Michel Journiac, né le à Paris et mort le dans la même ville[1], est un artiste plasticien français particulièrement emblématique de l'art corporel en France.
À dix ans, Michel Journiac perd son frère cadet[2]. Cet événement marquant sera un motif essentiel de sa production artistique. Il étudie d'abord la théologie à l'Institut catholique, et l'esthétique à la Sorbonne. En , il entre au séminaire mais abandonne la vocation de prêtre en 1962[3]. De à , il est coopérant en Syrie, où il enseigne la littérature française dans le collège du quartier de Bab Touma à Damas[3].
Ses premières œuvres, telles que Alphabet du corps (1965) ou Signe du sang (1966) sont des peintures sur toile abstraites où des formes rouges évoquent des morceaux de chair écorchés. En 1969, il crée Messe pour un corps, action au cours de laquelle le public est invité à consommer un boudin réalisé avec son propre sang.
Sa complicité, à partir de 1968, avec le critique d'artFrançois Pluchart, qui défend son travail en raison du caractère subversif et de l’énergie poétique qui s'en dégagent, permettra à celui-ci de mener une réflexion critique et sociologique en étroite symbiose avec ses pratiques, et celles d'autres artistes comme Hervé Fischer ou Gina Pane. François Pluchart découvre ainsi la pratique d'un art du geste, ou d'un art de l'action qui, comme il l'écrit « ouvre sur une voie incomparablement plus féconde, celle de l'art corporel », dont il se fera le théoricien dans les articles de la revue ArTitudes, qu'il crée en 1971. François Pluchart sera même ponctuellement à l’origine de certaines de ses actions, comme celle du « chèque » ou celle du « référendum du ».
Dans ses actions, ses installations et ses photographies, Michel Journiac s'intéresse au corps, à la sexualité, et aux dispositifs qui les répriment, objets ou « rituels », selon son propre mot[4]. C'est ainsi en utilisant le corps même comme matériau qu'il entend mettre en cause ces mécanismes :
« Le corps réifié, objet-conscience se contestant lui-même, aliénation se refusant dans le surgissement du NON, permet la révolte au niveau de la création, dans une tentative pour prendre au piège la réalité sociologique sous tous ces aspects [...][4]. »
Parmi les objets qui façonnent cette « viande socialisée »[4] qu'est le corps, le vêtement tient une place importante que l'artiste explore notamment à travers le travestissement[5]. C'est par exemple le cas dans Piège pour un travesti (1972) ou dans les séries photographiques de 24 h dans la vie d'une femme ordinaire (1972), Hommage à Freud (1972) ou encore dans L’Inceste (1975). Dans ces deux dernières œuvres, c'est la psychanalyse et le rôle qu'elle accorde au complexe d'Œdipe que l'artiste critique. Il est proche, en ce sens, des théories de Guy Hocquenghem dans Le Désir homosexuel (1972) ou de Gilles Deleuze et Félix Guattari dans L'Anti-Œdipe[6].
Entre 1972 et 1975, Michel Journiac est nommé chargé de cours à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puis maître de conférences d'Histoire de l'Art à l'École des Beaux-Arts de Versailles et enfin professeur plasticien à l'École nationale des Beaux-arts de Nancy[7].
Il meurt à 60 ans, en 1995, d'une hémorragie cérébrale à son domicile, et non pas du sida comme la rumeur l'affirmait.
