropologie. Il n'en reste pas moins en réaction à ses aînés qui pensent la science du droit comme un simple commentaire de la législation.
Son influence sera néanmoins considérable et de longue durée, aussi bien parmi les juristes français ou francophones, comme le philosophe du droit libanais Ibn Assidim[10], que chez des juristes et publicistes étrangers, notamment allemands (comme Carl Schmitt), italiens (comme Santi Romano) et espagnols.
Sa confrontation avec Léon Duguit, éminent juriste français spécialiste du droit public, sera structurante pour le nouveau droit public français. Ainsi, le positivisme de Duguit conduit ce dernier à une critique de la souveraineté et de la théorie de l'auto-limitation de l'État, au profit d'une conception sociale de la chose publique et d'une approche sociologique du droit. On voit ici apparaître les prémices d'une conception de l'État social, producteur de services publics et soumis à une hétéro-limitation du droit (avec notamment un contrôle de constitutionnalité du droit par le juge).
Le raisonnement de Hauriou est différent ; pour lui, le pouvoir est dans la souveraineté de l'État lui-même ; de plus, ce dernier doit être appréhendé par le biais de la notion d'institution. C'est l'institutionnalisation (synonyme de consensus et de durée) qui limitera le pouvoir de l'État (c'est le principe de l'auto-limitation objective). L'État en tant qu'institution est traversé par des forces souveraines qui se limitent réciproquement et est donc, par essence, auto-limité et soumis à une « super légalité constitutionnelle ». Néanmoins, pour renforcer cette limitation, Hauriou plaidera lui aussi pour l'instauration d'un recours juridictionnel de constitutionnalité. Ainsi, si Hauriou à l'inverse de Duguit expose une théorie de l'État reposant davantage sur un principe de modération et d'équilibre, la position des deux auteurs tendra finalement à se rejoindre sur les moyens d'exercice d'une limitation juridictionnelle de l'État.
La place de Maurice Hauriou dans l'histoire est assez particulière. Il trouve ses idées dans l'Ancien Régime, système qui était pour lui idéal, tout en les remodelant, pour les concilier avec l'État industriel du début du XXe siècle. Comme beaucoup en son temps, Hauriou fut sensible aux désordres causés par la chute du Second Empire (en effet il fut très marqué par la défaite de 1870), la Commune, les attentats anarchistes, la montée du communisme, l'instabilité ministérielle, les tensions internationales puis la Grande Guerre et le bolchévisme, ensemble d'événements capables de renverser l'ordre établi.
La Première Guerre mondiale est l'occasion pour lui de multiplier les articles et les interventions dans le sens de la mobilisation patriotique.
Ainsi, cette guerre n'est pas que physique mais représente également un affrontement juridique. Le contexte historique et politique, en France et dans le monde, n'est donc pas très évident et cette période est marquée par beaucoup d'instabilités. Cela va fortement influencer l'œuvre de Maurice Hauriou qui prônera, tout au long de sa carrière, la nécessité d'un État stable, l'ordre et la paix sociale.
Maurice Hauriou a élaboré, dans un cadre évolutionniste, la « théorie de l'institution et de la fondation ». Pour lui l'institution est :
« une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise qui lui procure des organes ; d’autre part, entre les membres du groupe social intéressé à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du pouvoir et réglées par des procédures.»
La notion d'institution va s'affirmer et devenir le noyau central de toute la théorie du droit public de Maurice Hauriou. Il définit alors l'État comme étant « l'institution des institutions ».
Il note une lente évolution sociale et identifie deux institutions, les « vivantes » et les « inhérentes », reflets d'une « société de chair et de sang ».
Les institutions dites vivantes résultent d'un double processus d'« incorporation » et de « personnification » ;
Hauriou distingue les institutions-choses et les institutions personnifiées « corporatives ».
L'« incorporation », c'est un pouvoir organisé. Une institution cesse de se réduire aux individus ; elle a une individualité.
La « personnification », c'est la communauté effective, la manifestation de deux communions : de l'institution et des personnes. Un lien étroit existe entre les institutions et le droit.
