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(en) www.prageru.com |
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L’université Prager (Prager University, ou PraguerU), diminutif de Prager University Foundation[1], n'est pas une vraie université, mais un groupe de défense conservateur américain. Cette entité a été cofondée en 2009 par Allen Estrin (en) et un animateur de talk-show : Dennis Prager. Elle fonctionne à la fois comme un relais de l'idéologie libertarienne de droite, et comme organisation médiatique, qui sous ce nom crée du contenu, en ligne notamment, sur divers sujets politiques, économiques et sociologiques conservateurs. Ses publications sont dénoncées pour leurs contenus souvent trompeurs et factuellement incorrects.
Des historiens et politologues ont vivement critiqué les vidéos de PragerU pour contenir des affirmations trompeuses sur des sujets tels que l'esclavage et le racisme aux États-Unis, l'immigration et l'histoire du fascisme, ou encore parce qu'ils promeuvent encore le déni du changement climatique. PragerU a aussi été accusé de promouvoir une politique anti-LGBTQ.
PragerU a été fondée en 2009 par un animateur de talk-show radio conservateur Dennis Prager et par son producteur/scénariste radio Allen Estrin[2],[3], pour défendre les opinions conservatrices et compenser ce que Prager considère comme l'affaiblissement de l'enseignement collégial par la gauche[4],[5].
Tous deux ont d'abord tenté d'en faire une université physique, avant d'opter pour un site diffusant des produits numériques, faute de financements suffisants[6].
PragerU est basée dans la vallée de San Fernando à Los Angeles, en Californie[2] ; elle comptait environ 50 employés en [6]. Marissa Streit est sa PDG, et elle a présenté certaines de ses vidéos.
PragerU a créé une entité dite « PragerFORCE », appelant les étudiants à promouvoir ses vidéos et l'idéologie de PragerU. Environ 6 500 élèves et étudiants auraient ainsi promu ces vidéos (à partir de 2020)[6].
Malgré son nom, PragerU n'a aucune légitimité académique et ne dispense d'ailleurs pas de cours, ni ne délivre de certifications ou diplômes. PragerU n'est accrédité par aucun organisme reconnu[7],[6].
Depuis un procès pour utilisation d'une photographie en 2013, PragerU utilise l'animation dans ses vidéos[8].
PragerU aurait atteint un milliard de vues 9 ans après sa création (en 2018)[2].
En , le représentant de PragerU, Allen Estrin, a assisté au sommet des médias sociaux du président américain Donald Trump, aux côtés d'autres organisations conservatrices et de personnes telles que Charlie Kirk et James O'Keefe[9],[10].
À l'automne 2020, PragerU a lancé une collecte de fonds pour un projet baptisé PragerU Resources for Educators and Parents (PREP), un programme visant à transmettre des messages aux enfants en âge scolaire (y compris en maternelle).
PREP a publié son premier contenu en [11] ; ce contenu ciblant les jeunes enfants a ensuite été baptisé PragerU Kids.
En , PragerU a protesté contre le fait que YouTube avait mis 21 des vidéos publiées par PragerU en « mode restreint »[4],[12] YouTube a répondu en disant : « Nous visons à appliquer les mêmes normes à tout le monde et nous ne censurons personne. Souvent, ce n'est pas la bonne approche de dire que les vidéos avec le même sujet devraient obtenir la même note. Nous devrons prendre en considération l'intention de la vidéo, son objectif, ce que les métadonnées environnantes de la vidéo expliquent[4]. »
En , PragerU a intenté une action en justice fédérale contre la société mère de YouTube, Google, affirmant que 37 de ses vidéos ont été injustement démonétisées, ou signalées, afin qu'elles ne puissent être visionnées qu'avec un « filtrage en mode restreint », ce qui limite les vues en fonction des caractéristiques des spectateurs telles que son âge[12]. PragerU argue alors que la démonétisation et le signalement de Google violent le premier amendement car YouTube doit selon PragerU être considéré comme un forum public. En , la juge de district américaine Lucy Koh (en) a rejeté l'affaire, jugeant que Google étant une société privée, PragerU n'avait pas démontré que Google avait enfreint ses droits à la liberté d'expression[13],[14],[15]. En , la cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit a confirmé cette décision[16],[17].
En 2018, dans le cadre de sa politique de lutter contre la désinformation en ligne, YouTube a ajouté des balises de vérification des faits aux vidéos de PragerU sur le changement climatique[18],[19].
