En 1836, il est élu au Conseil provincial du Brabant. Il œuvre pour la création d'un parti libéral créant en 1841 la Société de l'Alliance, ce qui aboutit à la convocation en 1846 du premier Congrès libéral. Il fonde, fin 1846, une société rivale, l'Association libérale et Union Constitutionnelle de Bruxelles.
En 1837, il fut élu député libéral de Bruxelles. Il sera vice-président de la Chambre de 1847 à 1852 et de 1857 à 1859. En , il s'oppose à la politique militaire du ministre libéral Frère-Orban et quitte la Chambre.
Théodore Verhaegen est initié en franc-maçonnerie au sein de la loge « l'Espérance » à Bruxelles en 1818, il s'affilie à la loge Les Amis philanthropes dans la même ville. 23 fois vénérable maitre de loge de 1833 à 1862, il devient grand-maitre du Grand Orient de Belgique de 1854 à 1862[2]. Il reste franc-maçon durant toute sa vie tout en restant catholique et membre de la fabrique d'église[3].
À cette époque, de nombreux maçons sont catholiques pratiquants, avant que l'Église de Belgique, par un mandement des évêques belges dirigés par Mgr Engelbert Sterckx, ne réactive en les condamnations anciennes prévues par la bulle In eminenti apostolatus specula du et n'excommunie[4] ainsi de nombreux citoyens pour ce seul motif. Sous le coup de cet acte, nombre de francs-maçons catholiques ne quittèrent pas la maçonnerie, comme l'avaient espéré les évêques, mais s'y maintinrent encore plus fermement. Cela conduit le clergé à durcir encore sa position en provoquant ce qui prend le nom « sécularisation cléricale »[5] ou déchristianisation forcée en leur interdisant toute participation à un quelconque acte religieux, avec, comme l'écrit Jeffrey Tyssens[6]« le trop fameux « refus de sépulture » qui pouvait être entamé par le refus de l'extrême onction, relayé ensuite par un déni d'obsèques religieuses, et finalisé par un enterrement dans une tombe en terre non bénite, était sans aucun doute un des aspects les plus amers de la confrontation entre la franc-maçonnerie belge et la hiérarchie ecclésiastique ».
Toutefois, à partir de 1850, on assiste à un revirement des francs-maçons, qui font l'objet de cette condamnation et qui, plutôt que d'abandonner leur appartenance, vont eux-mêmes organiser des funérailles civiles[7]. C'est également le début d'une déchristianisation en profondeur d'une grande partie des élites bruxelloises qui va désormais rejeter elle-même tout encadrement par le clergé catholique[8].
Verhaegen, malgré ces sentiments religieux évoqués, n'en demande pas moins d'avoir des funérailles purement civiles[9] et, malgré les supplications de ses enfants[10], il meurt sans présence d'un prêtre[11]. L'origine de ce revirement et de cette rancœur n'est pas connue, mais il fait un choix cohérent[12] en partageant ainsi le sort de ses frères maçons, victimes, eux aussi, de la « déchristianisation forcée » appelée aussi « sécularisation cléricale » provoquée par le clergé lui-même qui interdit à certaines personnes toutes pratiques religieuses[5].
Pierre Théodore Verhaegen fut baptisé à Bruxelles (paroisse Saint-Nicolas)[13] le 5 septembre 1796. Ses parents habitaient alors à la rue des Chapeliers, où le jeune Pierre Théodore passera son enfance et son adolescence[14]. Il doit ses prénoms à son oncle et parrain [15] le chanoine Petrus Theodorus Verhaegen (1762-1822), qui fut l'avant-dernier recteur magnifique de l'ancienne Université de Louvain en 1797 avant la suppression définitive de cette institution.
