La philosophie africaine est utilisée de différentes façons par différents philosophes. Bien que les philosophes africains contribuent à l'enrichissement de la philosophie dans les disciplines classiques, telles que la métaphysique, l'épistémologie, l'éthique, et la philosophie politique, une spécificité de la littérature est marquée par un débat récurrent sur la nature de la philosophie africaine elle-même.
La pensée africaine issue des traditions orales comme celle des Yorubas ou des Bantous est l'objet d'études modernes relevant de l'ethnophilosophie et consistant à reconstruire les représentations du monde de ces peuples selon les termes et les méthodes de l'ethnologie.
Cependant, ces dernières décennies, les historiens de la philosophie africaine, comme Théophile Obenga, Grégoire Biyogo ou Hubert Mono Ndjana, ont mis en lumière des traditions savantes permettant de dégager trois ou quatre grandes périodes ayant marqué l'essor de la pensée en Afrique, qu'elle soit philosophique, théologique, morale ou juridique. La haute Antiquité est marquée par l'invention précoce de l'écriture en Égypte. L'Antiquité tardive et la période intermédiaire[1] sont liées à la pénétration du christianisme en Afrique du Nord et en Éthiopie, puis de l'Islam au Maghreb et dans l'Afrique subsaharienne. La philosophie moderne et contemporaine est issue du contact avec l'Europe et de l'influence croissante que la pensée occidentale moderne a exercée sur le monde africain, ainsi que l'effort de ce monde pour assimiler et critiquer cette modernité.
De manière semblable aux autres approches territoriales de la discipline, la notion de philosophie africaine au singulier cache l'hétérogénéité et la multitude des pensées à l'intérieur du continent[2]. Ce terme se trouve souvent employé comme un marqueur identitaire ou culturel plus que géographique, par exemple lorsque Lucius Outlaw catégorise tous les travaux s'intéressant aux écrits de philosophes africains dans le champ de l’Africana philosophy ou que Paulin Hountondji rattache les écrivains antillais Aimé Césaire et Frantz Fanon à la philosophie africaine. Si l'inclusion de la diaspora s'explique par l'histoire éclatée du continent, la démarche employée consiste parfois à utiliser plus ou moins explicitement la couleur de peau comme critère d'appartenance, comme Jean-Godefroy Bidima dans La philosophie négro-africaine. Ce dernier exclut ainsi, dans cet ouvrage, les interactions et les apports de la civilisation islamique, à l'inverse par exemple de Souleymane Bachir Diagne [3].
On peut définir l'ethnophilosophie, comme un ensemble de recherches qui reposent en tout, ou en partie sur l'hypothèse d'une vision du monde d'une philosophie collective. Elle se base sur les récits de certains ethnologues et cherche à trouver dans ceci un caractère philosophique qu'ils pourront nommer philosophie africaine[4].
La problématique de l'ethnophilosophie africaine a vu le jour avec la publication en janvier 1945 de La Philosophie bantoue par Placide Frans Tempels (1906-1977)[5]. Cet ouvrage retentissant correspondait à son époque, à une réhabilitation des valeurs nègres fort ambigüe. Tempels n’était pas un philosophe. Et il n'était pas africain. C'était un moine franciscain belge et missionnaire au Congo. Pour Séverine Kodjo-Grandvaux, spécialiste de philosophie africaine, l'ouvrage a été bien reçu par Léopold Sédar Senghor. En revanche, il a été critiqué par Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme, et Séverine Kodjo-Grandvaux pense que « le propos de Tempels reste un propos colonial (il s’agit de comprendre les Africains pour mieux asseoir la colonisation et l’évangélisation) »[6].
