Le pétrissage est la première phase du processus de production d'une pâte, répondant aux exigences des étapes suivantes, souvent jusqu'à la cuisson. Il est donc réalisé quotidiennement dans les boulangeries, pour les différentes pâtes à pain, en pâtisserie pour de plus faibles quantités, et dans d'autres secteurs alimentaires. Le pétrissage consiste à appliquer une force mécanique afin d'obtenir l'homogénéisation des ingrédients et des propriétés mécaniques et physiques pour la pétrissée en fin d'opération. Pour le pain, ces propriétés supposent d'obtenir le développement, le déroulement, et l'orientation des protéines de gluten ainsi que l'incorporation d'air dans la pâte.
On ne connait pas son origine historique exacte, mais elle est ancienne.
Depuis la préhistoire au début du XXe siècle, durant des millénaires, le pétrissage semble s'être fait uniquement par le moyen de la force humaine[2].
Selon le rationaliste des lumières Nicolas de Condorcet (1847), l’art de la boulange est « le plus nécessaire au peuple » et « aussi celui de tous sur lequel des préjugés qui s’étendent depuis les procédés mécaniques jusqu’aux soins de la législation, sont les plus nombreux, les plus absurdes, les plus funestes, et peut-être les plus difficiles à déraciner »[3].
Bien que la révolution industrielle ait suscité de très nombreuses versions de machines à pétrir, celles-ci ont été durant des décennies sources de vives controverses de la part des ouvriers boulangers. Ceux-ci, comme les canuts de Lyon, voyaient en effet dans ces machines une « tyrannie du standard »[4] et la fin de leur métier[4].
La boulangerie pâtisserie est donc d'abord restée une activité totalement artisanale, à l'écart des grands mouvements de rationalisation. Dans le même temps, elle était poussée par le capitalisme industriel et par certains économistes qui accusaient ce métier de conservatisme borné, perpétuant des routines n'ayant selon eux plus de sens dans le monde moderne[4] ; ainsi Le Bulletin des Halles du 9 juin 1905 encourage une boulangerie plus industrielle, en critiquant la boulangerie française qui ne serait « pas suffisamment sortie de la sainte routine dans laquelle s’endorment trop volontiers un certain nombre de nos compatriotes, qui ne s’aperçoivent pas assez qu’autour tout se modifie et progresse »[5]. Au XIXe siècle, avec l'augmentation de la démographie, de l'urbanisation et de l’économie monétaire, le nombre de boulangeries augmente fortement, de même que l'achat régulier voire quotidien de pain fait au fournil, d'autant que face au recul des forêts, le Code forestier de 1827 interdit le ramassage domestique de bois en forêt pour la cuisson du pain à la maison. Le mode de fabrication du pain au levain change cependant peu jusqu'à la Première Guerre mondiale[2].
Mais à partir des années 1880, les arguments de l'hygiénisme qui depuis Louis Pasteur, s'ajoutent peu à peu à ceux du rationalisme économique commencent à porter auprès du consommateur[4]. Ce dernier, tout en s'inquiétant de la dégradation de la qualité du pain, accepte ou promeut progressivement le choix de pâtes levées à la machine, standardisées, et sans contact prolongé avec le corps humain.
Les hygiénistes, et de nouveaux manuels de boulangerie, veulent que la pâte pétrie ne soit plus « arrosée de la sueur de ceux qui le préparent ; qu’il sera exempt des malpropretés que la négligence, l’excès de fatigue et l’état des personnes peuvent y laisser introduire par le pétrissage à bras, ou par celui qui se fait à l’aide des pieds »[6], car comme pour le pressage du raisin avant vinification, dans de nombreuses régions et pays, le pain était à pâte ferme, et son pétrissage fait par foulage aux pieds (en Espagne, en Italie et dans la Prusse rhénane), mais aussi en Normandie où le pain dit « brillé » ou « breyé » à pâte très ferme était courant, de même qu'on fabriquait en Provence et à Marseille un pain dans la farine duquel est introduite de la semoule, ce qui rend difficile le travail de cette pâte avec les mains[7],[8].
Bien que le pain soit désinfecté par sa cuisson, les médecins s'inquiètent ou s'indignent que la pâte soit manipulée par des pieds ou mains sales et ruisselant de sueurs, comme le montre cet extrait d'un rapport de Jules Naudin (société de médecine de Toulouse) :
Sous le Second Empire, en 1862, selon le Dr François-Charles Rigaud dans la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie « si l’on ne ressent pas quelque pitié pour les fatigues pénibles du boulanger, on est au moins pénétré d’un profond sentiment de dégoût en voyant ces hommes dont la propreté chez le plus grand nombre est plus que problématique, plonger, au milieu de la pâte, leurs mains rarement lavées, leurs bras d’où découle une sueur abondante, du corps desquels sortent des émanations plus ou moins nauséabondes »[10].