Pierre Théodore Verhaegen était issu d'une famille de juristes puisqu'il était fils de Pierre Verhaegen, né en 1767 à Haecht[16] et mort à Bruxelles[17] en 1835, licencié en droit, d'abord établi à Bruxelles comme avocat du Conseil souverain de Brabant - il avait prêté serment le 15 juillet 1785 - puis juge au tribunal criminel de la Dyle, et puis encore juge au tribunal de Bruxelles, et avocat à nouveau. Le 10 février 1795, il acquit de l’abbaye d’Averbode le pavillon situé Montagne du Parc[18]. Il épousa à Bruxelles (paroisse Saint-Nicolas)[19] en 1795 Jeanne Schuermans (1773-1853), la fille de François Schuermans qui fut en 1788 doyen de la nation de Saint-Gilles pour le métier des étainiers et plombiers[20]. Le grand-père de Pierre Théodore Verhaegen, Jean Verhaegen, d'une famille de Werchter, époux d'Anne Barbe Vanden Putte, d'Herenthout, était notaire à Haacht[21] où il est mort en 1793.
Alors résidant à la place du samedi à Bruxelles, et libre de toute obligation de milice[22], Pierre-Théodore Verhaegen épousa le à Bruxelles Jeanne Philippine Françoise Josèphe Barbanson (1795-1858), fille de Jean-Baptiste Barbanson[23], avocat, puis président du tribunal de première instance de Bruxelles, admis au lignage Sweerts[24] en 1786 et de Marie Thérèse Schwartz[25]. Ils eurent pour enfants:
Jean Baptiste François Eugène (1820-1878), avocat, conseiller communal de Boitsfort, qui épousera Marie Florence Caroline Joséphine Nève (1823-1903) ;
Thérèse Marie Verhaegen (1821-1838) ;
Marie-Anne Jeanne Philippe Joséphine Adèle (1824-1907), qui épousera le baron Adolphe le Hardy de Beaulieu, économiste libéral.
La rue Théodore Verhaegen, située dans la commune de Saint-Gilles à Bruxelles, fut nommée en hommage au libre penseur, fondateur de l'Université libre de Bruxelles[29]. Pentue et rectiligne, elle relie le carrefour de la Barrière à l'avenue Fonsny. À l'époque, comme dans la plupart des rues du quartier, l'activité manufacturière est présente, favorisée par la proximité de la gare du Midi.
Statue de Théodore Verhaegen, par Guillaume Geefs, en face de l'ULB.
↑Jean Stengers, « Les idées philosophiques et religieuses de Verhaegen », dans Pierre-Théodore Verhaegen. L'homme, sa vie, sa légende, Bruxelles, 1996, p. 119 et p. 120.
↑Remarquons qu'avant cette date les Bulles papales excommuniant les francs-maçons étaient sans valeur dans les Pays-Bas Autrichiens à raison du défaut de placet. Lire : Paul Duchaine, La franc-maçonnerie belge au XVIIIe siècle, Bruxelles, 1911, p. 85.
↑ a et bJeffrey Tyssens, En vain la terre te cache : un cadre analytique pour les monuments funéraires maçonniques, dans Franc-Maçonnerie et beaux-arts, Bruxelles, 2007, p. 262 : « phénomène qualifié de « sécularisation cléricale » l'apparition de pratiques sociales sécularisées par l'action du clergé lui-même, un clergé qui refusait aux porteurs de ces pratiques toute participation légitime à une quelconque action sociale religieusement encadrée ».
↑Jeffrey Tyssens, « « En vain la terre te cache » : un cadre analytique pour les monuments funéraires maçonniques », dans Franc-Maçonnerie et beaux-arts, Bruxelles, 2007, p. 262.
↑Jeffrey Tyssens, op. cit., p. 262, « à partir de 1850, les francs-maçons eux-mêmes rejettent tout encadrement par le clergé catholique », ce qui ne joua pas pour le clergé protestant.
↑Jeffrey Tyssens, « « En vain la terre te cache » : un cadre analytique pour les monuments funéraires maçonniques », dans Franc-Maçonnerie et beaux-arts, Bruxelles, 2007, p. 262 : }.
