La prostitution est l'activité consistant à fournir un service sexuel contre une rémunération. En France, l'exercice de la prostitution et le racolage sont permis mais l'achat de services sexuels est illégal et réprimé depuis la loi du [1],[2], par laquelle la France rejoint le modèle dit de « pénalisation des clients », souvent désigné comme étant « néo-abolitionniste ». Ayant fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, cette loi a été déclarée conforme à la Constitution française par le Conseil constitutionnel le [3]. Le proxénétisme et les maisons closes ont été interdits soixante-dix ans plus tôt, par la loi Marthe Richard du .
En 2017, la France compte environ 120 000 personnes prostituées, dont 85 % de femmes, mais le rapport de la mission d’information parlementaire sur la prostitution en France, datant de 2011, souligne la difficulté à estimer correctement la prostitution, activité traditionnellement cachée, et que ce chiffre est peut-être sous-évalué. Pour les femmes prostituées de rue, le taux d'étrangères est passé de 20 % en 1990 à près de 90 % en 2013, la plupart exploitées par des réseaux mafieux en provenance d'Europe de l'Est, d'Afrique ou d'Asie. La prostitution par internet est plus indépendante, mais le rapport de 2011 souligne que « la précarité et la vulnérabilité demeurent des facteurs d'entrée et de maintien dans la prostitution. ». 99 % des clients sont des hommes.
La prostitution a évolué en France en fonction de la perception qu'en a eue la population, entre tolérance, souvent accompagnée de stigmatisation vis-à-vis des personnes prostituées, et dénonciation de la prostitution comme une atteinte à la dignité des personnes, ou interdiction générale. Ces changements de point de vue ont été concrétisés dans la loi et dans des réglementations qui eurent des effets directs sur la vie des personnes prostituées, mais aussi sur l'ampleur du phénomène prostitutionnel, du fait de la facilité plus ou moins grande d'être client ou proxénète. Voici quelques dates particulièrement marquantes concernant l'évolution de la prostitution en France :
Pendant l'ère napoléonienne la France est le modèle d'une approche régulée de la prostitution. Le changement politique intervient en 1946 quand les bordels deviennent illégaux et que la France signe en 1960 la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Depuis , la France soutient le "néo-abolitionnisme", variante de l'abolitionnisme qui cherche à éradiquer la prostitution.
Il n’y a qu'en France que l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) évalue quantitativement la prostitution. L’OCRTEH estimait dans son rapport de 2015, qu’il y aurait entre 120 000 et 130 000 personnes prostituées en France aujourd’hui[12]. Cette estimation a été contestée par le syndicat du travail sexuel (STRASS) qui argumente que l’OCRTEH ne compte essentiellement que la prostitution de rue, qui représenterait dans certains autres pays (Royaume-Uni, Suisse) de 13 à 15 % de la prostitution totale et que le chiffre de 120 000 semble très inférieur à celui des autres pays européens, par exemple l’Allemagne où l’on compterait 400 000 personnes prostituées[12]. Le rapport de 2011, de la mission d’information parlementaire sur la prostitution en France souligne donc la difficulté à estimer correctement la prostitution, activité traditionnellement cachée[12]. De 10 à 20 % de la prostitution de rue est masculine ou féminine transgenre[13].
Selon les chiffres de la proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées de 2017, la France compterait environ 120 000 personnes prostituées, dont 85 % de femmes. Pour les femmes prostituées, le taux d'étrangères serait passé de 20 % en 1990 à près de 90 % en 2013, la plupart exploitées par des réseaux maffieux en provenant de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria ou de Chine[14].
Selon le Mouvement du Nid, association spécialisée dans la défense des prostitués, il y a entre 30 000 et 44 000 personnes qui se prostituent en France dont 37 000 à temps plein, la prostitution occasionnelle étant difficilement chiffrable. 85 % sont des femmes, 10 % des hommes et 5 % des transgenres. 62 % de la prostitution s’exerce sur internet, 30 % dans la rue et 8 % dans des bars à hôtesses et des salons de massages[15].
