Le modernisme dans l'Église catholique se réfère à des opinions théologiques et à des engagements idéologiques exprimés depuis la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, avec une influence prolongée jusqu'au XXIe siècle. Ces prises de position se caractérisent par une rupture avec l'enseignement catholique traditionnel, à la lumière des théories philosophiques, historiques et psychologiques du XXe siècle et par un appel à la liberté de conscience. Elles ont été condamnées notamment par le pape Pie X comme un péché dans l'encycliquePascendi Dominici gregis.
On distingue plusieurs grandes périodes : la crise moderniste qui s'étend de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle, les difficultés que des mouvements jugés « modernistes » comme Le Sillon rencontrent avec l'Église catholique, la Nouvelle Théologie apparue dans les années 1930 et qui s'attire dans l'après-guerre la condamnation de Pie XII, et enfin la période post-conciliaire, de Vatican II à nos jours, où s'opposent traditionalisme et modernisme.
Au sens strict et historique, le terme « modernisme » dans le catholicisme apparaît à Rome en janvier 1904 dans une revue d'histoire ecclésiastique mais circule déjà parmi les
théologiens romains[1]. Avant, il est question de « loisysme »[2] du nom d'Alfred Loisy. Le terme « modernisme » n'est définitivement consacré qu'en 1907 avec l'encyclique de Saint Pie XPascendi Dominici Gregis qui condamne les « erreurs du modernisme ». Cependant, selon Lester R. Kurtz, la définition vaticane du modernisme ne distingue pas les modernistes catholiques et les profanes car elle groupe les modernistes catholiques avec les modernistes profanes et les anticléricaux comme des ennemis de l'Église[3].
Le modernisme au sein de l'Église catholique devient plus apparent à la fin du XIXe siècle et entraîne au tournant du XXe siècle une crise, appelée aussi controverse. Cette crise moderniste s'articule principalement autour de la publication en novembre 1902 de L'Évangile et l'Église d'Alfred Loisy[4] qui crée un scandale dans les milieux catholiques. Le livre, destiné à être une apologie historique du christianisme en réponse au livre L'Essence du christianisme d'Adolf von Harnack, développe des conceptions presque irrecevables par rapport à la tradition scolastique[5]. Loisy fait publier l'année suivante Autour d'un petit livre qui sont des réflexions sous forme de lettres pour expliquer la visée du précédent ouvrage, mais cette publication accentue les oppositions au lieu de les calmer. La crise prend officiellement fin en 1907 avec l'encyclique du pape Pie XPascendi Dominici gregis condamnant les « erreurs du modernisme » considéré comme « la synthèse de toutes les hérésies » et l'excommunication de Loisy en 1908.
Si la controverse moderniste est tranchée le au plan magistériel par l'encyclique Pascendi Dominici gregis stigmatisant le modernisme comme le « carrefour de toutes les hérésies », elle n'aboutit à aucun schisme, ni aucune révolte note Émile Poulat[6].
Le problème dogmatique non résolu par la condamnation du modernisme est enterré mais, selon le théologien américain Avery Dulles[7], refait surface dans les années trente avec la Nouvelle Théologie. Le mouvement aussi appelé le Ressourcement est critiqué par les néo-thomistes comme étant du modernisme déguisé[8]. Par exemple le théologien français Réginald Garrigou-Lagrange dans un article publié en 1946 sous le titre « La Nouvelle Théologie, où va-t-elle? », répond lui-même à la question dans sa conclusion par la phrase désormais célèbre[8] « Où va la nouvelle théologie ? Elle revient au modernisme »[9].
En 1998, l'encyclique Fides et ratio de Jean-Paul II reprend les positions de Pie X sur le rejet du modernisme[12] mais aussi celles de Pie XII dans Humani generis sur la mise en garde contre les « interprétations erronées, liées aux thèses de l'évolutionnisme, de l'existentialisme et de l'historicisme »[13]. Jean-Paul II, élève de Réginald Garrigou-Lagrange, doit selon Michael Walsh au thomisme une grande influence sur sa pensée, bien plus que la Nouvelle Théologie, alors que cette dernière a eu le plus grand impact sur l'élaboration des documents de Vatican II[14] et que ce concile fut un moment critique pour le thomisme. Tout en réaffirmant que la pensée de Thomas d'Aquin reste « un authentique modèle pour ceux qui recherchent la vérité »[15], Jean-Paul II déclare qu'il n'existe pas d'attachement dogmatique à celle-ci et soutient l'idée d'un pluralisme théologique et philosophique qui a marqué le dernier concile[16].
Théologien catholique allemand, également historien du christianisme et historien de l'art. Il est la connexion principale du Baron Von Hügel en Allemagne, le curateur de la traduction allemande de L'Évangile et l'Église de Loisy et aussi un ami de Georges Tyrrell et Henri Bremond[17].