Les « institutions inhérentes », quant à elles, ont besoin du droit pour exister (trois types de droit). Il s'agit des droits « institutionnels », « statutaires » et « disciplinaires » qui sont utilisés par les institutions.
In fine, l'État est une institution complexe formée d'un ensemble articulé.
Précis de droit constitutionnel, Paris, Librairie de la Société du Recueil Sirey, 1923, VII-742 p
Précis élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1925, 307 p.
Notes d’arrêts sur les décisions du Conseil d’Etat et du Tribunal des Conflits, publiées au Recueil Sirey de 1892 à 1928, réunies et classées par André Hauriou, Paris, 1929, 3 volumes, rééditées par La Mémoire du Droit, 2000 :
Écrits sociologiques, préf. de Frédéric Audren et Marc Milet, Paris, Dalloz, 2008, 476 p. (Réimpression de deux ouvrages de Maurice Hauriou, La science sociale traditionnelle et Leçons sur le mouvement social et de trois articles de revues sur le thème des sciences sociales : « La crise de la science sociale », 1894 ; « Les facultés de droit et la sociologie », 1893 ; « Philosophie du droit et science sociale », 1899).
« De la formation du droit administratif depuis l’an VIII », RGA, 1892, t. 2, p. 391.
« Le Point de vue de l’ordre et de l’équilibre », Recueil de législation de l’Université de Toulouse, tome. V, année 1909.
« La souveraineté nationale », Recueil de législation de Toulouse, 1912, p. 1-154.
« Note sur le principe et l'étendue du droit à indemnité pour les victimes des dommages de guerre », Comité national d'action pour la réparation intégrale des dommages causés par la guerre, Paris, 1915, 4 p.
« La théorie de l’Institution et de la fondation. Essai de vitalisme social », Cahier de la Nouvelle Journée, 4° cahier, (La cité moderne et les transformations du droit), 1925, réédité dans M. Hauriou, Aux sources du droit. Le pouvoir, l’ordre et la liberté, Cahiers de la Nouvelle Journée, 1933, no 23, (réimprimé en Caen, Bibliothèque de philosophie politique et juridique, 1986), p. 89-128.
« Police juridique et fond du droit », RTD civ., 1926, p. 310.
« L’ordre social, la justice et le droit », Revue trimestrielle de droit civil, 1927, p. 795-825, réédité dans M. Hauriou, Aux sources du droit. Le pouvoir, l’ordre et la liberté, Cahiers de la Nouvelle Journée, 1933, no 23, (réimprimé en Caen, Bibliothèque de philosophie politique et juridique, 1986).
[Fac. dr. Toulouse 1929] Faculté de droit de Toulouse (éd.), Mélanges Maurice Hauriou, Paris, Sirey, hors coll., , 1re éd., 1 vol., XIII-832-[1], in-8o (OCLC422264654, BNF37440983, SUDOC046751106).
[Sfez 1966] L. Sfez (préf. de J. Rivero, av.-prop. d'A. Hauriou), Essai sur la contribution du doyen Hauriou au droit administratif français, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public » (no 71), , 1re éd., 1 vol., XV-520, gr. in-8o (OCLC460365488, BNF37410045, SUDOC013289594).
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(en) The Methodology of Maurice Hauriou : Legal, Sociological, Philosophical, Christopher Berry Gray, Studies in Jurisprudence (Book 218), Rudopi, 2010, 264 p.
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↑ a et bDominique Chagnollaud de Sabouret (dir. et professeur à l’Université Panthéon Assas (Paris II)), « Hauriou (Maurice) (1856-1929) », dans Thierry Favario, Anne Jacquemet-Gauché, Laurent Marcadier et Aurélien Molière, Dictionnaire élémentaire du droit : 200 notions incontournables, Paris, Dalloz, coll. « Petits dictionnaires dalloz », , 1re éd., 738 p. (ISBN978-2-247-13982-8, présentation en ligne), Les grands noms du droit, p. 654