Cette même année — en août — Facebook est depuis 6 mois exposé pour son implication dans les graves malversations entreprises par Cambridge Analytica et Aggregate IQ, pour le compte du groupe SCL et de Steve Bannon au profit de nombreux partis politiques qui sont pour la plupart dans la mouvance libertarienne de droite anglaise et américaine (cf. scandale Facebook-Cambridge Analytica qui a probablement permis à Donald Trump d'accéder au pouvoir). La plateforme Facebook est poussée à lutter contre les fake-news et la désinformation politique en ligne. Elle supprime deux vidéos PragerU de sa plateforme, suscitant la colère de PragerU qui parle de censure. FaceBook restaure alors les vidéos en expliquant qu'elles « avaient été supprimées par erreur »[20],[21], mais selon Francesca Tripodi (professeur de sociologie à l'UNC-Chapel Hill), il y a des explications plausibles et non idéologiques à la suppression par Facebook de plusieurs des vidéos de PragerU[22],[20],[21].
En 2020, YouTube a de son côté supprimé deux vidéos anti-trans mettant en vedette Candace Owens. Le motif de la suppression était le contenu haineux, contraire à la politique de la plate-forme sur le discours de haine : la vidéo assimilait être transgenre à la schizophrénie et à une maladie[23],[24].
L'organisation se présente comme dépendant des dons du public pour produire son contenu[25]. Une grande partie du financement initial de PragerU provenait en réalité de deux milliardaires du secteur de l'exploitation du gaz de schiste par la fracturation hydraulique : Dan et Farris Wilks[7],[2],[6] (deux membres de la famille Wilks siègent au conseil d'administration de PragerU)[2].
L'autre plus grand donateur est la Fondation Lynde et Harry Bradley[3],[26].
Et parmi les autres donateurs figurent la Morgan Family Foundation, le Fidelity Charitable Gift Fund, le Donors Trust, le regretté mégadonateur républicain Sheldon Adelson[27] Lee Roy Mitchell (en)[27] et la Sid and Carol Verdoorn Foundation, basée au Minnesota, dirigée par l'ancien PDG de CH Robinson, Sid Verdoorn[26].
En 2018, l'organisation disposait d'un budget annuel conséquent (environ 10 millions de dollars, dont plus de 40 % dépensé en marketing)[2].
En 2019, selon PragerU, 40 % de son budget avait comme origine des dons de près de 130 000 donateurs en ligne ; le Los Angeles Times notant que PragerU aurait alors attiré plus de dons et de donateurs que certains candidats démocrates en avaient à la primaire présidentielle de l'époque[7].
En 2020, PragerU affirme avoir reçu environ 28 millions de dollars de revenus, la plupart provenant de dons, pour 28 millions de dollars de dépenses ; dont 39 % en frais de marketing : PragerU dépense systématiquement plus pour la publicité sur Facebook que ne le font les grandes campagnes politiques et les groupes de défense nationaux[7]. En 2019, il se classait parmi les dix plus gros dépensiers politiques de Facebook[7].
En 2020, PragerU a bénéficié de 704 057 $ en prêts de secours Covid-19 du programme de protection des chèques de paie ; et cette dette a ensuite été entièrement annulée[28].
PragerU publie des vidéos sur divers sujets, mais toujours en affichant un point de vue conservateur qui, selon son site, « fait avancer les valeurs judéo-chrétiennes ». En , sa chaîne YouTube affichait 2 200 vidéos[29] ; la création de chacune de ces vidéos coûte entre 25 000 et 30 000 $[2] ; et selon Mother Jones, Dennis Prager « approuve personnellement chaque publication » et « édite chaque script »[3]. Les invités de PragerU sont choisis dans un panel politique allant de la droite laïque à l'extrême droite en passant par la droite théocratique[30]. Parmi les présentateurs des vidéos figurent Ben Shapiro, Candace Owens, Tucker Carlson, l'Anglais Nigel Farage, Charles Krauthammer, Michelle Malkin, Bret Stephens (en) et George Will[6],[31].
Les vidéos de PragerU ont par exemple, et notamment, plaidé contre un salaire minimum de 15 dollars, contre un contrôle accru des armes à feu et pour le capitalisme[2] tout en évitant les allusions directes à Donald Trump et son programme durant sa présidence[6],[25],[32] ; PragerU est ouvertement pro- israélien et Dennis Prager a déclaré que « Rien n'identifie mieux le mal naissant que l'antisémitisme »[33]. Les vidéos de PragerU promeuvent le Collège électoral, arguant qu'il déjoue la fraude électorale car « les démocraties pures ne fonctionnent pas »[3].