Irlandais anglican converti au catholicisme, il rejoint les Jésuites en 1890 et est ordonné prêtre l'année suivante. Il écrit A Perverted Devotion, article critiquant l'approche scholastique comme inapplicable en matière de foi et est réprimé par son ordre. Il continue d'écrire sous pseudonyme mais est découvert. Il est exclu de la Compagnie de Jésus en 1906 après son refus de rétractations publiques. Il est excommunié l'année suivante.
Religieuse des Filles du Cœur de Marie, elle se lie d'amitié avec George Tyrrell en 1900. À la suite de la publication de son livre Catholicism and Independence: Being Studies in Spiritual Liberty, le renouvellement de ses vœux est refusé. Elle est mise à l'Index à cause de ses amitiés avec Tyrrell. Elle écrit en 1914 une analyse du modernisme appelée Modernism: Its Failure and Its Fruits et la publie en 1918. Elle signe également deux autres livres sur des figures modernistes : Von Hügel and Tyrrell: The Story of a Friendship en 1937 et Alfred Loisy: His Religious Significance posthumément en 1944.
Oratorien, il publie en 1903 les Essais de philosophie religieuse et, en 1906, Le Réalisme chrétien et l'Idéalisme grec, où il critique le thomisme. Ses deux livres sont mis à l'Index en 1906 et la revue qu'il dirige, les Annales de philosophie chrétienne, est également condamnée en 1913. Il est interdit de publication peu après.
Théologien jésuite français. Professeur de théologie fondamentale à l’Institut catholique de Paris, il fonde en 1967 l’Institut de science et théologie des religions avec Jean Daniélou.
Prêtre et théologien catholique. Un des fondateurs de la démocratie chrétienne en Italie. Il est excommunié en 1909 à la suite de son élection comme député avec la Ligue démocratique nationale mais l'excommunication est révoquée par Pie XII en 1943.
Prêtre catholique, historien du christianisme, philosophe de la religion et théologien. Considéré comme la figure de proue du modernisme italien, il est excommunié en 1926.
L'influence du modernisme religieux dans la culture est attestée dans certaines scènes de la littérature. Ainsi, dans Le Rouge et le Noir, livre de Stendhal qui causa un certain scandale à son époque, on voit cette discussion sur le rapport aux Saintes Écritures entre le jeune aspirant Julien Sorel et le recteur du séminaire[19] :
« Au fait, pensa l’abbé Pirard, voilà bien cette tendance fatale au protestantisme que j’ai toujours reprochée à Chélan. Une connaissance approfondie et trop approfondie des saintes Écritures.
(Julien venait de lui parler, sans être interrogé à ce sujet, du temps véritable où avaient été écrits la Genèse, le Pentateuque, etc.)
À quoi mène ce raisonnement infini sur les saintes Écritures, pensa l’abbé Pirard, si ce n’est à l’examen personnel, c’est-à-dire au plus affreux protestantisme ? Et à côté de cette science imprudente, rien sur les Pères qui puisse compenser cette tendance. »
Pour l'historien Étienne Fouilloux le modernisme est « la matrice intellectuelle du catholicisme contemporain dans la mesure précisément où elle se définit par sa volonté de relire le message fondateur à la lueur des connaissances scientifiques du siècle dernier[20] ».
Émile Poulat considère que l'historiographie du modernisme catholique devient de plus en plus importante :
« Le modernisme, longtemps présenté comme l'aberration étroitement localisée de quelques clercs, est en train d'occuper dans notre historiographie religieuse une place analogue à celle qu'y tient aujourd'hui, par exemple, le jansénisme[21]. »
Pour les historiens en général, Émile Poulat estime également dans son testament « intellectuel et spirituel » qu'ils sont aujourd'hui tous modernistes, y compris les historiens catholiques[22] et que le kantisme est « la forma mentis, la forme d’esprit qui façonne aujourd’hui tout homme normalement constitué. L’homme politique, l’industriel, le scientifique, même le catholique est spontanément kantien »[23].
Le théologien dominicain Aidan Nichols pense que le modernisme catholique est un phénomène tellement complexe que son histoire définitive et son évaluation théologique restent encore à être écrites[24].
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↑« La cause première, écrivait-il, n’est pas objet de science. Même pour les historiens catholiques, Dieu a cessé d'être un personnage de l'histoire comme il pouvait l'être pour Bossuet et encore pour Dom Guéranger. En ce sens, ils sont tous modernistes, sans toujours le savoir ou l'admettre. On ne peut plus essayer de présenter en Sorbonne une thèse où il apparaîtrait comme tel. » Danièle Masson et Émile Poulat, France chrétienne, France laïque : Ce qui meurt et ce qui naît, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, , 279 p., p. 61-62.
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Les trente glorieuses de la christologie : avec Bernard Sesboüé. De la 17e minute à la 30e, retard de l'exégèse française à partir de l'interdiction de Richard Simon et postérité du modernisme. Au-delà de ce temps : importance des recherches menées à Fourvière et au Saulchoir de 1920 à 1950, Jésus de l'histoire et Christ de la foi.