La redowa est une danse lente à trois temps, parente de la mazurka, constituée de pas de polka et de valse, qui s'est diffusée un peu partout dans le monde au cours des années 1840. Elle fait partie, avec la scottish, la valse lente, la valse à cinq temps et la varsovienne, et des variations de la valse, de la mazurka et du galop, des danses en couple qui sont apparues dans le sillage de la « polkamania », afin de satisfaire la demande des danseurs de salon[1].
Il n'existe pas d'étude d'ensemble à son sujet, et encore qu'elle a été codifiée par divers maîtres de danse et par divers compositeurs de musique, il semble que ses principes ont fait l'objet d'interprétation diverses.
Il n'existe pas de source fiable à propos de son origine. Elle semble avoir été l'œuvre conjointe du compositeur parisien Louis Chledowski dont personne n'a jamais écrit la biographie, et d'Henri Cellarius pour le pas et les figures de danse. Par l'accentuation des temps, la composition était une valse, et si le pas et les figures ont été diffusées au travers des réseaux commerciaux d'Henri Cellarius, les compositeurs locaux semblent avoir très librement interprétée la composition. Sa descendance d'une danse folklorique tchèque nommée « rejdovák » a été répandu par le « Moniteur de la mode » du , mais cette filiation semble plus présumée que démontrée[2].
La rejdovák (ou rejdovak dans la littérature anglophone) est une danse d'origine rurale qui a été pratiquée dans les salles de danse de Prague à la fin des années 1820 et au début des années 1830. L'universitaire Anton Müller, critique d'art, et journaliste du supplément Bohemia(de)[3] de la Prager Zeitung[4], demande son avis, dans une lettre qu'il lui adresse, à Julius Maximilian Schottky(de) dont il publie la réponse le , à propos d'un poème, écrit par Harro Paul Harring, qui traitait de la reydowak et qui la décrivait comme un affront à la décence, qu'il avait demandé à l'auteur de remanier[5].
Dans son « Art de composer et d'exécuter la musique légère », publié en 1852 réédité, longtemps après son décès, en 1887[6], Gatien Marcailhou la décrit comme une variante de la mazurka, comme elle d'une mesure « trois quatre » , mais dont le temps accentué (celui qui contient les notes marquées) est le troisième et non le second de chaque mesure[7].
Il conseille de la structurer à partir de trois phrases de huit mesures et de la terminer par un coda de huit à seize mesures, que l'on exécute de la manière suivante[7] :
La redova « El naranjo », composée par Antonio Tanguma Guajardo[note 1], présentée par son arrière-petit-fils, Antonio Tanguma Jr.[note 2], comme tenu des particularités liées au contexte instrumental et aux besoins de simplification nécessaire à sa présentation pédagogique, suit assez fidèlement les règles exposées par Gatien Marcailhou en 1852[9],[note 3].
Elle semble avoir, comme toutes les danses du même type, avoir connu un succès populaire rapide, mais avoir peiné à conquérir la « bonne société ». Henri Cellarius note, en 1847, que l'on en parle plus que l'on ne la danse, sans doute parce que le pas de « basque polonais » recommandé par les maîtres de danse de salon, exigeait de disposer d'une salle de bal d'une certaine taille[10].
La redowa a donné son nom a un gâteau probablement oublié aujourd'hui qui se compose d'un fond de pâte à Napolitain[11] qu'une fois cuit, on abricote[note 4], que l'on glaçait au sucre glace et au kirsch, et que l'on décorait d'une demie orange amère confite[note 5] et de cerises, elles aussi confites[12].
Le musicologue Oscar Comettant a observé, entre 1852 à 1855, que la polka, la polka-mazurka, la redowa, la scottische (qu'il nomme « schottisch »), le quadrille et la gigue sont pratiquées partout et par toutes les classes de la société. La gigue, dans sa variante américaine pique sa curiosité, mais les autres danses n'appellent aucun commentaire particulier de sa part[13],[note 6].
On voit apparaître, dès 1851 au moins, la polka-redowa qui est d'après la plupart des observateurs, une danse qui utilise un pas de polka, une accentuation et un tempo de redowa[14]. Les bibliothèques publiques américaines conservent plus de 100 partitions de polka-redowas qui ont été composées entre 1851 et 1884, dont la très curieuse « Yankee Doodle redowa polka[15] », composée pour le piano, en 1852, par Elbert Anderson[16].
Au Mexique, la redowa, le plus souvent connue sous le nom de « redova »[note 7], et la scottish, appelée « chotis », ont été intégrées aux musiques folkloriques, traditionnelles ou modernes qui constituent la musique norteña.
On se perd un peu, faute de documentation dument nomenclaturée ou d'ouvrages détaillés sur le sujet, sur l'origine de leur popularité dans les États du nord du Mexique. Certains y voient l'effet de l'immigration des Allemands et des Tchèques au Texas, et dans les États de Nuevo León et de Tamaulipas à l'époque où elles étaient à la mode en Europe et aux États-Unis[note 8].