↑L'indépendance belge, 24 février 1863: « (il stipulait qu'il) interdisait formellement à tout membre du clergé catholique de l'approcher ou même de séjourner dans la maison », ainsi que: Jeffrey Tyssens et Marie-Pierre Verhaegen, « La fin de Verhaegen », dans Pierre-Théodore Verhaegen. L'homme, sa vie, sa légende, Bruxelles, 1996, p. 151 : « il est probable qu'à ce moment-là, Verhaegen rédigea une première fois ses volontés qui stipulaient qu'il interdisait formellement à « tout membre du clergé catholique de l'approcher ou même de séjourner dans la maison » .... « Une vieille servante, jadis attachée à sa mère, qui le soignait et qu'il écoutait quand il était indisposé, lui fit entendre qu'il était temps de songer à ses devoirs religieux. Elle voulait lui mettre un cierge bénit dans la main, mais il le cassa et lança les débris dans l'espace..... » ».
↑Jeffrey Tyssens et Marie-Pierre Verhaegen, « La fin de Verhaegen », dans Pierre-Théodore Verhaegen. L'homme, sa vie, sa légende, Bruxelles, 1996, p. 151 : « il leur dit de prévenir ses enfants qu'il ne voulait pas de prêtre.... Ses enfants étaient bouleversés. Ils tentèrent de faire revenir le mourant sur sa décision, mais leurs supplications n'y feront rien ».
↑Jeffrey Tyssens et Marie-Pierre Verhaegen, « La fin de Verhaegen », dans Pierre-Théodore Verhaegen. L'homme, sa vie, sa légende, Bruxelles, 1996, p. 151.
↑Jeffrey Tyssens et Marie-Pierre Verhaegen, « La fin de Verhaegen », dans Pierre-Théodore Verhaegen. L'homme, sa vie, sa légende, Bruxelles, 1996, p. 151 : « Son choix, bien qu'inhabituel à l'époque était pour un anticlérical de sa trempe tout à fait cohérent ».
↑Pièces annexes aux actes de mariages de Bruxelles de 1819 : Extrait du registre aux actes de naissance de la paroisse Saint-Nicolas l’an 4. L’an quatre de la république française le dix neuf fructidor est né Pierre Theodore fils de Pierre Verhaegen, homme de loi, et de Jeanne Françoise Schuermans, conjoints, domiciliés section 8 N . rue des Chapeliers. Témoins Jacques Schuermans et Judo Cr… (?).
↑Antoine Massin, Bruxelles, qui est qui en 1812, tome V, Bruxelles, 1997 : Verhaegen Pierre Théodore, âgé de 16 ans, domicilié Section 8, rue des Chapeliers 1263, né à Bruxelles, fils de Verhaegen Pierre et Schueremans Jeanne Françoise, et il est mentionné avec ses parents - le père étant qualifié d'avocat - et ses frères François, âgé de 13 ans, et Jacques, âgé de 12 ans.
↑Voyez aussi La Noblesse belge, Annuaire de 1889, Généalogie de la famille Verhaegen, Bruxelles, Imprimerie Veuve Monnom, rue de l'Industrie 26 : Pierre Théodore, né le 6 avril 1762, primus en philosophie en 1781, professeur à l'université de Louvain en 1790, recteur magnifique en 1797, chanoine honoraire de Saint-Bavon à Gand, vicaire général du diocèse de Gand, mourut dans cette ville le 20 décembre 1822. Son arrière-petit-neveu, M. Arthur Verhaegen, a donné sa biographie dans l'intéressant ouvrage intitulé : Les cinquante dernières années de l'ancienne université de Louvain. Lire en ligne [1].
↑Acte de baptême de Haecht : 14 novembris 1767 baptizatus est petrus filius joannis verhaegen et anna barbara vanden putte conjugum. Susceperunt petrus zegers et maria elizabetha vanden putte. Pater est ex werchter et mater ex herenhout.
↑Acte de décès de la ville de Bruxelles, n° 3558 du 14 novembre 1835, Pierre Verhaegen est mort le 12 novembre 1835, et dans l'acte de décès, ses fils Pierre Théodore Verhaegen, avocat, et Jacques François Verhaegen, notaire, le qualifient bien d'avocat.