La prostitution a évolué depuis les années 1990, juste après la chute du mur de Berlin. En 2011, selon le rapport parlementaire d'information sur la prostitution en France, 91 % des femmes prostituées de rue seraient étrangères, victimes à 74 % de réseaux mafieux internationaux, les deux tiers d'entre elles provenant des pays de l'Est. Les futures prostituées doivent payer « une dette de passage » pouvant aller jusqu'à 50 000 €. Certaines sont des mineures de parfois douze ans. Une fois arrivée, une prostituée est soumise par « dressage » : viols collectifs, privation de nourriture, enfermement et violence physique, chantage et menaces sur la famille, racket. La conclusion du rapport sur la partie concernant les réseaux des pays de l'Est est que la dette n’est « pas faite pour être remboursée, mais bien pour maintenir les personnes prostituées dans le système prostitutionnel le plus longtemps possible. La seule façon de racheter sa liberté est bien souvent le passage au proxénétisme et donc la participation au maintien du système » [13].
Sur 10 000 annonces de prostitution sur internet, 4 000 « seraient le fait de personnes prostituées indépendantes » mais « la précarité et la vulnérabilité demeurent des facteurs d'entrée et de maintien dans la prostitution »[13].
En 2004, 12,6 % des hommes déclarent avoir été client au moins une fois, et 0,6 % des femmes[16]. En 2006, 3,1 % des hommes ont été clients de la prostitution dans les cinq ans. Ils étaient 3,2 % en 1992 ce qui semble indiquer que leur nombre n'a pas évolué sur cette période[17].
Selon les chiffres de la proposition de loi de 2013 visant à sanctionner les clients de prostituées, 99 % des clients sont des hommes[14].
La prostitution en France est dans une situation légale complexe.
Si d'un côté, les choses semblent claires, l'« activité d’un homme ou d’une femme qui se prête physiquement, contre rémunération, à la satisfaction des plaisirs sexuels d’autrui » n'est plus autorisée en maison dite close ou de tolérance, sur le territoire français métropolitain, par la loi depuis 1946[18], d'un autre côté, la prostitution est dans une situation légale intermédiaire ; elle n'est pas sanctionnée par la loi pénale mais constitue la condition préalable des divers délits de proxénétisme. La prostitution en France est, légalement, une activité déclarable[19], éligible à la sécurité sociale[20], sans établissement dédié[21], avec autorisation du racolage actif et passif[22],[10], mais avec interdiction d'aider, de favoriser, ou de tirer avantage de l'activité[23],[N 1].
Certaines associations défendent, par ailleurs, les travailleurs du sexe en France et réclament des modifications de la loi en vue de faire profiter cette profession de communauté de moyens, solution fréquente chez des médecins, des avocats, etc., pour partager les frais inhérents à l’exercice de cette profession. Au premier rang de ces frais, figure le loyer. En effet, la location en vue de prostitution est interdite par la législation sur le proxénétisme[N 2].
La France est depuis 1960 un pays abolitionniste. En ratifiant en 1960 la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949, la France s'est engagée au niveau international à reconnaître que le proxénétisme est « incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine »[24]. Toute forme de proxénétisme est illégale et punie par la loi[25]. La convention engage les états signataires à mettre en place « les mesures propres à prévenir la prostitution et à assurer la rééducation et le reclassement des victimes de la prostitution »[26]. Par ailleurs, il y est prévu d'abroger toute forme d'inscription des personnes prostituées dans des registres ou surveillance d'exception[27].
En accord avec la convention de 1949, le proxénétisme est donc illégal en France. Il est puni par une amende de 150 000€ et de sept ans de prison[23]. Le fait de se prostituer n'est théoriquement pas poursuivi, mais le fait d'avoir recours à la prostitution est en principe puni [28],[29]. Dans certains cas, les clients de la prostitution sont sévèrement punis : s'il y a recours à la prostitution « de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables »[29]. Par personnes vulnérables est entendu les personnes handicapées et les femmes enceintes[30]. Depuis les lois d'extraterritorialité du et du , il est possible de poursuivre un client de la prostitution de mineur y compris si les faits ont eu lieu hors de France[30]. Pour les victimes de la traite, il est prévu une autorisation provisoire de séjour, mais à condition qu'elles dénoncent leur proxénète[31].