D'autres ont voulu y voir un effet de l'intervention française[note 9]. D'autres enfin, y voient un effet de la survalorisation culturelle de tout ce qui était européen, par la haute société, pendant la dictature de Porfirio Díaz[note 10]. Les compositeurs des redovas et des chotis qui font partie du patrimoine musical national, sont néanmoins quasiment tous mexicains[note 11].
La redowa a probablement d'abord pénétré, et presque en même temps qu'en Europe ou aux États-Unis, les milieux, fanatiques de nouveautés européennes, de la haute société et parfois même dans les salles de bal des grandes propriétés agricoles[17], avant de connaître une éclipse, encore que le musicologue Vicente T. Mendoza, dans son ouvrage « La Cancion Mexicana: Ensayo De Clasificacion »[18],[19] (La chanson Mexicaine, Essais de Classification) en a collecté deux[note 12], et de réémerger en tant que danse traditionnelle. Mais comme pour la danse appelée « baile calabaceado » en Basse Californie, les processus d'appropriation collective sont soumis à des influences diverses, sujets à de modes plus ou moins passagères, et sont parfois déroutants[17].
Le musicologue Américo Paredes a recueilli, en 1954, dans le sud du Texas, auprès d'un informateur qui n'était pas un musicien professionnel, une chanson appelée « La Redova de Don Porfirio », prétendument composée par le dictateur mexicain Porfirio Díaz et qui n'est au fond qu'une chanson d'amour dans laquelle un dandy du XIXe siècle, ne parviendrait pas à reconnaitre une rédowa. La manière d'exécuter les polkas, les chotis, les rédovas a été fortement influencée, depuis le début des années 1960 par le « Huapango Tamaulipeco » ou « Huapango Noteño » dont la forme actuelle, réputée traditionnelle, notamment dans le cadre du baile calabaceado, doit beaucoup aux succès cinématographiques et musicaux d'Eulalio « El Piporro » González(es). Plus récemment, ces interprétations, et la manière de les danser, ont subi l'attraction pour la « Cumbia norteña », ou pour la musique country et la square dance américaines[20].
La redowa fait partie des danses reconstituées et représentées par la « Compagnie Révérences[note 13]»[21].
Une danse répondant au nom de « redowa » a été collectée dans les années 1970 à Samatan (Gers). Elle combine deux pas de mazurka avec de la scottish[22].
Jose "EI Patrullero" Moreno[note 14], surnommé El Fidelero Del Valle (le violoneux de la vallée), et dont le conjunto possède la particularité de remplacer souvent l'accordéon par le violon ou la mandoline en tant qu'instrument porteur de la mélodie, possède plusieurs rédowas à son répertoire, notamment « El Cipres » et « Rosa Patricia »[23].
Le « Ballet Folklórico de Bryan Maldonado »[note 15], qui se produit aussi dans les états de Jalisco, Nuevo León[25] et Tamaulipas, inclut dans son répertoire des chotis, cuadrillas, redova et des polkas.
Dans l'état de Nuevo León, les redovas figurent le plus souvent au répertoire de groupes musicaux dont le type est appelé conjunto norteño, mais sont aussi présentées par des troupes de danses folkloriques. Les redovas populaires le plus souvent mentionnées sont[26] :
↑Jesus Antonio Tanguma Garza. né le à Monterrey. Accordéoniste reconnu de niveau international, professeur à la faculté de musique de la Universidad Autónoma de Nuevo León (Université Autonome de Nuevo León)[8].
↑Il faut se garder d'y voir une influence directe car il existe plusieurs rédowas, publiées en Espagne, au début du XXe siècle qui les suivent aussi.
↑Abricoter : recouvrir une pâte, des fruits ou un apareil d'une fine couche de gelée d'abricot tamisée (appelée aussi nappage blond ou abricotine) pour lui donner un aspect brillant.
↑A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, en pâtisserie, on appelait une orange amère confite : « un chinois ».
↑Cette observation écorne un peu le mythe de l'introduction de ces danses par les immigrants européens d'origine tchèque ou allemande, et la légende de leur popularisation par les troupes françaises sous l'éphémère règne de l'Empereur Maximilien, communes au Mexique ou au Texas, mais qui sont très peu documentées, la plupart des observateurs se limitent à recueillir la tradition populaire orale. Encore que leur persistance dans la « mémoire transnationale de la musique norteña », présente en soit un intérêt et qu'elles ne sont pas totalement dépourvues de fond, elles sont aussi le produit de l'époque du nationalisme mexicain, où il était plus facile d'admettre la transmission par héritage d'éléments culturels que leur adoption commerciale et leur incorporation aux traditions mexicaines. La même remarque vaut quasiment pour le Texas, où le patrimoine d'origine germanique, revenait, pour les texans de langue espagnole à revendiquer des origines culturelles identiques à celles des anglo-saxons, même si elles avaient été amalgamées à la culture hispanique.
↑L'instrument de percussion mexicain « redoba », dont la prononciation est quasi homophone, dans la plupart des dictions régionales, est fréquemment aussi écrit, de manière fautive, « redova ». Les orthographes correctes sont « redowa » et « redoba ».