↑Jules Nauwelaers, Histoire des avocats au Souverain conseil de Brabant. Tome deuxième. Bruxelles, Bruylant, 1947. N° 2175, Petrus Josephus Verhaegen (...) fut juge au tribunal criminel de la Dyle, puis juge au tribunal de Bruxelles. Le 10 février 1795, il acquit de l’abbaye d’Averbode le pavillon situé Montagne du Parc à Bruxelles.
↑Bruxelles, paroisse Saint-Nicolas, Acte du 5 octobre 1795, Quinta octobris tribus proclamationibus matrimonium contraxerunt Consultissimus dominus petrus Verhaegen ex Haeght Supremi Consilii Brabantia advocatus practicus et joanna francisca Schuermans ex hac (…).
↑Alphonse Wauters, Liste chronologique des Doyens des Corps de métiers de Bruxelles de 1696 à 1795, Bruxelles, 1888, page 267.
↑Registre paroissial des inhumations de Haacht du 17 août 1793 : Die 17a Aug. 1793 circa tertiam mane obiit hic joannes Verhagen uxoratus, notarius, omnibus sacramentis exeuntim munitus Lejeune P.
↑Pièces annexes aux actes de mariage de la ville de Bruxelles Le Gouverneur de la Province de Brabant méridional certifie que Verhaegen Pierre Theodore fils de Pierre et de Schueremans Jeanne Françoise né à Bruxelles le 5 7bre 1796, profession d’avocat, a été inscrit sur les listes de la Milice Nationale dans la commune de Bruxelles, qu’il lui est échu au tirage au sort le n° 20, et que le Conseil de Milice de Bruxelles l’a déclaré exempt définitivement du service de la Milice pour enfoncement de la Poitrine. Donné à Bruxelles le 2 juillet 1819. et le document le décrit comme suit : Taille 5 pieds 6 pouces (soit un peu moins qu'un mètre et 68 centimètres), visage ovale, front ordinaire, yeux bruns, nez gros, bouche grande, menton rond, cheveux et sourcils noirs, marques distinctives : néant.
↑Jules Nauwelaers, Histoire des avocats au Souverain conseil de Brabant. Tome deuxième. Bruxelles, Bruylant, 1947. N° 2188, Joannes Baptista Barbanson, (qui prête serment le) 3 avril 1786. De Bruxelles, baptisé à Sainte-Catherine le 21 avril 1765. Fils d’Englebert Joseph Barbanson, maître apothicaire et commerçant. Il demanda et obtint le 3 mai 1786 des lettres de réhabilitation à l’effet d’être admis au lignage Sweerts.
↑Les registres du Lignage Sweerts. Admissions et résolutions. Texte établi par Nicole Decostre. Introduction et notes par Henry-Charles van Parys. Armoiries blasonnées par José Anne de Molina. Editions du Genealogicum Belgicum, Bruxelles, 1964, page 193 : Maître Jean Baptiste Barbanson, licencié dans les deux droits, et avocat au Conseil souverain de Brabant, et vu les lettres de réhabilitation du 3 mai 1786 ...
↑Cette famille Schwartz était d'origine allemande. Joannes Michael Schwars, originaire de Wimmenthal, qui avait épousé la fille d'un bourgeois de Bruxelles, est mentionné comme ayant acquis la bourgeoisie de Bruxelles le 12 juillet 1729, voyez Jan Caluwaert et Hugo Simonart, Poorters van Brussel 1350-1795. Bourgeois de Bruxelles, tome III, 1695-1795, Louvain, 2000, page 387. Jean Michel Schwarts avait épousé à Bruxelles, paroisse Saint-Nicolas, le 4 juillet 1719, Marie Thérèse van Volcxem, la fille d'un important maître brasseur à Bruxelles. L'ascendance de cette dernière est donnée dans la Généalogie van Volxem, parue dans la série d'ouvrages Brabantica, tome X, 1ère partie, 1971.
Pierre-Théodore Verhaegen. L'homme, sa vie, sa légende. Bicentenaire d'une naissance, ULB, 1996, 266 p.
Jh. Tordoir, Verhaegen, aîné. Président de l'Association libérale et union constitutionnelle de l'arrondissement de Bruxelles, Archives libérales francophones, 1997.