Dave Rubin a dit dans une vidéo que « le racisme, le sectarisme, la xénophobie, l'homophobie et l'islamophobie » sont des « mots à la mode dénués de sens ». Dans une vidéo sur l'alt-right, Michael Knowles a fait valoir qu'elle n'a rien de commun avec le conservatisme et qu'elle est plutôt proche du gauchisme, sauf que la gauche est beaucoup plus large[2],[30].
Les historiens et politologues critiquent les vidéos de PragerU en raisons des allégations trompeuses qu'elles diffusent et promeuvent concernant notamment des sujets tels que l'esclavage[34],[3] et le racisme aux États-Unis[35] l'immigration[36] et l'histoire du fascisme[37]. Selon GLAAD, une organisation de surveillance des médias LGBT, PragerU promeut également les politiques anti-LGBTQ[38] ; et Media Matters for America note que PragerU a pu « récolter plus de 25 000 $ sur une vidéo mettant en vedette un client du groupe extrême anti-LGBTQ Alliance Defending Freedom (en) »[24],[39].
De nombreuses vidéos font la promotion des énergies fossiles, critiquent l'utilisation des énergies renouvelables et contestent le Consensus scientifique sur le réchauffement climatique[19].
Selon le groupe de réflexion à but non lucratif InfluenceMap, les publicités ciblées publiées sur Facebook comprenaient des éléments trompeurs jetant le doute sur la science, qualifiant les préoccupations climatiques d'« idéologiques » et d'« hystériques » et promouvant une théorie du complot selon laquelle le « grand contrôle gouvernemental » est la vraie motivation cachée des politiques énergétiques visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre[40].
En 2015, PragerU a développé deux programmes de partenariat visant à promouvoir les idéologies de la droite américaine, y compris avec du matériel religieux à distribuer et utiliser dans les écoles publiques et privées.
Le programme Educator de PragerU (3 000 inscriptions signalées en 2015), offre aux enseignants des plans de cours tous faits, ainsi que des guides d'étude accompagnant des vidéos.
Les enseignants du secondaire et les professeurs de collège peuvent inscrire leurs cours via un programme de partenariat académique de PragerU, qui permet aux élèves et étudiants de s'inscrire et aux enseignants de suivre les « progrès » de leurs élèves[41].
Selon un rapport de 2019 du Los Angeles Times, les vidéos de PragerU ont été visionnées plus de 2 milliards de fois[7]. Dans son rapport annuel 2020, PragerU déclare un total de plus de 4 milliards de vues.
Le lobbying de PragerU a été classé comme « très influent » par rapport à d'autres organisations de défense du marché libre (telles que Reason et National Review)[42].
Vanity Fair a déclaré que PragerU « regroupe des concepts sociaux de droite dans des vidéos fluides » et que PragerU était « l'un des outils de conversion les plus efficaces pour les jeunes conservateurs »[43].
La sociologue Francesca Tripodi a étudié le marketing et la messagerie de PragerU pour l'organisation à but non lucratif Data & Society[44] ; elle a constaté que PragerU sait s'appuyer sur l'optimisation des moteurs de recherche et les algorithmes de « contenu suggéré » pour commercialiser et diffuser ses vidéos[35],[44], ajoutant que PragerU était populaire parmi les répondants de son étude, qui ont tous liké ou partagé des vidéos PragerU sur Facebook. Tripodi a fait valoir que PragerU permet à ses spectateurs de se plonger dans un contenu qui « établit des liens avec » les points de discussion de l'extrême droite américaine (alt-right)[2] ; ainsi, les spectateurs de ces vidéos s'identifiant comme conservateurs ont «un accès facile à la logique de la suprématie blanche »[35]. Tripodi a aussi démontré une connexion algorithmique sur YouTube entre PragerU, Fox News et diverses personnalités de droite[44],[35].
Un article de Buzzfeed News (2018) a attribué le succès de PragerU à deux facteurs : la qualité de ses productions (par rapport à des produits similaires), l'utilisation de présentateurs populaires ayant déjà un public établi.
Si PragerU a reçu si peu d'attention de la part des analystes de l'information et des médias, ce serait en raison de sa stratégie consistant à éviter de traiter des questions d'actualité (telles que les actions de Donald Trump avant ou pendant son mandat)[2].
Un article d' de Drew Anderson dans GLAAD, note que PragerU a diffusé de nombreux entretiens avec des personnalités publiques controversées, souvent saluées par le mouvement suprématiste blanc, et l'accuse d'un « horrible bilan anti-LGBTQ »[38].
Reason a critiqué les affirmations de PragerU selon lesquelles il aurait été censuré par les GAFAM ; d'abord car en réalité, le contenu de l'entreprise n'a été supprimé d'aucune plate-forme de médias sociaux, et d'autre part car cette plainte repose sur un malentendu concernant le premier amendement ; ce dernier protège contre la censure par le gouvernement, mais et non par des entreprises[45].