↑C'est-à-dire, pendant les années 1840. Cette hypothèse colle mal avec le caractère urbain de ces danses et le fait que les immigrants ont mis un certain temps pour créer des centres communautaires qui leur offraient les services d'une salle de bal.
↑Cette hypothèse est assez peu probable car à l'époque de l'Expédition du Mexique, la mode en était passée dans les milieux populaires, et le commandement militaire, assez conservateur, n'approuvait pas ces danses.
↑Cette hypothèse est la plus vraisemblable car durant cette période la redowa, notamment, avait été incorporée par la musique savante, et survivait en tant que danse de salon auprès de l'aristocratie et de la bourgeoisie européenne.
↑Il en existe quelques-unes dont l'auteur est inconnu et qui peuvent provenir de partitions, naguère commercialisées, mais aujourd'hui perdues.
↑L'une d'elles, « El Murciélago » (La Chauve-Souris) qui a fait l'objet de plusieurs parodies au Mexique, dont une nommée « La Portera » (La Concierge), n'est en fait que l'une des nombreuses parodies de « l'Air de Figaro » du Barbier de Séville.
↑Révérences est une association loi 1901, créée en 1988, dont le siège est à Caluire-et-Cuire, qui a pour but, après recherche et reconstitution, de présenter au public l'évolution des danses anciennes de bal de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, et d'approfondir ainsi la connaissance historique d'un aspect de nos sociétés. Révérences est un membre officiel du Conseil international de la danse, soutenu par l'UNESCO.
↑Né le à Torreón dans l'état de Coahuila, mais installé à Reynosa, dans l'état de Tamaulipas, il a travaillé surtout à McAllen et au Narciso Martfnez Cultural Arts Center (Centre cutturel artistique Narciso Martfnez) à San Benito.
↑Bryan Maldonado Lugo, professeur à Académie Municipale des Arts de Cuauhtémoc[24],[25].
↑Composée et enregistrée en 1938 par Antonio Tanguma[27].
↑(en) Richard Powers, « Social Dances of the Nineteenth Century », Social Dance Descriptions, sur Social dance at Stanford, 46 Historical Dance Descriptions, Stanford, Stanford University (consulté le ).
↑« redowa », sur CNRTL, Lexicographie, Nancy, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (consulté le ).
↑(de) « Bohemia », sur Zeitschriftendatenbank (ZDB), Deutsche National Bibliothek / Staatsbibliothek zu Berlin (OCLC642944487, consulté le ).
↑(de) « Prager Zeitung », sur Zeitschriftendatenbank (ZDB), Deutsche National Bibliothek / Staatsbibliothek zu Berlin (OCLC724386709, consulté le ).
↑(de) Anton Müller, « Sendschreiben. Theater und geselliges Leben : Prager Novitäten », Bohemia, Unterhaltungsblätter für gebildete Stände, Prague, Prager Zeitung, , pp. 3-4 (OCLC642944487)
↑ a et bGatien Marcailhou, L'art de composer et d'exécuter la musique légère, quadrille, valse, polka etc..., Paris, Bureau central de musique, , 37 p. (BNF43131482, lire en ligne), p. 33
↑(es) « Jesus Antonio Tanguma Garza », sur CMA, Saint-Sauves-d’Auvergne, Confédération Mondiale de l’Accordéon (consulté le ).
↑(en) Nick & Melissa Enge, « Polka Redowa Music », sur Library of Dance, Austin, Nick & Melissa Enge (consulté le ).
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↑(es) Vicente T.Mendoza, La canción mexicana. Ensayo de clasificación y antología, Ciudad de México, Universidad Nacional Autónoma de México, Instituto de Investigaciones Estéticas, , 672 p. (ISSN0188-0845)
↑(es) Vicente T. Mendoza, La canción mexicana: ensayo de clasificación y antología, Madrid, Fondo de Cultura Económica de España, coll. « Tezontle », , 640 p. (ISBN978-968-16-1037-1)
↑Alain Riou et Yvonne Vart, « « Révérences : La redowa » : Reconstitution par la Compagnie Révérences de la Rédowa, danse à 3 temps assez lente du XIXe siècle, qui serait d'origine bohémienne. », Festival inter'val d'automne 2010, Caluire-et-Cuire, Révérences,
Pierre Lacam et Paul Seurre (éditeur scientifique), Le nouveau mémorial de la pâtisserie : contenant 3 500 recettes de pâtisserie fine et ordinaire, les spécialités des meilleures maisons de France, la confiserie, les glaces, les pains de régimes, les conserves... par Pierre Lacam. : 1re édition, complètement revue, augmentée et adaptée aux nouvelles méthodes de travail, par Paul Seurre., Crosne (Seine-et-Oise), Seurre-Lacam, , 837 p. (BNF32333489, lire en ligne)..
(de) Sebastian Willibald Schiessler, Carnevals-Almanach auf das Jahr 1830. Hrsg. von S. W. Schiessler, C. W. Enders, (OCLC82653320, lire en ligne).
(en) Cathy Ragland, Musica Nortena : Mexican Americans Creating a Nation Between Nations, Philadelphie, Temple University Press, , 268 p. (ISBN978-1-59213-748-0, lire en ligne).