Pierrette Bloch, née le à Paris et morte dans cette même ville le [1],[2], est une artiste plasticiennesuisse. Elle s'est illustrée par une œuvre marquée par le minimalisme et l'économie de moyens, utilisant au fil des années aussi bien la peinture, le collage, le tissage et la sculpture.
Après des études de droit puis de lettres dans l'immédiate après-guerre, Pierrette Bloch étudie le dessin et la peinture chez Jean Souverbie (1947), André Lhote (1948) et Henri Goetz (1949)[3]. C'est ce dernier qui la présente cette année-là à Pierre Soulages avec lequel elle se lie d'une longue amitié. Ses débuts en peinture sont incertains : si, dès 1951, elle expose aussi bien à Paris qu’aux États-Unis[4] (où elle séjournera à plusieurs reprises), les années 1950 et 1960 seront surtout pour elle une longue période de recherches et d'expérimentations. C'est probablement un séjour dans le New York de la fin des années 1960 qui déclenche sa première série d’œuvres vraiment originale, de grands collages sur isorel faits de papiers unis et déchirés.
Peu après, au tournant des années 1970, elle entame son travail d'encre sur papier — où les taches et points qu'elle jette sur le blanc du papier s'organisent entre ordre et désordre, avec un mélange de gravité et d'humour qui n'appartient qu'à elle. Si ce travail l'accompagnera pour le reste de sa vie, sa recherche demeurera constante, l'amenant par exemple à réaliser d'impressionnants monochromes noir sur noir dès 1973, puis à élargir le registre des matériaux qu'elle emploie, ajoutant à l'encre de Chine le pastel gras ou sec, la mine de plomb, le fusain et la craie.
1973 marque une autre rupture notable dans son travail, puisqu'elle se lance alors dans l'assemblage et le feutrage de vastes ensembles de cordes et fils qui s'affineront petit à petit en mailles de chanvre (parfois teinté d'encre de Chine) puis de crins de cheval (1978 à 1981). Tout au long des années 1980, ces œuvres s'amenuiseront pour prendre finalement la forme de sculptures presque unidimensionnelles : le crin dessine alors des boucles plus ou moins serrées sur un fil de nylon horizontal tendu entre deux pointes fichées dans le mur, et pouvant avoir jusqu'à plusieurs mètres de long[5].
Le travail de Pierrette Bloch avec les fibres aura au moins deux conséquences sur son travail de peintre. D'abord, les formes d'écriture abstraite que font le chanvre ou le crin noué ou feutré trouveront leur équivalent sur le papier, les boucles d'encre s'y succédant comme autant de lignes sur une page. Elle consacrera par exemple en 1986 une remarquable série de dessins de boucles écrites sur papier à lettres. Puis son travail sur l'horizontale aura une forme d'aboutissement dans les lignes de papier qu'elle réalise à partir de 1994 et pendant une dizaine d'années. Sur des formats très allongés (plusieurs mètres, le plus souvent, et jusqu'à plus de dix mètres), elle inscrit à l'infini ses points à l'encre de Chine, créant ainsi sur ces lignes de papier un rythme et un territoire qu'elle nomme « lieu d’incertitude »[6].
La dernière décennie de sa vie la verra se lancer dans des projets de plus en plus libres, où le travail de la répétition s'intensifiera, à la fois dans une pauvreté de moyens toujours accrue, mais aussi dans la réalisation de polyptyques de grand format qu'elle montrera à la galerie Karsten Greve à l'occasion de la FIAC 2015 puis de son exposition rétrospective en 2017[6].
Pamela Lee, Julie Enckell-Julliard, Catherine de Zegher, Nicolas Muller, Laurence Schmidlin, Pierrette Bloch, Éditions Ringier, 2013
Arthur Cohen, en collaboration avec Serge Lemoine, Jean-Michel Le Lannou et Pierre Soulages, dossier "Gros plan sur un artiste contemporain: Pierrette Bloch", suivi du texte d'Arthur Cohen "Le Regard Acrobate – Sculptures de crin de Pierrette Bloch" revue L'Argilète, n°3, p. 69-104, Paris, Éditions Hermann, 2011.
Collectif, Pierrette Bloch: textes critiques et entretiens, Coédition Bernard Chauveau/Méridianes, 2021