Climate Feedback, Reuters et Weather Channel ont montré que les vidéos de PragerU promeuvent des affirmations inexactes et trompeuses sur le changement climatique[19],[46],[47].
La couverture de la pandémie de Covid-19 par PragerU a aussi diffusé des informations fausses et trompeuses sur la pandémie[48],[49],[50],[51].
En 2019, Mike Gravel, ancien sénateur américain de l'Alaska, a lancé The Gravel Institute (en), un groupe de réflexion progressiste de gauche, pour contrer PragerU[52],[53],[54].
Mother Jones dénonce le fait que les vidéos de PragerU affirment mensongèrement qu'il n'y a pas d'écart de rémunération entre les sexes[3],[55] et qu'il n'y a pas de discrimination des personnes d'origine afro-américaine par la police[3].
Sur la race, Pam Nilan, dans son livre de 2021 Young People and the Far Right, dit que PragerU feint de ne pas embrasser le principe de la suprématie blanche, mais que « le message est toujours que la culture blanche est meilleure que les autres cultures »[56].
Une étude de cas de PragerU par McCarthy & Brewer conclue que « PragerU a des idéologies fondamentales qui chevauchent celles de l'extrême droite » ; elle a détaillé les méthodes de persuasion utilisées par PragerU qui « se combinent d'une manière qui reflète les techniques de blanchiment d'informations et de persuasion utilisées sur les plateformes en ligne par les suprématistes blancs, lesquels cachent de la même façon une propagande raciste derrière des formulations plus politiquement correctes et des sites Web d'apparence professionnelle »[57].
Selon Joseph McCarthy de The Weather Channel, dans la vidéo de 2016 « Fossil Fuels: The Greenest Energy », le promoteur des combustibles fossiles Alex Epstein promeut la désinformation sur le changement climatique, y compris des affirmations fausses et trompeuses[19].
Le paléoconservateur Paul Gottfried, qui a décrit le fascisme, a critiqué une vidéo PragerU hébergée par Dinesh D'Souza qui déclarait que le fascisme était une idéologie de gauche. D'Souza a soutenu que le philosophe italien Giovanni Gentile, qui a influencé le fascisme italien, était un ailier gauche, ce à quoi Gottfried a noté que cela contredisait les recherches de presque tous les spécialistes de l'œuvre de Gentile qui le considéraient comme un intellectuel de la droite révolutionnaire[37].
Selon Francesca Tripodi, les vidéos de PragerU font avancer la théorie du complot, populaire parmi l'alt-right, selon laquelle la blancheur et le conservatisme sont attaqués et de nombreuses vidéos sur PragerU se concentrent sur la délégitimation des médias grand public, l'accusant d'être basés sur l'émotion ou l'opinion plutôt que sur les faits[30].
Alex Nowrasteh (en) du Cato Institute a critiqué une vidéo PragerU de 2018 de Michelle Malkin plaidain⇔plaidait ou plaidant ? pour des restrictions plus strictes en matière d'immigration. Nowrasteh a écrit que la vidéo était pleine d'erreurs et de demi-vérités et omettait des informations pertinentes[36].
En 2018, la vidéo PragerU « Le suicide de l'Europe » de Douglas Murray affirmait que l'Europe « se suicide » en autorisant l'immigration de masse. Le Southern Poverty Law Center (SPLC) a décrit la vidéo comme un « sifflet de chien pour l'extrême droite ». Mark Pitcavage (en) de l'Anti-Defamation League l'a décrit comme « rempli de rhétorique anti-immigration et anti-musulmane »[35],[26]. « Pourquoi le Sud démocratique est-il devenu républicain ? » est une autre vidéo qui, selon le SPLC, contient de tels sifflets d'appel pour chiens. Dans cette vidéo, Carol M. Swain (en), professeur à l'Université Vanderbilt, affirme que la stratégie républicaine du Sud est un « mythe » et n'est pas ce qui a poussé le Sud à devenir républicain. Le professeur d'histoire Kevin M. Kruse (en) a déclaré que la vidéo présentait une « déformation » de l'histoire, « choisissait » ses preuves et était un « exercice d'attaquer d'un homme de paille »[35].
En , Snopes a critiqué la vidéo « How To End White Privilege ». La vidéo soutenait que le privilège blanc est un mythe car la race d'un policier noir ne constituait pas un obstacle à son succès. Selon Snopes, la vidéo est inexacte ; l'histoire récente et les statistiques montrant que le privilège blanc existe toujours[58].