Parallèlement, à partir des années 1860 se développent des coopératives boulangères et de coopératives qui comme La Bellevilloise et La Moissonneuse à Paris installent des boulangeries dans leurs locaux. Celles-ci concurrencent les petits patrons boulangers par des prix plus bas, et elles diffusent peu à peu en France l'usage de pétrins mécaniques[11]. En 1900, la France compte presque 700 coopératives dans tout le pays et en 1906, les coopératives de boulangerie se créent une fédération professionnelle[12].
Cependant, même au sein des coopératives, les employés n'apprécient pas le pétrin mécanique. Selon les directeurs de coopératives, pour obtenir le soutien des consommateurs, ces ouvriers boulangers « gâchent » systématiquement le travail des pétrins mécaniques, faisant par exemple que la Coopération Socialiste de la rue Barrault (Paris), la Ruche Berruyère (Bourges), la Boulangerie coopérative de Saumur, ou encore la coopérative La Lorraine (Dombasle-sur-Meurthe) cessent d'utiliser leurs pétrins mécaniques « par la faute des ouvriers qui ne savaient pas s’en servir parce qu’ils ne voulaient pas assurément s’en donner la peine », les ouvriers ayant réussi à convaincre les sociétaires que le pain mécaniquement fabriqué avait moins bon goût que celui fait à la main »[13]
Aujourd'hui (2020) dans les pays riches, la plupart des artisans utilisent des pétrins mécaniques, mais dans l'imagerie populaire, le pétrissage manuel reste associé à une certaine qualité artisanale, et certains pratiquent encore à la maison la fabrication de pain pétri à la main, mais de petits « pétrins domestiques » ou des machines à pain cuisant aussi le pain sont aussi largement mises sur le marché des pays riches.
Opérations préalables
Comme l'ensemble des actions aboutissant à l'obtention de la pâte, avant la phase passive appelée pointage, le pétrissage est la phase active initiale dont le brassage des ingrédients (le pétrissage au sens ordinaire) n'est que l'opération principale. De ce point de vue, le pétrissage comporte la détermination des quantités de farine et des autres ingrédients ; le relevé des températures (effet sur la fermentation alcoolique) ; la réunion des ingrédients dans le pétrin ; le réglage du pétrin (vitesse et durée) et son déclenchement. Même si certains ajustements de dernière minute sont possibles (ajout d'eau ou de farine), l'action du pétrin ne saurait corriger des déficiences survenues dans ces opérations de base.
La détermination des quantités se fait selon différentes méthodes pour des proportions semblables : soit sur la base de la quantité d'eau, soit de la quantité de farine.
La température du local et des ingrédients sont prises en compte afin que la pétrissée ait finalement la température souhaitée pour la suite du processus après l'échauffement du pétrissage proprement dit. L'ajustement de la température de l'eau de coulage est le moyen d'intervenir facilement sur ce facteur.
L'incorporation des ingrédients ne suit pas de règles fermes, la pratique ou l'usage étant déterminant. La levure est délayée, ainsi que le sel s'il est gros ; celui-ci est incorporé plutôt au tout début dans le cas d'un pétrissage lent et à la fin pour un pétrissage intensif.
Durée et fin du pétrissage
La durée du pétrissage est un facteur important qui sollicite l'expérience de l'opérateur. Un pétrissage excessif peut nuire à la pâte, selon les farines. Il n'excède ordinairement pas vingt minutes et peut être interrompu pour un bref repos de la pâte et un ajustement du processus. Il est courant de commencer en vitesse lente le temps du mélange des ingrédients (le frasage) avant d'activer la vitesse élevée. Les pétrins s'arrêtant automatiquement selon la durée réglée, celle-ci peut être fixée avec modération et prolongée si l'aspect de la pâte n'est pas encore satisfaisant. Le pétrissage prend en effet fin quand elle paraît parfaitement homogène, élastique et douce (non collante).
Pour des caractères de pâte donnés, le pétrin utilisé et les caractéristiques de la farine sont les deux facteurs qui jouent sur la durée de pétrissage. Si l'efficience du pétrin ne varie pas d'un jour à l'autre, les différentes farines ne réagissent pas de manière identique à son action. S'il ne s'agit pas de pain courant, le caractère optimal de la durée est habituellement moins essentiel (pour le développement de la pâte). En fonction du produit désiré, la durée dépend pour une part des ingrédients utilisés, de leur quantité, du pétrin.
Une fois, la pâte souhaitée obtenue et le pétrin à l'arrêt, la phase suivante est ordinairement une phase de repos nettement plus longue où la levure est le principal agent à l'œuvre (le pointage). La pétrissée est donc souvent laissée entière dans la cuve du pétrin ou ailleurs, mais elle doit être soustraite à l'action de l'air à sa surface, habituellement par une pièce de tissu.
Un cas particulier est celui du pain azyme ; la tradition juive orthodoxe veut qu'il n'y ait aucune fermentation de la pâte : Le mélange des ingrédients et le pétrissage puis la mise au four doit prendre moins de dix-huit minutes.
Les principales techniques sont le pétrissage à bras, au pétrin et le laminage.
Les types de pétrins les plus courants sont les pétrins à axe oblique, à bras plongeant et à spirale.
Les différents types de pétrissage au pétrin sont :