Les idées de Tempels représentaient un progrès en substituant à la notion de « nègre sans culture » définie par Hegel dans ses Leçons sur la philosophie de l'histoire, la notion de « culture nègre ». Mais tandis que chez Hegel, l'inertie des peuples noirs est irrémédiable parce qu'ils n'ont pas de culture, pour Tempels, cette inertie est culturelle. Selon Tempels, le dépassement de cette inertie est clair : « La civilisation bantoue sera chrétienne ou ne sera pas ». À la suite de Tempels, le philosophe rwandais Alexis Kagame (1912-1981), a publié dans la même perspective d'évangélisation La Philosophie bantu-rwandaise de l’Être (1956) et La Philosophie bantu comparée.
On différencie deux formes de philosophies. La philosophie africaine proprement dite est l'ensemble des textes et des discours explicites ; la littérature d'intention philosophique est la « philosophie » au sens impropre, souligné ici par les guillemets, qui représente la vision collective et hypothétique du monde d'un peuple donné.
Marcien Towa, philosophe camerounais né vers 1935, a critiqué les thèses de Léopold Sédar Senghor sur la négritude qu'il assimile au néocolonialisme. Dans l'Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle (1971), il dénonce l'ethno-philosophie qui assimile la philosophie à n'importe quelle vision du monde. Mais dans « L'idée d'une philosophie africaine » (1979), après avoir critiqué la pensée mythique, domaine de l'opinion reçue, il tente en s'appuyant sur les exemples empruntés à l'Égypte et aux contes de l'Afrique subsaharienne, de montrer qu'il y a une véritable tradition philosophique africaine.
La philosophie africaine de la période pharaonique est surtout étudiée et systématisée par le philosophe congolais Mubabinge Bilolo. Bilolo qui est égyptologue, politologue et historien de la philosophie africaine pré-tempelsienne ne se limite pas à la problématique de l'existence de la philosophie africaine antique, mais il en présente les différentes écoles et les différents thèmes abordés : création-devenir, la pensée de l'Un, le passage de l'Un aux multiples, théologie négative, éthique écologique, épistémologie.
La philosophie africaine elle-même est controversée, l'étude d'une philosophie africaine ancienne est très vague. En effet, parler de philosophie africaine ancienne au même sens que la philosophie occidentale est quelque chose de difficile. « Les sources de l'histoire de l'Afrique noire, semblent pour une bonne part des sources orales. Mais s'agit-il bien de sources[7] ? »
Pour le philosophe béninois Paulin J. Hountondji, l'urgence de la philosophie africaine est de « clarifier un débat encore trop confus », il définit la philosophie africaine à partir de textes écrits par des africains principalement du Moyen Âge jusqu'au XVIIe siècle[8]. Pour l'historien belge Jan Vansina, la tradition se définit par trois faits : elle est orale, elle est transmise, et se rapporte au passé. Cela peut également définir une tradition philosophique ancienne et orale[7].
Dans l'Afrique anglophone, la tradition philosophique africaine moderne se compose des œuvres de philosophes comme Anton Wilhelm Amo, Kwasi Wiredu, Kwame Gyekye (en) et Peter Bodunrin. La tradition philosophique postmoderne en Afrique est soutenue par les ouvrages d'Anthony Appiah, Achille Mbembe et V.-Y. Mudimbe. D'autres, comme Emmanuel Chukwudi Eze, pratiquent la philosophie africaine postcoloniale.
Plus au Sud, le concept d'ubuntu, revitalisé par le prix Nobel de la paix d'Afrique du Sud, Mgr Desmond Mpilo Tutu a permis de conceptualiser la réconciliation comme fondatrice de la démocratie, ainsi que le signale Edwy Plenel[9] dans son compte-rendu de travaux de philosophie publiés sous le titre d'Amnistier l'apartheid[10] et Vérité, réconciliation, réparation[11]. Le concept ouvre sur un débat dont la revue Quest. African Journal of Philosophy se fait le forum.
Parmi les philosophes africains :
intérêt de la philosophie négro-africaine https://www.academia.edu/9819098/Int%C3%A9r%C3%AAt_de_la_philosophie_n%C3%A9gro_africaine