Le Sang nu, Paris, Rougerie, 1968, préface de Jean Cassou
Délit du corps, Paris, La Différence, 1978. Texte republié en partie dans Digraphe[8]
L’Objet du corps et le corps de l’objet, Paris, Institut de l’environnement, 1972
24 heures dans la vie d’une femme ordinaire, Paris-Zurich, Arthur Hubschmid, 1974
Contrat pour un corps, Feu, Paris, Jean Daviot et Bernard Marcadé, 1994
Ouvrage collectif : L’Enjeu de la représentation, le corps, Paris, UFR Arts plastiques-Sciences de l’art, 1987 (colloque organisé à la Sorbonne en 1987)
Écrits, Collection Écrits d'artistes, Paris, Beaux-Arts de Paris Éditions, 2013[7]
Michel Journiac, Anvers, Internationaal Cultureel Centrum, 1978 (exposition personnelle au Centre culturel international d’Anvers, -)
Michel Journiac : rituel de transmutation, du corps souffrant au corps transfiguré, Châteauroux, École municipale des Beaux-Arts, 1994 (exposition personnelle au Collège Marcel Duchamp en juillet et , à la galerie J & J Donguy en et dans divers lieux à Bilbao, de à )
Action de marquage au présent, Nantes, Ecole régionale des Beaux-Arts de Nantes, 1996 (exposition personnelle à l’École régionale des Beaux-Arts de Nantes du au )
Michel Journiac, 24h. de la vie d’une femme ordinaire, Noisy-le-Sec, La Galerie, centre d'art contemporain, 2001, (exposition personnelle à La Galerie de Noisy-le-Sec du au , dir. Hélène Chouteau)
Michel Journiac, Strasbourg, Musées de Strasbourg, 2004 (exposition personnelle au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg du au , dir. Vincent Labaume)
Michel Journiac, Le Corps Travesti, Galerie Christophe Gaillard, 2018, (exposition personnelle à la galerie Christophe Gaillard et à la galerie Loevenbruck)
Hélène Chouteau et Julien Fronsac, « Témoignage », entretien avec Rodolphe Stadler et Stéphano Polastri, galeristes de Michel Journiac ayant exposé en 1974, les 24 heures de la vie d'une femme ordinaire, Le Journal de La Galerie de Noisy-le-Sec, centre d'art contemporain, 2001
Hélène Chouteau, « Michel Journiac, 24 heures dans la vie d'une femme ordinaire », Le Journal de La Galerie de Noisy-le-Sec, 2001
Corinne Le Neün, « Michel Journiac, une anthropologie partagée », Le Journal de La Galerie de Noisy-le-Sec, archives de la saison 2000/2001, review de l'exposition « 24 heures de la vie d'une femme ordinaire »", in Didascalies, journal de l'exposition[9]
Corinne Le Neün, « Michel Journiac, une anthropologie partagée », contribution au Colloque sur l'œuvre de Michel Journiac, Maison européenne de la photographie, Paris,
Julia Hountou, « De la carnation à l'incarnation », catalogue de l'exposition Michel Journiac, éd. Les musées de Strasbourg et ENSB-a de Paris, 2004, 196 p. ; pp. 83-117
Julia Hountou, « Michel Journiac vu par ses galeristes – Entretiens entre Julia Hountou, la galerie Stadler et la galerie Donguy », Art Présence, no 48, octobre-décembre, 2003, pp. 2-21
Julia Hountou, « Du vêtement qui cache au travestissement qui révèle - Le vêtement selon Michel Journiac », Art Présence[10], no 39, juillet-, pp. 2-15
Julia Hountou, « 24 heures de la vie d'une femme ordinaire - Une performance de Michel Journiac », Lunes (Réalités, Parcours, Représentations de Femmes)[11], no 15, , pp. 66-71
Sarah Wilson, « Michel Journiac's Masquerades, Incest, Drag and the Anti-Oedipus »[12], 2003 in Benthien, Claudia, Stephan, Inge (dir.) Mannlichkeit als Maskerade. Gender Studien mit blick auf ‘den' Mann, Köln, Böhlau Verlag, 2003, pp. 128-153
↑Cindy Schwartz, "Chronologie", in Michel Journiac, Strasbourg, musées de Strasbourg, 2004 (exposition personnelle au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg du 19 février au 9 mai 2004, dir. Vincent Labaume), p. 172.
↑ a et bCindy Schwartz, « Chronologie », in Michel Journiac, Strasbourg, musées de Strasbourg, 2004 (exposition personnelle au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg du 19 février au 9 mai 2004, dir. Vincent Labaume), p. 173.
↑ ab et cMichel Journiac, « De l'objection du corps », in 24 heures dans la vie d’une femme ordinaire, Paris-Zurich, Arthur Hubschmid, 1974, reproduit dans Michel Journiac, Strasbourg, musées de Strasbourg, 2004 (exposition personnelle au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg du 19 février au 9 mai 2004, dir. Vincent Labaume) p. 184.
↑Sarah Wilson, « Michel Journiac's Masquerades, Incest, Drag and the Anti-Oedipus », 2003, in Benthien, Claudia, Stephan, Inge (dir.) Mannlichkeit als Maskerade. Gender Studien mit blick auf ‘den' Mann, Köln, Böhlau Verlag, 2003, pp. 128-153. Article consultable sur le site courtauld.ac.uk.
↑ a et bMichel Journiac, Écrits, Paris, Beaux-Arts de Paris Éditions, coll. « Écrits d'artistes », , 240 p. (ISBN9782840563990, lire en ligne [PDF]), p. 230
↑no 63, mars 1993 : « L’espace travesti du corps, texte 1 et 2 ».