Les revenus de la prostitution sont imposables au titre des bénéfices non commerciaux[30].
Pour faire face aux diverses entraves à l’exercice de leur profession, en 1975, le premier mouvement de prostituées voit le jour avec l'occupation de l'église Saint-Nizier de Lyon et la chapelle Saint-Bernard-de-Montparnasse à Paris. Grisélidis Réal fait partie des leaders de ce mouvement qui revendique un statut pour les prostituées, la sécurité sociale, la fin de la répression policière, et s'opposent à la réouverture des maisons.
La loi pour la sécurité intérieure dite loi Sarkozy, dont l’article 225-10-1 vise le racolage passif, promulguée le , provoque l'apparition d'un second mouvement de prostituées en 2002. Depuis 2006, a lieu chaque année à Paris la « Pute Pride » une marche de fierté des travailleuses du sexe.
Certaines travailleuses du sexe en France ne sont pas en faveur de législations contraignantes telles les maisons de tolérance, qui ne leur permettent pas de conserver le choix de leurs clients, pratiques, horaires, prévention, etc. Les travailleuses du sexe, réunies en Assises le , ont conclu à l'unanimité qu'elles étaient contre le salariat[32].
En , des prostitué(e)s poursuivent leur contestation de la répression du racolage en se rassemblant devant le Sénat et interpellent les parlementaires[33].
Le racolage dans la rue étant de plus en plus réprimé et réputé dangereux, certaines prostituées préfèrent, nouer des contacts sur Internet. Une partie des prostituées françaises s'exile à l'étranger, notamment dans les zones frontalières et on relève, dans le domaine de la prostitution occasionnelle, l'apparition de l'échange de services sexuels contre un logement[34].
Le , à l'issue des Assises Européennes de la Prostitution qui ont eu lieu au théâtre de l'Odéon est né le Syndicat du travail sexuel[35] (ou STRASS). Dès sa création, ce syndicat a reçu l’adhésion d’au moins 200 membres et créé cinq fédérations au niveau national ainsi qu'une représentation en Grande-Bretagne.
Toutefois, le racolage interdit en 2003 a été réautorisé[36] le .
Une proposition de loi visant à pénaliser les clients de la prostitution a été débattue en 2011, sans aboutir. Une nouvelle proposition de loi similaire a été déposée le par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale, suscitant de vifs débats entre d'une part les partisans de la pénalisation pour qui dissuader les clients est indispensable à la lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains et qui permet aussi de s'opposer à la « marchandisation du corps humain » et d'autre part les opposants pour qui la loi forcerait l'isolement des personnes prostituées vers des lieux encore plus dangereux, plus d'intermédiaires et des exigences nouvelles des clients à avoir des rapports sans préservatif car encouragés par la baisse de la demande.
La loi est adoptée à l'Assemblée nationale le , et a été modifiée au Sénat qui a supprimé l'article relatif à la pénalisation des clients, soulignant les « effets délétères » qu'une telle mesure pourrait engendrer[37], et rétabli le délit de racolage. Le texte est à nouveau voté par l'Assemblée nationale en avant de revenir en seconde lecture au Sénat. Le texte pénalise les clients de prostituées, supprime le délit de racolage, renforce la lutte contre le proxénétisme et met en place une politique de prévention ciblant les jeunes[15]. La loi est adoptée en lecture définitive en par l'Assemblée nationale selon sa version[1], la seconde lecture n'ayant pas permis de trouver un accord avec le Sénat.
Deux ans après l'application de la loi, les effets néfastes dénoncés par le Sénat et certaines associations sont confirmés par des chercheurs[38].
Certaines sociétés de sites web spécialisés diffusent des publicités à proximité des universités parisiennes, pour promouvoir des « relations mutuellement bénéfiques » appelées sugar dating. Le nombre d'étudiants français concernés par le sugar dating pourrait être d'au moins 40 000. Toutefois, ces relations mutuellement bénéfique(s) peuvent se pratiquer sans sentiment, sans émotion[39].